CPE, réforme des universités : dans les facs aussi, les syndicats sabotent la lutte !
L’objectif du projet de réforme des universités ne fait pas mystère. Derrière l’hypocrite intitulé "développement de l’autonomie" et contrairement à ce qu’il prétend, l’Etat français veut réduire les dépenses et coupe encore un peu plus le robinet à l’enseignement supérieur. En se contentant de financer quelques pôles universitaires de haut rang, capables d’alimenter la recherche et les innovations industrielles, il condamne les autres à devenir de véritables "facs poubelles". En perspective, cette attaque contient évidemment aussi la hausse progressive des frais d’inscription : quitte à ce que les enfants d’ouvriers fassent des études qui ne débouchent sur rien, autant qu’elles leur coûtent un maximum.
Les syndicats étudiants ont tenté de saboter le mouvement anti-CPE...
Pour mieux faire passer cette attaque, l’Etat a pu une nouvelle fois compter sur ses chiens de garde, les syndicats... en l’occurrence, les syndicats étudiants. Ces derniers ont parfaitement joué leur rôle, gonflant le torse devant le gouvernement Fillon juste ce qu’il faut pour être crédibles et focaliser l’attention sur une quantité d’alinéas sans importance de la loi (tel que le nombre de représentants étudiants aux Conseils d’administration). Mais le pire est sans conteste le fait qu’ils aient mené ce sale boulot en revendiquant la paternité du mouvement anti-CPE.
Parfois, les journalistes nous en racontent de bien bonnes. N’hésitant pas à ré-écrire l’histoire, les médias ont en effet présenté les jeunes bonzes syndicaux assis à la table des négociations gouvernementales comme les chefs légitimes du mouvement du printemps 2006. Bruno Julliard, président de l’Union Nationale des Etudiants de France (Unef, véritable marionnette du Parti socialiste) est ainsi élevé par ces plumitifs au rang de "leader [...] de la révolte anti-CPE", un « combattant » qui n’hésite pas à menacer Sarkozy en personne : "Le leader anti-CPE tient Sarkozy et sa réforme de l’université en ligne de mire"
Halte-là et bas les pattes ! Si une chose est sûre, c’est que la lutte contre le CPE n’appartient pas aux syndicats ! L’UNEF, la Confédération étudiante, la Fédération Syndicale Etudiante (FSE), tous n’ont eu de cesse, derrière leurs beaux discours, de mettre des bâtons dans les roues aux étudiants en lutte, d’endiguer l’extension du mouvement vers l’ensemble de la classe ouvrière.
Les plus grandes résistances à l’ouverture des assemblées générales aux travailleurs, aux retraités, aux chômeurs, sont venues explicitement des membres patentés du syndicat étudiant Unef. Lors d’une réunion de la coordination nationale le samedi 4 mars à l’université Jussieu à Paris, des militants du CCI se retrouvent parmi une trentaine d’ouvriers bloqués devant les portes de l’amphithéâtre. Les militants de l’UNEF refusent de nous laisser entrer sous prétexte de "protéger l’assemblée et de veiller à son bon déroulement". Un Rmiste, venu de Lyon tout spécialement pour témoigner sa solidarité, en reste sidéré. Il faudra que les étudiants se revendiquant "non syndiqués" affirment et ré-affirment pendant plus de deux heures à la tribune de l’AG leur volonté de nous laisser entrer (tout en venant nous informer régulièrement de l’état de la discussion) pour qu’enfin les portes s’ouvrent. Ce sabotage caractéristique de la part d’officines syndicales n’est pas une simple anecdote, un fait isolé. Au fur et à mesure du développement du mouvement, de plus en plus d’étudiants ont pris conscience du véritable rôle de l’Unef. Ainsi, scandé par des dizaines de jeunes, a retenti dans l’amphithéâtre de l’université de Tolbiac à Paris un message sans ambiguïté : "UNEF-MEDEF... UNEF-MEDEF !..."
... de façon organisée et consciente !
L’UNEF a transmis à toutes ses sections dès le début de la lutte une véritable recette pour le noyautage des AG et leur sabotage. Ce document édifiant intitulé "CPE : Fiche pratique de mobilisation" (voir verso) a circulé entre les mains de centaines d’étudiants. En voici un petit extrait : "La tribune [...] est un outil technique important pour le bon déroulement de l’AG, il faut donc la maîtriser parfaitement. [...] Il faut donc absolument que l’UNEF y soit représentée et même majoritaire si possible. [...] Le président de séance : le mieux c’est que ce soit la personne de l’UNEF." Pourquoi vouloir à tout prix maîtriser la tribune ? Pour "le bon déroulement de l’AG" ? Pas du tout, puisqu’il s’agit en fait de "limiter dès le début le temps d’intervention pour tous et intercaler un mec UNEF et autres forces mais sans que cela soit visible" et toujours plus fort "il faut absolument un ou deux cadres qui soient chargés de gérer la salle, faire intervenir les camarades pour que l’UNEF ou des proches UNEF interviennent dans notre sens, aller parler aux gauchistes ou droitiers pour les occuper et minimiser leur prise de parole" (souligné par nous).
Ces méthodes crapuleuses pour accaparer le contrôle des AG sont à l’opposé de la nature réelle du mouvement anti-CPE, marqué par la volonté des étudiants de débattre, de façon ouverte et fraternelle, entre eux et avec toute la classe ouvrière. Ce travail de sape de l’UNEF avait pour but de limiter l’extension du mouvement, d’en faire un problème purement estudiantin, pour que surtout les ouvriers ne se joignent pas à la lutte. En voici une nouvelle preuve toujours tirée de la fameuse "Fiche pratique" : "Les AG doivent débattre du CPE et pas de toutes les réformes gouvernementales ou du bonheur sur la terre, il faut axer nos interventions sur ce qui touche les étudiants." (souligné par nous) Fort heureusement, les étudiants ne sont pas tombés dans le panneau et ont, au contraire, mis de plus en plus en avant les revendications communes à toute la classe ouvrière : le chômage, la paupérisation, etc.
Voilà le vrai visage de l’UNEF et de son président, celui que les journalistes ont hissé au titre de "leader de la révolte anti-CPE" !
La lutte contre le CPE a montré l’importance de voir derrière chaque attaque, la paupérisation générale de toute la classe ouvrière. La réforme actuelle des universités, si elle vise en particulier les jeunes générations, s’inscrit elle aussi dans le flot continuel d’attaques qui touchent toute la classe ouvrière. C’est cette vérité-là que les officines syndicales étudiantes, tout comme leurs grandes sœurs, tentent de cacher. Tout ce qu’ils ont dit ou fait durant ces négociations est un véritable bras d’honneur au mouvement de 2006.
Ne laissons pas ces chefs syndicaux récupérer frauduleusement une victoire de la classe ouvrière et de ses nouvelles générations ! Ne les laissons pas dénaturer les leçons vitales de cette lutte !
Extrait d’article de Révolution Internationale du CCI
(1) Pour connaître le contenu de cette « fiche pratique de mobilisation » Consulter notre site www.Internationalism.org
Courant Communiste International