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Compagnons, camarades, nos nombrils ne sont pas révolutionnaires !
envoyé le 11/01/20 par Aviv Etrebilal Mots-clés  sans frontières  

Compagnons, camarades, nos nombrils ne sont pas révolutionnaires !
De l’inclusif à l’intrusif il n’y a qu’un pas…

Les négociateurs du GIGN, dans leurs formations, apprennent en premier lieu à se mettre à l’écoute. Ils ont pour consigne de faire parler les terroristes, les « forcenés » et preneurs d’otages, les faire parler, lorsqu’il est judicieux de le faire, de leurs enfants, de leurs proches, de leurs afflictions, de leur intimité, de leur ressenti. Cette habilité sociale a pour objet d’affaiblir en tout point la cible, affaiblir sa détermination et ses convictions, lui faire relativiser ses raisons et le conduire à se livrer symboliquement, comme pour affaiblir sa résistance à se livrer physiquement.

Qu’elle soit orchestrée par calcul, extorquée par ruse ou exhibée de manière consentie, l’exposition de ce que chacun ressent dans son intimité singulière est toujours l’occasion d’une transaction sociale qui court-circuite la rationalité, l’esprit critique et la prudence. C’est toujours une transgression de ce qui fait l’intégrité de l’individu, et il n’est jamais anodin de s’en trouver le destinataire comme l’émetteur. Mis à part le « secret professionnel » contractualisé par le paiement d’un service (ce qui soulève d’autres problèmes), seule une bienveillance réciproque réelle, une affection sincère peut permettre que ce dévoilement n’ouvre pas la possibilité de toutes sortes de prises de pouvoir émotionnelles, d’un côté comme de l’autre. Or, de nos jours, comme on essaiera de le mesurer dans ce texte, dans toutes sortes de contextes, il devient normal que l’intime se retrouve exhibé, qu’il soit épié par la vidéosurveillance ou volontairement exposé à ses amis virtuels sur les réseaux sociaux, chacun est amené à fournir et recevoir de l’intimité en flux tendu dans des proportions inouïes. Il est désormais normal de faire don public de ce que l’on mange, de ses goûts et dégoûts, ou de ses opinions sans médiation, ou plus exactement à travers cette nouvelle forme de médiation des réseaux sociaux qui installe à la fois présence et absence, fausse proximité et véritable séparation.

Contribuer à cette mutation, est-ce si anodin qu’il n’y paraît ?

Ce déversement permanent n’est possible que dans le cadre d’un accroissement gigantesque de cette libéralisation des rapports qui est indissociable d’une indifférence concrète et grandissante aux autres, car sinon comment simplement soutenir ce déversement d’intimité ? On pourrait même dire qu’y survivre exige de ne pas le prendre au sérieux. Et ainsi chacun montre toujours plus de soi, regarde toujours plus des autres, s’insoucie toujours davantage de tout. Se développe alors un ersatz d’intérêt pour ce que chacun montre, un voyeurisme normalisé, une indifférence radicale à ce que l’on voit ou à être vu.
C’est dans ce contexte que les milieux à prétentions subversives comme les cercles universitaires les plus progressistes (la porosité théorique de ces deux espaces étant désormais actée) se saisissent du « ressenti », érigé en concept et en credo, clef de voûte incertaine d’un nouveau modèle théorique complètement vide et vidé, puisque depuis la théorie la plus théoricienne, il lui revient de régler, sans autre forme de procès, de filtre ou de réflexion, les rapports interpersonnels véritables des uns et des autres, à tous les niveaux. Il se retrouve d’autant plus fortement validé qu’il parasite la critique nécessaire et toujours en cours d’un militantisme qui idéologise l’enjeu révolutionnaire au point de dénier la réalité des rapports actuels de domination. Et voilà que le passage par le ressenti s’impose comme solution nécessaire et suffisante à toutes les dominations, prises de pouvoir et toutes les formes d’emprises qui traversent le champ social et interpersonnel. Nous voilà tous, ici comme ailleurs, submergés du ressenti des uns et des autres, qu’il soit accommodé à la sauce radicale-vénere ou cuisiné sous forme de mémoire avec deux cent notes de bas de page. Plus encore que les goûts et les couleurs, le ressenti a cette qualité particulière d’être indiscutable, et effectivement il n’y a proprement rien à dire du fait que quelqu’un énonce qu’il ressent quelque chose... On se retrouve donc sommé de n’avoir rien à penser, sommé de valider une indifférence qui devient la seule réaction possible. On se retrouve sommé aussi de passer par la case ressenti pour exprimer quelque point de vue que ce soit, même en sachant par avance la vanité de ce qui en sera reçu. C’est une sorte de prise de pouvoir hégémonique sur les modes d’énonciation, aussi bien pour ceux qui s’expriment que pour ceux qui reçoivent ce qui est exprimé, et sa particularité est, au lieu d’ouvrir un échange, de faire taire en ne laissant ouverte que la possibilité de juxtaposer un autre ressenti, énoncé en retour sur le même mode. Il s’agit d’une standardisation de l’individu et de sa singularité, normalisée, d’autant plus exprimée qu’elle n’est plus entendue et prise en compte avec l’attention particulière qu’elle mérite. L’émancipation promise par le court-circuitage de la rationalité, de l’esprit critique et de la prudence ne vient pas. A la place, grandit l’indifférence et la maltraitance généralisée. Car une chose est sûre, on est toujours plus asservi dans un monde où l’intérêt pour l’autre est factice, instrumentalisé, et où tout s’en retrouve relativisé. Or, le relativisme et sa fausse sagesse sont des paradis artificiels contre lesquels se sont battus les révoltés du réel à travers l’histoire.

