Par Meghan Murphy
Le déluge de #MoiAussi inondant mon écran en provenance de femmes que je connais, de femmes que je ne connais pas, et de femmes que je connaissais autrefois, tout cela m’a mis dans la gorge une boule qui n’est pas encore dissipée depuis 24 heures. Certaines ont partagé une histoire ou deux ou cinq, d’autres ont simplement posté les mots « Moi aussi », ce qui était plus que suffisant pour me mettre les larmes aux yeux. Je n’ai pas besoin de connaître les détails — nous savons toutes, en tant que femmes, ce que cela signifie.
Cela pourrait sembler le pire moment où poser la question qui est devenue une farce en soi, « Qu’en est-il des hommes ? » Mais j’ai cette question en tête. Qui sont les personnes qui ont amené des légions de #MoiAussi à prendre d’assaut mon mur Facebook ? Et qu’attendons-nous d’eux ? Attendons-nous quoi que ce soit ?
Pour être clair, le hashtag #MoiAussi parle des femmes. Je ne veux pas entendre un seul homme s’immiscer dans cette conversation pour rappeler aux femmes : « Cela arrive aux gens des deux sexes » ou pour dire : « C’est un problème humain, pas un problème de femmes ». Pas maintenant. Nous savons que des hommes sont victimes d’agressions et de viols commis par d’autres hommes. Et c’est affreux. Mais en ce moment nous parlons des femmes, et de ce que les hommes leur font vivre, en régime patriarcal. Voilà sur quoi porte la discussion.
Alors, maintenant que ceci est clair entre nous, qu’en est-il des hommes ? Je suis sérieuse. Qu’attendons-nous de la part des hommes dans cette discussion ? N’importe quoi ? Rien du tout ? Le silence ? Qu’ils s’expriment ? Qu’ils se castrent ?
Je vois des femmes avec qui je suis allée au lycée afficher #MoiAussi, en sachant que leur #MoiAussi est sans doute venu d’hommes que nous connaissions toutes. Des hommes qui sont probablement encore dans les parages, des amis de connaissances proches. Je vois des femmes afficher #MoiAussi, sachant que l’homme qui les a agressées ou harcelées est toujours dans leur cercle d’ami-e-s, et que les hommes qui les entourent sont restés silencieux, la laissant seule à parler. Je sais que certaines femmes envoient un signal à des hommes autour d’elles : oui, je parle de TOI. Je sais que beaucoup de femmes se rendent compte que la chose qu’elles ont traversée, qu’elles avaient acceptée comme normale ou sans gravité, ne l’était pas en fait. Elles se rendent compte que les incidents quotidiens de dépassement des limites par les hommes ont lieu sur un continuum — qu’il y a parfois des viols très violents qui laissent des ecchymoses, mais parfois aussi des incidents de masturbation publique et parfois il y a un ami qui vous fait céder à un rapport sexuel que vous ne voulez pas avoir.
J’ai posté mon propre #MoiAussi, en sachant que certains de mes proches reconnaîtraient les hommes et les incidents dont je parlais, mais qu’ils continueraient à ne rien dire à ces hommes. Pour la plupart d’entre nous, #MoiAussi fait référence à des dizaines – peut-être même des centaines – d’expériences. La fois où nous avons cédé à une relation sexuelle avec quelqu’un dont nous ne voulions pas parce qu’il s’obstinait et que nous, nous souhaitions simplement dormir. La fois où un homme nous a dévisagées durant tout notre trajet au travail, ce qui nous a mises en panique complète, et où n’avons pas pu expliquer à ceux qui nous entouraient que nous avions besoin d’aide parce que le mec ne fait rien, il ne fait que vous regarder. Nous arrivons au travail, ébranlées, incapables d’expliquer que nous devons aller nous asseoir un quart d’heure dans la salle de bain en respirant profondément parce qu’« un homme m’a dévisagée pendant une demi-heure dans l’autobus ». La fois où un homme avec qui nous dansions lors d’une fête universitaire en 1998 nous a traînées sur le côté de la pièce, a entr’ouvert nos jambes de force et nous a enfoncé sa langue dans la gorge et nous a mis sa main entre les jambes, et où nous avons dû utiliser toutes nos forces