Cet article prend comme base deux autres articles qui n’ont pas été acceptés par Indymedia Lille, traitant tous deux de ce qui a été vécu par moi comme un dérapage raciste extrêmement violent de Dominique Voynet, sur France 2, le 29 juin. Le premier ayant été censuré avec comme motif « accusation infondée » et le second car il traitait (en partie) de la modération d’Indymedia Lille, je vais tacher de rester à ma place et d’argumenter mon propos calmement et proprement tout en respectant le règlement de ce site sur lequel les débats sur la modération se font dans un autre espace qu’ici. Parce que les positions individuelles me semblent importantes à préciser dès lors que l’on traite de structures de domination, sachez simplement que je suis un mec de nationalité française, considéré par des personnes ouvertement racistes et par moi même (ainsi que par touTEs celleux qui partagent cette condition ambiguë) comme « rebeu », et par des français de souche ouvertement anti-racistes comme blanc. Je sais que ce n’est pas très clair, mais je crois que quelle que soit la façon dont je me considère, je me devais de la mentionner ici.
Pour en revenir au titre de l’article - qu’est ce que le racisme ? - je sais qu’il peut sembler à première vue sinon stupide, du moins prétentieux et/ou inintéressant. Parce que wikipédia fournira toujours une définition à la fois plus dense et plus commune que ce que je ne pourrai jamais faire, et parce que de Franz Fanon à Colette Guillaumin, beaucoup furent capable avant même que je naisse d’en expliquer les rouages les plus obscures et les plus complexes, je ne vais pas me lancer ici dans une énième tentative de théorisation du racisme. Pourtant, il se trouve que dès lors que je parle de racisme dans le milieu militant, personne ne soit plus capable d’en situer le débat ou ses enjeux : « le racisme c’est mal », « les beauf raciste, faut les fracasser, y a que ça qu’ils comprennent », « la crise va permettre aux idées racistes de trouver un nouveau souffle » ou même « on est tous raciste, c’est évident, faut juste en avoir conscience ». Bien sur, tout n’est pas faux à mon avis parmi ces phrases-types que j’entends régulièrement, mais de quoi parle-t-on au juste ? D’un système de domination dont les vérités sont subjectives et différent selon la place que l’on y occupe, d’une idéologie présente jusque dans le langage, d’un fait institutionnel de discriminations et de différentiations sociales ? Ou seulement d’un concept fourre-tout déculpabilisant que l’on utilise à coups de schémas de pensée politiquement corrects ? Quelle que soit la façon dont l’on pose généralement la question du racisme, ça n’empêche jamais ces personnes de penser posséder l’entière vérité sur le sujet, et de savoir précisément si l’on est trop indulgent ou si l’on va trop loin dans l’accusation.
Ainsi, dès que je parle avec des personnes subissant elles-même le racisme, le propos est beaucoup plus clair : le racisme, il est traité généralement à travers le/la raciste, c’est à dire les personnes qu’elles ont pu rencontrer sur leurs routes et qui se sont trouvés être des ennemies (des ennemies de classe pourrait-on dire) dans ce système de domination. Car dès lors que le racisme est débattu, et heureusement d’ailleurs, dès lors qu’une définition précise et exhaustive n’a pas été unanimement acceptée par tous les membres d’un groupe défini (le réseau Indymédia, la France, un cercle d’amiEs, etc...), il faut savoir accepter que notre positionnement individuel nous offre des sensibilités différentes sur une question comme le racisme. Que certainEs possèdent des privilèges qu’illes peuvent avoir tendance à défendres ou des idées particulières issues de leur éducation et d’autres des handicaps sociaux ou une susceptibilité qui peut paraître parfois déplacée. Et qu’un bon nombre (dont je pense faire partie) se situe entre les deux, oscillant d’un côté ou d’un autre en fonction des situations, entre raciste et victime de racisme, entre stigmatisé et stigmatisant, et entre accusateur potentiel et potentiel accusé de racisme, là encore dans une subjectivité que l’on pourrait presque toucher du doigt.
