Courant alternatif 249 - avril 2015 est sorti
Sommaire
Edito PAGE 3
Social PAGE 4 Macron, c’est tout bon PAGE 6 Le républicanisme et l’urbanisme au secours de la patrie en danger
Espace militant PAGE 7
Economie PAGE 8 Le « scandale swissleaks »
Espace d’expression militant PAGE 10
Lutte PAGE 11 Lutte à la Redoute : 1 an après
Immigration PAGE 13 Calais : point sur la situation
Aménagement du territoire PAGE 15 Pour la ZAD du Testet c’est donc stop !?
Big Brother PAGE 16
Aménagement du territoire (Suite) PAGE 18 NDDL : Avec ou sans aéroport... que faire de la ZAD ? PAGE 20 Ali Ziri, une affaire et un film
Agriculture PAGE 22 L’agriculture urbaine, blague ou utopie ?
International PAGE 25 Algérie : gaz de schistes PAGE 28 Libye, un bateau qui coule en silence
Métropolisation PAGE 31 Film « La fête est finie »
L’économie en brève PAGE 32
Édito
« Il est une catégorie de gens qui, s’ils ne croient pas, doivent au moins faire semblant de croire. Ce sont tous les tourmenteurs, tous les oppresseurs et tous les exploiteurs de l’humanité. »
Michel Bakounine. Dieu et L’Etat. 1882.
Depuis les attentats de janvier, les appels à la restauration de « l’ordre républicain » se déclinent dans tous les champs de l’action de l’Etat. Que ce soit à propos de l’école ou de la justice, des administrations ou des cités populaires, tout est bon à la gauche pour se refaire en usant d’une rhétorique entremêlant nationalisme, xénophobie et célébration de la « Communauté Nationale ». Il est vrai qu’au point où elle en est, il n’y a pas de raison pour qu’à son tour, cette gauche n’en croque un peu ... Elle estime, cette fois, avoir obtenu le droit de cité au nombre de ceux dont la volonté ne faillit pas face au péril, d’où qu’il vienne. A bien des reprises pourtant elle avait donné des gages dans ce domaine, mais ses efforts n’avaient jamais convaincu ses pairs. Un doute subsistait. Le laxisme dont ont l’a souvent brocardé durant ces dernière décennies relève désormais de l’histoire ancienne et on assiste à une véritable catharsis.
Cette exaltation du sentiment national, de l’appartenance à la communauté se paie au prix fort par ceux que l’on suspecte à tort ou à raison d’ailleurs, de ne pas goûter l’unanimisme cocardier. Et en particulier pour les groupes de personnes qui, quoi qu’ils entreprennent afin d’y échapper, seront systématiquement renvoyés à la place qui leur a été dévolue par l’histoire coloniale de cette république française. Les dernières déclarations de Valls au sujet des liens qu’il s’agirait de tisser entre l’Etat et les habitants des quartiers populaires nous le rappellent une fois encore. Son propos volontairement paradoxal associant une « Politique de peuplement » à « la lutte contre la ghettoïsation, l’apartheid social, territorial et ethnique » suinte le colonialisme et nous dit combien le « théâtre des opérations » ne se déroule pas qu’à l’extérieur des frontières. La multiplication des actes racistes de toutes sortes, durant ces dernières semaines trouve précisément son développement dans l’exacerbation d’un discours officiel stigmatisant.
La fausse polémique ré-ouverte à dessein entre Valls et Hollande autour de la collecte de données ethno-raciales dit tout de l’hypocrisie qui règne à gauche sur le sujet et ce jusqu’au sommet de l’Etat. Si Hollande s’est prononcé contre la constitution des fichiers ethniques, il est de notoriété publique que les pratiques sauvages en la matière sont monnaie courante1. Des bailleurs sociaux y recourent, avec le consentement de maires qui parfois l’avouent et le justifient comme une des conditions du maintien de la paix sociale dans les villes qu’ils dirigent2. Par ailleurs, la série de mesures gouvernementales destinées à introduire de la « mixité sociale » sur certains territoires, accélérera en réalité la destruction de logements sociaux jugés insalubres. Elle permettra ainsi la relégation des populations jugées indésirables et l’appropriation d’espaces convoités dans le cadre de projets d’aménagements urbains plus lucratifs. Ce n’est désormais plus une découverte, derrière la politique de « mixité sociale » se dissimule d’abord celle de la gentrification.