Ce court circuit de la réflexion s’impose dans toute les sphères sociales. Il se déploie dans tout discours qui tend vers la propagande, en politique comme dans la publicité, il devient même objet d’étude des plus fins analystes statistiques et baromètre ou boussole à travers la fameuse et insaisissable « opinion publique » dont les mystérieux avis et ressentis sont énoncés par les spécialistes de la chose. On peut même le retrouver dans la météo qui énonce le ressenti commun pour prendre en compte ce qui est supposé se vivre au delà de la mesure objective du thermomètre. C’est un phénomène difficile à appréhender, et donc à analyser, car ce que nous appellerons ici la ressentimentologie est un phénomène transversal. On peut le retrouver aussi bien dans la bouche d’un ministre faisant ses excuses après un scandale financier, que dans celle de militants radicaux racontant une manif ou communiquant à propos d’une action. Le ministre ainsi cherche à se ré-humaniser auprès de ses électeurs déçus, comme le négociateur du GIGN entamant une discussion intime avec un preneur d’otage pour mieux le piéger, mais pour le militant, quel est le rôle et l’utilité du ressenti et de la nouvelle place qui lui est donnée ? C’est à cette question que nous voulons essayer de répondre.

Personne n’a pu passer à côté de cette nouvelle prégnance des ressentis individuels dans l’exercice du pouvoir démocratique au cours des dernières décennies. Chez les politiques, il ne s’agit de rien d’autre que d’une (pas si) nouvelle flèche ajoutée au carquois de la démagogie politique. En jetant en pâture son ressenti, le politique s’adresse aux tripes de ses interlocuteurs, rampe auprès de leur empathie pour leur dispenser quelques effluves, qui, espère-t-il, se transformeront en bulletins de vote, en likes et en tweets compatissants.
Ce n’est rien d’autre qu’un ressort rhétorique répertorié et étudié depuis l’antiquité, qu’on apprend à l’époque à utiliser en même temps qu’on apprend à s’en méfier, comme de toute technique de persuasion qui n’a besoin d’aucun enracinement rationnel et vaut par elle-même.

