Les signataires de ce texte, enseignants de l’UFR de Lettres modernes qui n’ont pas signé l’appel à la levée du blocage lancé par plusieurs de leurs collègues, tiennent à préciser ici deux choses : cela ne signifie pas qu’ils sont automatiquement, inconditionnellement partisans dudit blocage ; cela ne signifie pas non plus qu’ils sont opposés à toute réforme de l’Université.
Ils pensent évidemment, comme leurs collègues, que le blocage “pénalise gravement les étudiants” — et pas seulement, ajoutent-ils, parce que ceux-ci pourraient voir leur semestre non validé.
En revanche, ils pensent, avec les étudiants mobilisés et comme eux, que l’action qu’ils mènent en ce moment est “politique” en effet (ils pensent donc aussi comme Valérie Pécresse, mais ne donnent évidemment pas au mot le même sens qu’elle). Et pensent aussi, comme et avec eux, que cette loi est une menace pour l’Université, pour au moins deux raisons essentielles, déjà évoquées ici et là :
la première est la concentration des pouvoirs dans les mains du Président et de personnes par lui choisies, étendant au-delà de l’acceptable un pouvoir qui était déjà très important (voir, au sujet de l’état de fait d’ores et déjà existant, l’article du Monde daté du 20 novembre, signé par quelques enseignants de Paris VIII) ;
la deuxième est la question de la “professionnalisation” : l’Université n’a pas pour vocation, on ne le répétera jamais assez, de former à un métier ; elle peut, par la formation intellectuelle qu’elle donne, favoriser la recherche d’un emploi et, plus largement, un épanouissement personnel révélant des aptitudes à exercer de multiples activités dans la société, et pas seulement dans le monde marchand. Les signataires de cette lettre considèrent qu’il y a dans cette loi des éléments qui risquent de marginaliser encore davantage, voire de faire disparaître à terme, certaines disciplines — notamment celles qui aident (qui donnent) à penser.
Françoise Asso, Nathalie Barberger, Frédéric Briot, Jean-Max Colard