C’est dans ce climat que le « communautarisme », celui des autres, bien sûr, se retrouve désigné par les gens de pouvoir comme le germe des maux d’une société en état de décomposition. Et cela tombe à pic, car à gauche on a du métier lorsqu’il s’agit de diviser celles et ceux dont l’unique intérêt est de se solidariser afin de résister aux attaques des patrons et de leurs politiciens. Que l’on se remémore seulement Pierre Mauroy, alors premier ministre de Mitterand et avec lui Gaston Deferre et Jean Auroux, ministres de l’intérieur et du travail tous trois dénonçant à l’époque les ouvriers grévistes des usines Citroën comme manipulés par les islamistes. Si nous ne sommes plus dans la même période, c’est toujours La question sociale que des politiciens sans solution de rechange, ni miettes à distribuer, tentent de neutraliser. Il leur suffit pour cela d’agiter et d’exacerber de temps à autres des prétextes clivant comme le « port du voile » il y a quelques années auprès de populations déjà déboussolées ... Et avouons le, pour le moment, ils ont beau jeu et ne rencontrent face à eux que peu de résistance. A fortiori lorsqu’en guise de réponse au racisme d’Etat, certain-es s’associent à des discours pour le moins équivoques comme la requalification en vogue dans certains milieux du racisme anti-maghrébin et anti-arabe en « islamophobie ».
Qu’y a-t-il de surprenant à cela quand dans une période comme la notre les repères de classe les plus élémentaires ont à peu près partout volé en éclat ? Le problème avec l’utilisation de cette notion « d’islamophobie », censée se comprendre à la fois comme une aversion et une peur face à la religion musulmane, c’est qu’elle assigne de facto une intention religieuse à des populations entières pour signifier le racisme et la xénophobie. Dernièrement à Lille, la manifestation du « Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires » clamait dans la rue : « Nous sommes tous noirs, arabes, rroms et musulmans ». Un peu réducteur, non ? On peut-être d’origine « maghrébine », « arabe », « noire », « rrom » ou tout ce que l’on veut d’autre, et ne pas s’identifier systématiquement à une religion quelle qu’elle soit. Par contre, il est certain que l’on subira au quotidien le racisme le plus violent de la part des flics, des patrons, de l’administration et du petit chef, parce qu’on sera de surcroit : pauvre, ouvrier, employé, chômeur ou jeune dans cette société de classe.
Mais surtout, on a le sentiment d’assister à un jeu trouble en terrain miné où de petits malins escomptent sans doute engranger les dividendes de leur connivences avec des officines réactionnaires. Faut-il rappeler que, même si la religion est apparue à certain comme « l’âme d’un monde sans coeur », la lutte de classe, elle, se mène dans la solidarité entre égaux. Elle ne relève en aucun cas de la compassion que trahirait un sentiment de culpabilité mêlé de paternalisme à l’égard de ceux qui pratiqueraient selon une terminologie aussi malheureuse que répandue « la religion des dominés ». Staliniens de toujours, extiers- mondistes, trotskystes en déshérence, prospecteurs en « nouveau sujet de l’histoire » et même des libertaires ... ils sont quelques-uns depuis un certain temps à gauche, par calcul et/ou opportunisme, qui ne rechignent pas à signer aux côtés de membres de la droite religieuse, de groupe aux logiques ethnodifférentialistes.
Si dans nos luttes contre l’Etat et le racisme nous ne négocions ni ne conditionnons pas notre solidarité, nous n’oublions pas que la religion n’est en aucun cas une « affaire privée ». Sa fonction, fut toujours l’exercice d’un contrôle strict des corps. S’il fallait encore le démontrer, signalons que le 9 mars, cinq représentants des trois religions monothéistes se sont entendus comme un seul homme en signant un appel à rejeter le projet de loi sur la fin de vie.
Dans cette période difficile, essayons de porter dans les mobilisations à venir et sur des bases de classe les perspectives qui sont les nôtres ; celles d’une société enfin débarrassée de l’exploitation et de la domination sous toutes ses formes, celles du communisme.
Boulogne-sur-mer, le 20/03/2015
1 - En réalité, les statistiques ethniques ne sont pas illégales en France puisque la loi prévoit des dérogations pour les chercheurs. 2 - Une vieille pratique bien sûr. Dès les années 20, dans les villes minières du nord, les compagnies soucieuses d’éviter avant tout la contagion syndicale et politique cloisonneront par quartiers et par puits les vagues successives de travailleurs immigrés et leurs familles : italiens, polonais, marocains ...
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