Quintilien [1], qui fut particulièrement attentif à ce que la puissance de persuasion rhétorique reste au service d’une éthique dont elle pourrait dangereusement s’autonomiser, fit par exemple du bon usage des « argument affectifs » un des enjeux de son traité. Les « arguments affectifs » sont de deux ordres : l’ethos, lorsque l’orateur expose des éléments de sa personnalité et de sa vie pour s’attirer la bienveillance de son auditoire (l’ethos comporte aussi tout ce qui dans l’attitude de celui qui parle contribue à l’instituer dans telle ou telle place sociale ou fonction), et le pathos qui consiste à appuyer sur ce que le destinataire ressent. La prestidigitation discursive est d’autant plus efficace qu’elle joue bien sur ces deux tableaux, le ressenti de celui qui parle, se mettant en scène pour rencontrer le ressenti de celui qui écoute, et ainsi, de ressenti à ressenti, se construit une « compréhension » connivente, complaisante et inaccessible à toute critique.
L’expression du ressenti comme procédé est donc, depuis deux mille ans, mieux documentée qu’on ne le penserait aujourd’hui, pour ménager sa place discursive, se faire entendre, approuver peut-être, et peut-être plus vite et plus facilement qu’en s’adressant à la raison. La place de son destinataire peut donner aussi l’apparence d’un certain confort, la réflexion personnelle est en pause, on n’a rien à en dire, rien à en faire sauf à respecter l’existence de l’énoncé en question. Car l’expression du ressenti a ceci de particulier qu’elle fait oublier sa propre existence en tant que mise en discours, elle provoque un effet de sincérité qui gomme la présence de la mise en scène discursive, et parfois délicieusement, comme lorsqu’on aime à se faire attraper le regard par un trompe l’œil dont on sait l’artifice. Car sauf dans quelques rares, fragiles et bouleversants, voire insoutenables moments, c’est bien à cela qu’on a accès, à la mise en scène discursive de ce qui est ressenti, et pas à ce que chacun ressent, qui est pour le coup proprement singulier et précède toute mise en discours. Quelle que soit l’intention et la sincérité éventuelle (car il est clair que d’autres enjeux ont tendance à la parasiter sérieusement), on lit et on entend du ressenti mis en mot et en phrase dans des contextes d’énonciation bien particuliers.

A partir de là, que devient cette situation, au demeurant normale et trop humaine, facilement instrumentalisable en politique [2], quand elle se déploie dans un contexte dans lequel « le ressenti », devenu concept, objet d’étude, bannière et étendard de divers lobbys, polémiques et règlement de comptes, est valorisé en tant que tel ? Que se passe-t-il dès lors qu’énoncer son ressenti ouvre des portes, en ferme d’autres, donne des droits, fait taire, et pour tout dire asservi les destinataires du message à l’allégeance auto-décrétée et tendanciellement indifférente d’une écoute acritique. Voilà le cadre énonciatif proposé par cette époque où « le ressenti » est devenu lieu commun et carte majeure du jeu de la parade sociale. Que reste-t-il alors à prendre au sérieux d’une expression intime ainsi instituée, normée, instrumentalisée ? Comment se draper encore dans l’approbation a priori de tout témoignage, récit à la première personne, accusation des uns et des autres sans une seconde prendre en compte les enjeux discursifs et sociaux de tels énoncés, et en faisant comme si on avait accès à la matière brute, effectivement en elle-même ô combien respectable et précieuse, de ce que chacun ressent. Relisez donc quelques uns de ces monceaux de textes, tweets, posts qui se publient partout (du site de France info aux « auto-médias » militants), et voyez combien ils sont fondamentalement les mêmes, tant il est vrai qu’ils répondent à une norme discursive qui s’impose à tous et chacun, et à quel point la singularité à laquelle ils prétendent n’est plus qu’un effet de manche de tee-shirt rhétorique. Du ressenti en boîte, au kilo, en vrac, à la pelle, et il y en a pour tout le monde. Chacun le sien, et tous les mêmes, comme un bon produit de ce monde.