pour le repousser, parce qu’il était beaucoup plus grand et plus fort qu’une fille de 18 ans, imbibée de vodka et de Gatorade, et qu’heureusement il a fini par abandonner, probablement parce qu’il y avait tellement de gens autour. Nous captons des bouffées de son eau de Cologne de temps en temps dans le monde, et nous nous sentons malades. Incapables d’expliquer à nos compagnons comment une odeur liée à « un homme qui a tenté de me violer quand j’avais 19 ans » nous donne la nausée. Il y a la fois où un homme a « baisé avec moi » après que j’aie vomi partout à l’entrée de chez lui et me sois évanouie dans son lit en banlieue parce que je n’avais pas de quoi prendre un taxi. Et l’amie qui m’a téléphoné le lundi alors que j’étais au travail pour me hurler à la figure « putain » et « prostituée », parce qu’elle était intéressée par ce type de merde. Il y a l’homme qui m’a suivie jusque chez moi, en criant qu’il allait me violer et me tuer, et que tout le monde autour de moi faisait semblant de ne rien entendre, et quand j’ai téléphoné à mon petit ami pour qu’il m’aide, il a eu l’air indifférent et a commencé à discuter avec moi de la situation, me faisant paniquer encore plus, et puis il a raccroché. Il y a l’homme qui m’a demandé si j’avais un petit ami pendant que j’attendais le bus, et qui, quand je lui ai demandé de me laisser tranquille, m’a craché dessus et a crié qu’il allait m’« arracher les tétons », tandis que tout le monde à l’arrêt de bus faisait semblant de ne rien remarquer. Il y a l’homme avec qui j’ai échangé quelques baisers, mais à qui j’ai dit explicitement qu’il ne pouvait pas me raccompagner à la maison, mais qui m’a tout de même suivie jusqu’à ma porte et a pénétré chez moi de force malgré mon refus répété, puis à qui j’ai finalement « cédé », pour me réveiller avec l’envie de vomir. Il y a les nombreux hommes se masturbant en public que vous pouvez parfois éviter en traversant la rue, mais pas toujours. Il y a les hommes qui ont violé mes amies et qui ont continué à être cool et populaires, alors que mes amies étaient stigmatisées comme « salopes » ou tout simplement pas crues parce que « vous savez comment est ____ ». Il y a l’homme qui travaillait dans le bureau où j’étais réceptionniste, qui venait traîner autour de mon bureau tous les jours et posait ses mains sur mes épaules, se tenant si près que son corps touchait le mien, qui se rapprochait chaque fois que j’essayais de me dégager, toujours en présence de clients, de sorte que je me sentais trop gênée pour faire un esclandre. Il y a les légions d’hommes dans les bars qui se tiennent à côté de mon tabouret, se positionnent de sorte que leur bite touche ma jambe, en me testant pour voir si je vais m’éloigner. Il y a les histoires pires que j’ai trop honte de raconter, les histoires dont je ne me souviens pas parce que je les ai bloquées depuis des années pour éviter de revivre ces souvenirs, les nombreuses autres histoires que je ressens être « de ma faute » parce que j’étais dans son lit, parce que nous nous étions caressés, parce que j’avais quitté un endroit avec lui, parce que je suis montée dans la limousine d’un étranger bon dieu !, parce que je suis allée prendre un verre avec mon ex-partenaire violent et qu’il m’a baisée puis n’a cessé de répéter : « Je ne t’ai pas frappée, hein ? Je ne t’ai pas frappée. Je ne t’ai jamais frappée. Dis-le que je ne t’ai jamais frappée. » Je ne veux plus raconter aucune de mes histoires. Je me sens coupable de raconter mes histoires, sachant qu’elles sont mièvres en regard de celles de tant de femmes que je connais, molestées par des oncles, prostituées dès leur enfance, violées collectivement lors de fêtes. Ce que j’ai vécu est normal. Rien de particulièrement impressionnant.
Je sais qu’il y a des hommes qui lisent ceci et qui se sentent mal. (...)
la suite ici : http://tradfem.wordpress.com/2017/10/25/oui-vous-aussi-quen-est-il-des-hommes%E2%80%89/
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