Alors, lorsque je balance sur un site militant comme Indymédia un article dans lequel je parle d’un dérapage raciste de un tel ou une telle, cela sous entends que j’ai ressentis du racisme dans des propos qui m’ont personnellement atteint mais aussi que je souhaite ouvrir le débat avec d’autres pour confronter mon sentiment. Et non que je détienne une vérité objective qui peut dans ce cas être acceptée ou censurée. Comme cette confrontation m’est chère, et comme je ne compte pas lâcher l’affaire, je vais revenir sur la phrase de Dominique Voynet, alors invitée sur un plateau télé pour débattre du voile intégral (renommé Burqa pour l’occasion) et défendre le principe d’une législation visant à l’interdire, au côtés de Fadela Amara :
« Une fois de plus, on va légiférer sur la tenue des femmes... Et que le mari, qu’a une grande robe, un petit bonnet, des babouches et une grande barbe, et bien lui il aura tout à fait le droit de continuer à déambuler dans l’espace publique ! Ca ça pose problème ! »
Pour répondre tout de suite aux critiques que certainEs ont pu faire sur mon interprétation de cette intervention de Voynet, il y a en effet un double sens dans ces phrases. D’un côté, Dominique Voynet critique, et à juste titre selon moi, la propension de nos connards de députés à pondre des lois ne touchant et ne contraignant que les femmes dès lors qu’il s’agisse de les protéger ou de défendre la laïcité républicaine. En effet, une fois de plus « ceux qui voilent les femmes », pour reprendre une formule que je n’apprécie que peu, ne seront évidemment pas concernés par cette loi. Restent les femmes voilées, que l’on pense officiellement protéger en interdisant, et qui selon cette logique vont donc vivre entre les feux croisés de l’état et de ceux que l’on nomme « islamistes radicaux ». Je ne vais pas m’étendre sur cette partie, je ne considère pas que c’est à moi de mener ce débat, mais je précise simplement que je différencie bien ce propos du suivant dans l’intervention de Voynet.
Et le suivant, justement, m’a fait éclaté d’un rire jaune lorsque je l’ai entendu à la télévision. Mais pour éviter de voir mon article disparaître, je vais tenter de proposer une argumentation claire et posée.
Tout d’abord, la description du « mari » : je pourrais être la seule personne sur terre à être choqué par celle ci (ce qui n’est pas le cas, je suis simplement la seule à vouloir à tout prix que cette information banale et presque inintéressante passe sur Indymédia Lille), je continuerai malgrè tout à ne pas douter du racisme puant des mots employés et de la façon dont ils ont été dit. « Petit bonnet », « grande robe », « grande barbe », « déambuler », le tout dis sur un ton qui sent bon la stigmatisation haineuse et la caricature spectaculaire où tout l’attirail de ce qui pose problème aux yeux de l’intégrisme républicain catho-français de base y passe. Mais ça après tout, c’est juste mon ressenti.
Ce qui est beaucoup moins facilement défendable à mon sens, c’est l’amalgame qu’elle fait : que viennent foutre des babouches dans un débat sur la laïcité ? Pour celleux qui l’ignore (ne sait on jamais) la djellaba et les babouches sont culturels et non cultuels, ce sont des modes vestimentaires issues d’une culture arabe et non des marques ostentatoires (alala, les sacrifices que je fais pour écrire cet article...) d’une quelconque appartenance à l’islam. Après, si le débat peut quand même se faire pour le chéchia (le bonnet), qui selon moi est aussi culturel (ou l’un ou l’autre, selon la signification que l’on lui donne), ça me fait marrer de voir les gens déconner systématiquement sur la barbe que l’on ne penserai jamais à stigmatiser sur la gueule d’un caucasien. Pour en revenir à Voynet, elle dit quand même clairement que ça lui pose problème que des personnes « déambulent dans l’espace publique » fringués comme ça, et sous-entend qu’une loi interdisant toute cette barbarie ne serait pas de trop. Et puis quoi encore, ensuite on interdit le boubou ? Après le bruit et l’odeur, c’est la vue qui en prend un coup avec toute cette étrangeté sous nos yeux. Je trouve que c’est fasciste et ça me donne envie de vomir. Si pour certainEs c’est simplement un lapsus, une petite erreur de langage, une boulette sans importance, et qu’en parler c’est émettre une « accusation infondée », pour moi c’est un dérapage rageur où toute une haine de l’autre, de la différence, a pu transpirer de ses propos durant quelques secondes. Et quand je vois ce genre de truc, et comment personne dans certains cercles de blancHEs libertaires affectionnant la lutte Antifa ou les réseaux No Border ne réagit même lorsque qu’illes visionnent la vidéo, la France, même militante, elle me débecte.
Le lien de la-dite vidéo : http://info.francetelevisions.fr/video-info/index-fr.php?id-categorie=EMISSIONS_MOTS_CROISES (regarder l’émission du 29 juin entre la 35 et la 36ème minute)