Fondamentalement insincère donc, cette expression-là. Parce que dire véritablement ce qu’on ressent, c’est une autre paire de manche, c’est autrement plus singulier, plus compliqué, c’est strictement ineffable, tellement c’est singulier et délicat un véritable « ressenti » ! Il faudrait inventer une langue, comme Rimbaud, ou comme l’art dit « brut », ou peindre ou crier pour qu’un peu de cette matière brute s’exprime. Et puis c’est aussi délicat à écouter, à percevoir, à comprendre, c’est douloureux peut-être, c’est un abîme qui peut s’ouvrir. Or les ressentis qui se disent à la pelle sont tous très évidents, très verbaux, très articulés, stéréotypés, vite fait, vite dit, vite écoutés et rangés sur l’étagère décorative du « rien à faire, rien à penser, on passe à la suite »…

Mais, de nos jours plus qu’à toute autre époque, le ressenti n’est pas seulement jeté en pâture. On le pille vigoureusement. Il sert la bonne gestion du « corps social », il permet d’accéder à un asservissement dangereusement efficace. Désormais, votre CAF et votre Pole Emploi sont comme les chiottes des aires d’autoroutes, ils s’intéressent à votre ressenti, réclament un suivi émotionnel, avec leurs assistantes sociales prêtes à tout pour vous montrer à quel point votre ressenti est important, vous demandent d’évaluer leur prestation et vous proposant un retour d’expérience qui permettra de mieux vous mettre au pas sans aucun effort, puisque c’est vous qui les avez fourni ! La dictature du ressenti est une dictature de l’impudeur et de l’auto-délation, d’autant plus efficace qu’elle s’exerce de haut en bas, mais aussi transversalement dans le champ social, chacun se faisant le récepteur et le contrôleur du ressenti des autres.
Et la transgression de ce qui devrait rester l’intimité de l’individu se généralise, en même temps que l’indifférence à ce qui s’y et s’en exprime.

S’il devient de plus en plus difficile, avec les ravages du progrès industriel, d’identifier ce qui relève de l’intrusion, c’est parce que nous avons perdu énormément. Lequel de nos compagnons anarchistes des siècles passés aurait il livré en bloc son intimité (présumée…) à tous ceux qui le lisent, parmi lesquels flics et ennemis politiques ? Qui a besoin de connaître les rêves (et interprétations connexes), la sexualité, les ressentis, l’intimité des anarchistes ? Et quelle sorte d’anarchiste a besoin de les livrer publiquement ?

Il est urgent de faire cesser la fuite de nos intimités vers le jugement démocratique. Il est urgent d’en finir avec la répression normopathe exercée par toutes ces brochures dans ces « infokiosques » (novlangue pour les bonnes vieilles tables de presse militante) pleines de ressentis exposés et devenus de véritables « boite-à outil » post-foucaldienne et libérales, où chacun, aveugle et sourd à la souffrance des autres, expose la sienne en monologue. C’est la cacophonie. Et il n’y a plus grand monde pour parler d’autre chose que de soi-même, du monde par exemple. C’est devenu trop compliqué au fur et à mesure de l’involution dépolitisante en cours. Apparaît alors comme une évidence la possibilité de s’exprimer tout de même, malgré la fainéantise intellectuelle, « et si je parlais de moi ? ».
« Partir de soi » est peut être plus facile, si on le prend au sens figuré, que « partir de soi » au sens propre, en partir, vraiment, pour aller vers les autres, le monde, la vie, autre chose que son nombril et son miroir, et c’est tout le problème. Voila une solution toute narcissique à un problème universel, une solution de facilité fournie par le pouvoir à toutes celles et ceux qui n’ont plus le courage de porter les armes.

Dans un monde où tout s’évalue, les commerces, les travailleurs, les bons et les mauvais citoyens, avec des étoiles ou des pouces bleus, dans un monde qui uberise même sa propre contestation [3], il nous reste à nous armer contre cette télépathie intrusive de la domination.

Ressentir n’est pas penser, c’est bien autre chose, et en toute hypothèse, c’est un préalable qui demande de l’élaboration. Nous avons besoin de penser pour analyser les nouveaux enjeux du pouvoir, identifier nos ennemis, attiser les feux de la révolte dont nous avons besoin, et même pour dire et comprendre ce que nous ressentons. Les ressentis des uns et des autres ne permettront rien d’autre que la diffusion d’autres vains ressentis, certainement pas la diffusion de l’attaque contre ce monde d’asservissement et d’atomisation des individus.

