Un nouveau texte qui nous a été envoyé par une lectrice. À lire et partager !
Le discours lénifiant du gouvernement bombardé sur les réseaux sociaux à coup de #RestezALaMaison, sur fond de pseudo-solidarité collective, nous ferait presque oublier l’effondrement du capitalisme et la gestion catastrophique de l’épidémie. Face à cet endormissement collectif, sous les sirènes de la responsabilité, une seule chose : vaincre l’état de guerre soporifique péroré par Jupiter et mettre les esprits en branle pour construire l’après.
Même Le Monde ou Les Echos ont fini par se rendre à l’évidence : le coronavirus pointerait - conditionnel d’usage ! – les « défaillances » de la mondialisation. Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, déclarait, bouffi d’autosuffisance disruptive, le 25 février, que le Covid-19 était un « game changer dans la mondialisation » (1). Que le propos soit relayé par La Tribune, média dont le site internet affiche les principaux indices boursiers comme autant de sémaphores, a de quoi interpeller. Mais point d’inquiétude ! En réalité ce n’est pas la mondialisation en elle-même qui est critiquée dans les médias généralistes et par les élites politiques, mais bien certaines de ces défaillances. De là, on pose le constat évident : rien n’est à attendre des élites et de ces pseudo-discours subversifs. Et pour cause, ceux qui vivent de l’interconnexion planétaire ne peuvent admettre que c’est bien la mondialisation tout court le problème.
Précarisation, désastre écologique ne peuvent être que des dégâts collatéraux, conséquences de paramètres qui restent à ajuster. De cette conception du monde découle entre autres idioties l’écologie capitaliste (ou le capitalisme vert, c’est comme vous voulez), la « diplomatie des villes » (2), localisme version néolibérale entre urbains progressistes, qui ont fait leurs preuves en matière d’inefficacité à protéger la vie.
Car en définitive, le problème de ces glorieux discours sur la nécessité de changer quelques micro-paramètres de la mondialisation n’est pas la grande désillusion qui frapperait votre humble serviteure au constat que rien ne peut décidemment sauver ni ce gouvernement, ni les élites néolibérales qui nous gouvernent depuis des décennies. Le problème est le même qu’avec le capitalisme vert, à savoir le potentiel soporifique, dépolitisant, de tels propos. « Tout doit changer pour que rien ne change » et surtout pas le système prédateur qui détruit autant les vies humaines que la biodiversité. Dans une logique éculée, le capitalisme reprend à son compte certaines critiques qui lui sont faites pour mieux en annihiler tout pouvoir subversif. Le féminisme, véritable projet de refonte sociale, est réduit à une revendication d’égalité salariale par la voix braillarde d’une Marlène Schiappa. L’écologie ? Compatible avec la croissance. Dès lors, toute opposition conséquente est renvoyée aux « extrêmes », incarnés par l’imaginaire du gauchiste en sarouel ou en « tenue de black bloc », c’est selon. Or, dans une société où le « juste milieu », qui rime avec néolibéralisme et surtout réalisme, est érigé en valeur cardinale, on se rend bien compte de la difficulté de faire pénétrer des discours qui prônent une transformation réelle, qui ne peut passer que par un changement total de système.
Sur les balcons, on applaudit les soignants, alors qu’on vote à droite ou pour la social-démocratie (ce qui revient au même) depuis trois décennies. On déclare sa flamme au personnel hospitalier dans des posts Facebook larmoyants alors qu’il y a deux mois, on râlait parce qu’on avait plus de train – deux services publics, même combat. Vous comprenez, ces grévistes ne sont jamais contents ! En avril 2018, Emmanuel Macron déclarait, confit dans son arrogance, à une soignante du CHU de Rouen qu’il « n’y a pas d’argent magique », alors qu’elle déplorait les fermetures de lits. Et aujourd’hui, « L’Etat paiera ! » Ne nous leurrons pas, l’Etat paiera, mais si tôt le Covid-19 vaincu, l’austérité reviendra. Point de changement efficace qui ne soit radical, comme je tentais de l’expliquer plus haut.
Dans ses discours militaristes répugnants, Jupiter se cache derrière l’état de nécessité et la mort des gens pour dissimuler les manquements et les mensonges d’Etat. Et qu’importe si des pays qui ont enrayé la crise avant nous (Corée du Sud) ont démontré que le confinement n’est pas la solution. On ne saurait briser le consensus général qui s’impose à coup de tweets et de #RestezALaMaison, en notant qu’il aurait fallu, dès le début, des masques et des campagnes de tests massives. Et certes, maintenant que l’épidémie se propage à une vitesse affolante, il ne s’agit plus d’aller et venir librement. Nous voilà pris au piège par l’incurie du gouvernement, qui à force de tailler dans les dépenses publiques, a été submergé par l’épidémie. Maintenant, le consensus lénifiant martelé par l’état de guerre permet à la macronie de voter ses lois scélérates. Vendredi 20 mars, l’Assemblée nationale a créé un délit de violation réitérée du confinement qui peut valoir 6 mois de prison. Alors même que les prisons se révoltent contre des conditions de vie inhumaines, la sacro-sainte concorde sur les bienfaits d’envoyer des gens derrière les barreaux (parce-que-c’est-bien-fait-pour-eux) perdure ! D’autant que le confinement n’est pas total : si le télétravail épargne les cadres, que dire de ceux qu’on envoie à la casse pour faire tourner l’économie. Que dire de la fierté d’une Murielle Pénicaud ravie de tweeter qu’elle a trouvé un accord avec les patrons du BTP pour que les ouvriers continuent à s’échiner sur les chantiers, sans protections…
Mais si nos dirigeants nous imposent, par leur incompétence crasse, l’entrave de nos mouvements, il nous reste notre force de penser.
On voit les libéraux, gardiens de la bien-pensance, s’insurger des « reprises politiques » du coronavirus, quand on ose évoquer le potentiel transformateur de cette crise. Alors qu’elle est intrinsèquement politique ! Par sa gestion, le choix des solutions imposées, ce qu’elle dit de notre monde immonde. Comme l’expose fort bien Frédéric Lordon sur son blog : « En tous les sens du terme le coronavirus est un accusateur. Il accuse — révèle, souligne — les effets des politiques néolibérales, leur nuisance désorganisatrice, leur toxicité générale. Mais il accuse également, au sens plus courant du terme, tous ceux qui les ont conduites, et spécialement ceux qui les conduisent aujourd’hui — sans mauvais jeu de mots : à tombeau ouvert. » (3)
Alors, il nous faut nous aussi marteler que si le monde avait été différent, le Covid-19 n’aurait peut-être pas sévit. Lutter contre l’état de guerre soporifique et l’agenda biopolitique imposé par nos élites dirigeantes. Transformer les deuils et l’angoisse en force critique n’est rien faire d’autre que pointer les réels responsables de la crise, et trouver des solutions pour l’avenir.
Sources :
Coronavirus : pour Bruno Le Maire, l’épidémie change la donne de la mondialisation.
https://www.latribune.fr/economie/france/coronavirus-pour-bruno-le-maire-l-epidemie-change-la-donne-de-la-mondialisation-840504.html
Benoît BREVILLE, « Quand les grandes villes font sécession », Le Monde Diplomatique, mars 2020. https://www.monde-diplomatique.fr/2020/03/BREVILLE/61548
Coronakrach par Frédéric Lordon.
https://blog.mondediplo.net/coronakrach
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