Vous ne l’attendiez plus. Après une pause d’un an, la quatrième récolte (tardive) d’Hors-sol est enfin là, rhabillant pour l’hiver les ingénieurs de la guerre technologique. Vous y lirez combien l’armée, indépendamment des « opérations extérieures » de la France, est aux commandes de notre vie quotidienne. Vous croiserez Google et l’armée américaine, des robots-tueurs et des cyberguerriers, des nazis augmentés à la méthamphétamine, un kurde pour qui « les projets d’aménagement sont la poursuite de la guerre par d’autres moyens », et quelques considérations doctrinales sur la guerre technologique. Ce dossier d’Hors-sol esquisse donc cette piste pour un antimilitarisme du XXI° siècle : nuire au « potentiel scientifique et technique de la Nation » (comme on dit dans les Livres blancs sur la Défense).
Au delà de ces considérations militaires, vous trouverez dans ce numéro un modeste bilan de la contestation de la Loi Travail (et son monde, comme il se doit), un relevé des oppositions régionales au compteur électrique « Linky », un avocat artificiellement intelligent, et quelques éléments contre le transhumanisme. C’est que notre nouveau président de Région Xavier Bertrand compte relancer l’économie régionale en finançant une chaire universitaire sur le transhumanisme. On les attend de pied ferme.
Surtout (surtout), notre dessinateur Modeste Richard vous dévoile en bande dessinée les dessous de notre tout nouveau laboratoire d’Ethics & Technologies for a Sustainable Enhancement. Intégré au sein de l’équipe d’Hors-sol, notre « labo » est sur le point de commercialiser le « SmartFeuFesFiolle », une idée-cadeau pour les fêtes. Il s’agit d’un récupérateur de méthane discret pour utilisation ménagère accompagné d’une casquette modern-style avec visière photovoltaïque et montre connectée pour contrôler en temps réel votre production individuelle de gaz. Nous l’avons présenté au concours « EDF Pulse Hauts de France » pour une « ville bas carbone » qui a préféré refuser notre candidature. En lisant Hors-sol, vous saurez tout sur cette affaire obscure.
Si c’est le monde ou rien, ce sera rien,
Hors-sol.
PS : Pour trouver ce numéro, suivez le lien :
http://hors-sol.herbesfolles.org/category/nous-trouver/
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Cabu s’est fait buter, et avec lui l’une des dernières voix définitivement antimilitaristes de la presse. Au XX° siècle, chaque génération payait son dû à la nation en rejoignant le rang, alimentant une méfiance vis-à-vis de l’armée. Les chansons de Renaud, les bédés de Charlie ou de La Gueule ouverte, les manifs antinucléaires. Il y a quelques années encore, pendant et après la guerre d’Algérie, le sentiment anti-militaire créait un mouvement de déserteurs et d’objecteurs de conscience. Avec la fin de la conscription, ce mouvement s’est éteint. Pourtant, l’armée est aux commandes de l’économie. Elle en protège les secteurs les plus sensibles. Et en tant que premier investisseur public, elle diffuse ses innovations dans le « civil ». Notre vie quotidienne est sous sa coupe.
On peut voir dans la « crise » économique une mutation du capitalisme vers de nouvelles sources de profits – aujourd’hui le numérique et les hautes technologies. Or, ce qui vaut pour l’économie vaut pour la guerre, intrinsèquement liées. Un budget de Défense dit « de crise », malgré les rallonges accordées par le président Hollande pour cause d’attentats, sera donc une mutation des forces armées vers leur technologisation. Dans les bureaux comme dans les casernes, les machines remplacent les humains. Sarkozy a évincé 54 000 militaires, Hollande devait en supprimer 15 500, en contrepartie d’une modernisation des forces vers la cyberdéfense, l’espionnage électronique et la numérisation des champs de bataille.
La guerre se technologise en même temps qu’elle se professionnalise. Elle ne nécessite plus la troupe d’antan envoyée baïonnette à la main trancher le bide des ennemis, mais une armée d’ingénieurs planqués dans les centres de commandement. Cette déshumanisation par la Technologie rend l’appréhension et la critique des forces armées plus compliquée. Il n’y a qu’à voir les dessins et les caricatures. Les vieilles représentations antimilitaires, depuis L’Assiette au beurre jusqu’à l’adjudant Kronenbourg, ont montré les bidasses sous un jour bourrin et sanguinaire. Avec ce dossier, nous tenterons d’esquisser une représentation de la guerre au 21ème siècle moins rythmée par le claquement des bottes que par les clics de souris.
Si Cabu n’est plus là pour chier dans les rangers des généraux, nous lui rendons hommage ici en chiant dans les mocassins des chercheurs du CEA et de Thalès, des ingénieurs de DCNS et d’Orange, des hackers de la DGSE et du Ministère de l’économie. Renouvelant par la même occasion le sentiment antimilitaire qui fait défaut à notre époque. Ces quelques éléments de ce qu’est l’armée aujourd’hui contribueront, on l’espère, à une critique anti-militariste radicale qui soit plus qu’une réaction « anti-guerre » à telle ou telle opération extérieure de la France. Société technologique, société militaire.
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