Maintenant que tous les nombrils radicaux et même « nihilistes » ont une page facebook pour refourguer par algorithme une camelote subjective et empathable à peu de frais, il n’y a plus de choix, qui restera en mesure de critiquer en mots et en actes les ravages du pouvoir aux quatre coins du monde et pas seulement de dire ce que ça lui fait dans sa petite rue, son bureau, son syndicat, son groupe affinitaire ou son groupe facebook ?

La « lutte des classes » et la quasi-défunte religion du matérialisme historique (une superstition élaborée contre une autre encore pire) des marxistes orthodoxes était une plaie, elles empêchaient toute possibilité d’analyser la complexité des imbrications sociales (à la place on a eu droit à de la sociologie et au fléau bourdieuso-marxiste) tout en exonérant celles et ceux qu’elles considéraient comme « prolétaires » de toute action, en ordre dispersé ou individuelle, forcement « aventuriste » et/ou « terroriste », les privant de toute capacité de volonté. Faisant du « sens de l’histoire », de la nécessité de ne pas aller contre lui et de la révolution pour toujours future, de véritables prisons pour les révoltés d’ici et maintenant. Mais elles avaient le mérite solitaire de tracer des lignes de démarcations difficilement contestables, minimalement, entre la bourgeoisie et le reste du monde. Cette ligne de front a disparu au fur et à mesure que la pratique bourgeoise du ressentiment et de la mise en avant de ses ressentis subjectifs a pris le pouvoir sur tous les segments de la société. On le voit notamment dans les rapports ignobles de connivence qui régissent les relations de travail entre chefs et subordonnés, entre prisonniers et matons, entre juges et accusés, entre sociologues et militants, entre maîtres et esclaves, etc. Nous ne voulons ni revenir au marxisme ni au militantisme, au secours, nous voulons le conflit ouvert, alors il nous faut urgemment sortir de cette non-pratique mortifère. Nous vivons décidément une époque en colère contre Nietzsche et les pensées de la volonté (parmi lesquelles l’anarchisme), dans laquelle l’égalitarisme discursif écrase toute possibilité d’émancipation individuelle réelle.

La mise en avant des ressentis subjectifs en milieu militant avait peut être au départ de bonnes raisons : la froideur idéologique du militantisme a laissé de nombreuses personnes sur le carreaux, et les formes de domination internes ont été consciencieusement ignorées. La critique du militantisme aura permis de mettre en lumière la nature profondément militaire et évangélique du militantisme politique. Seulement, il aurait fallu pouvoir se rendre compte plus tôt que l’exact contraire du militant n’était pas un cadeau non plus, ni qu’il s’emploierait à interdire toute critique non-subjectiviste du capital, de l’Etat, mais aussi du racisme ou du sexisme. Entendons-nous bien, toutes les critiques sont subjectives, et aucunes ne peuvent prétendre à l’objectivité, mais le subjectivisme c’est autre chose, c’est renoncer à toute analyse et à toute solidarité révolutionnaire, à toute ouverture possible sur l’altérité intrinsèque de ce qui n’est pas soi.

Cessons le concours néo-viriliste du plus gros ressenti et de la plus grosse victimisation. Nous sommes tous mutilés par l’État, le capital et les rapports de domination, alors cessons de mettre les spécificités de nos expériences et de nos ressentis en concurrence pour s’éviter la complexité de la complicité et de la libre-association offensive d’individus créateurs contre ce monde.

Chassons les universitaires de nos luttes
Parlons aux cerveaux et aux tripes plutôt qu’aux nombrils
Éventrons la dictature du ressenti et du ressentiment
Vive la vie.

Aviv Etrebilal.
Source.


Notes

[1Rhéteur et pédagogue latin du Ier siècle apr. J.-C. Il est l’auteur d’un important manuel de rhétorique, l’Institution oratoire, dont l’influence sur l’art oratoire se prolongea pendant des siècles.

[2Mais s’en prémunir n’est pas très compliqué, qui croit à la sincérité de l’expression du ressenti des époux Balkany ?

envoyé le 11 janvier 2020  par Aviv Etrebilal  Alerter le collectif de modération à propos de la publication de cet article. Imprimer l'article
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