Ce mardi 19 janvier 2010, la Commission nationale du débat public sur les nanotechnologies avait prévu de tenir son 13e faux débat à Marseille.
Comme à Lille, Grenoble, Rennes et Lyon, elle s’est enfuie devant les opposants au nanomonde et aux manipulations d’opinion, très nombreux dans la salle du Pharo. Ce, en dépit du tri effectué à l’entrée par les physionomistes assermentés, qui ont empêché l’accès à une dizaine de personnes. Tandis que Jean-Pïerre Chaussade (vice-président de la commission), s’adressait à la foule pour raisonner les contestataires éventuels.
La séance est ouverte par un Jean-Pierre Chaussade inquiet, mais apparemment soulagé par le calme relatif de la salle durant les premières minutes. Il donne volontiers le micro à ceux qui demandent, puisque sa mission est de "laisser la parole à tous ceux qui souhaitent s’exprimer".
Ce soir, le public est espiègle. Un faux naïf demande "Pourquoi il y a des manifestants ce soir ?", et tandis que Chaussade prend une mine complice, sans doute pour assurer qu’il partage l’étonnement du monsieur, celui-ci ajoute : "Vous ne vous êtes pas posé la question ?" Première douche froide.
La deuxième vient d’un homme bien mis, en qui le président de séance aurait juré reconnaître un citoyen-respectueux-du-débat. Lequel s’offusque d’abord : "On n’est pas là pour crier, on écoute le monsieur qui a des trucs intelligents à dire, on ne fait pas les jeunes", puis, s’égosillant dans le micro : "S’il-vous-plait, c’est mon moment de poser ma question", exigeant qu’on lui laisse poser sa question durant trois bonnes minutes avant que Chaussade ne réalise l’entourloupe. Et la salle de réclamer : "La réponse, la réponse !"
Une banderole est déployée devant la tribune : "Décisions déjà prises, démocratie en crise", slogan repris dans le public quand Mme Rousseau, représentant le Commissariat général au Plan, résume ce qu’on doit espérer de l’opération de la CNDP : demander qu’un certain pourcentage des aides publiques accordées aux entreprises en nanos soit consacré à l’évaluation des risques ; demander plus de contrôleurs ; intervenir auprès des institutions européennes.
En somme, il faudrait se réjouir qu’on nous laisse participer à la gestion des nuisances. Le public marseillais ne semble pas satisfait de cette offre, et un jeune homme au micro fustige cette conception du débat qui consiste à "informer le public". Le débat, rappelle-t-il, c’est discuter pour décider collectivement. Il indique que les chercheurs de l’Ideas Lab de Minatec à Grenoble, ou du CEA (Etienne Klein notamment), s’emploient à réduire les résistances aux nanos, en manipulant les espoirs en matière de santé et d’écologie.
Après 40 minutes de chahut, de sifflets, de slogans, de chants, Jean-Pierre Chaussade jette l’éponge, quitte la scène et donne rendez-vous sur Internet. Où l’on voit les merveilleuses possibilités des technologies de l’information et de la communication. Il charge sa collègue Galiène Cohu de tenir le crachoir durant la demie-heure nécessaire pour établir la liaison satellite avec le bunker où se retranchent les experts. Une demie-heure, c’est long quand on n’a rien à dire et que les manifestants envahissent la tribune. Mme Cohu, la bien-nommée, doit se faire aider d’un souffleur, pour enchaîner des phrases sans queue ni tête, d’où il ressort tout-de-même cette obsession : le public doit poser des questions, et obtenir des réponses. Il ne viendra jamais à l’esprit d’un technocrate que le "public" ait des réponses à apporter aux "experts".
Quant au mystérieux souffleur ("donnez-moi des idées", l’implore Galiène Cohu), ce n’est autre que Bruno Védrine, le secrétaire général de la commission, le vrai chef de cette opération. Quand Chaussade, Bergougnoux et les membres de la CNDP-Nanos assurent être indépendants et bénévoles, ils oublient de dire qu’ils travaillent sous la coordination de ce fonctionnaire, payé – 4500 euros par mois – par le ministère de l’Ecologie, pour assurer la mission jusqu’au bout. L’œil – et la bouche - de l’Etat, c’est lui.
Prochain faux-débat : à Orsay le 26 janvier.