Ce samedi 16 janvier 2021, 1200 personnes se sont rassemblées lors de la Marche des libertés. La neige avait commencé à tomber seulement trois heures plus tôt, en laissant une belle couche de neige sur le sol et l’environnement urbain. Récit d’une journée entre bataille de neige géante, manifestation déterminée, et grosse teuf pour les libertés.
Avant de partir, quelques prises de paroles nous motivent : gilets jaunes qui nous rappellent l’importance des libertés, syndicats vent-debout contre l’arsenal législatif ouvrant la voie au fichage militant massif, familles de Sélom et Matisse (tués lors d’une intervention policière en 2017) qui témoignent de leur lutte longue, teufeurs solidaires des personnes réprimées en Bretagne pour avoir festoyé au nouvel an (une personne actuellement en prison).
« Aujourd’hui, c’est la fête de la liberté »
Peu avant 14h30, la manif s’élance au départ de la Porte de Paris, direction Moulins. Trois camions nous régalent d’un dispositif multi-son qui s’étale sur tout le cortège : de la techno hardcore (aussi appelée "Gabber" dans son influence néerlandaise). Sans échauffement, la foule s’amasse devant chaque mur de son des camions et se trémousse en rythme. Le son résonne dans toute la ville, c’est probablement la manif la plus bruyante depuis longtemps.
La manif prend un parcours original : longe le parc J-B Lebas, prend la rue de Douai, la rue de Trévise, la rue de Condé (acab), la rue d’Artois, la rue Gantois, la rue des Postes et la rue Inkermann pour finir sur la place de la République. Pendant tout le trajet, un mix ininterrompu fait danser les gens qui restent chaud.e.s bouillant.e.s malgré le froid, souvent rejoint.e.s par les passant.e.s faisant gonfler la foule toujours plus jusqu’à la fin.
Rapidement, la manif devient un espace de jeu grandeur nature. On se rappelle des manifs espagnoles à Madrid, qui ont viré aux affrontements neige contre matraques. Les flics doivent y penser aussi, et préfèrent rester le plus loin possible des manifestant.e.s, en barrant la route de chaque tangente tout en restant à une cinquantaine de mètres des intersections. Quelques boules de neiges, entre deux « ACAB », leur sont parfois lancées, mais encore pas très méchamment.
Les habitant.e.s sont aussi pris.e.s à parti : la musique les attire aux fenêtres et ils jouent parfois avec la foule et la neige, ou préfèrent s’énerver sur elle. Dans tous les cas, les fenêtres ouvertes sont des aimants à neige. Rue de Douai, une femme fait l’erreur de vouloir se plaindre, et se prend une colère populaire - qui reste bon enfant. Devant la faculté Lille 2 (où on apprécie la présence de quelques tags rappelant Florian Thieffry, membre de La République en Marche, et accusé de harcèlement à la fac), un homme répond joyeusement aux manifestant.e.s et attire une centaine de boules de neige.
Malgré la joie transpirée par cette manif, on se rappelle par des slogans parfois scandés en rythme avec la musique, que « tout le monde déteste la police ». Celle qu’on veut chérir par des augmentations outrancières de budget annuel (+1,5 milliards pour 2021). Celle qui est enorgueillie s lois liberticides qui se conjuguent. Celle qui mutile et qui tue, partout, de plus en plus, et impunément. Celle qui répond aux ordres et aux lois toujours plus fermes, et qui fait des états d’exceptions un quotidien morbide pour une partie importante de la population : habitant.e.s des quartiers, teufeur.se.s, manifestant.e.s.
Arrivée à la moitié de la rue Gantois, un groupe de flics se trouve sur l’intersection avec la rue Barthélémy Delespaul, un peu trop proche de la manif endiablée. Quelques personnes leur jettent des boules de neige. Ils ne résistent pas longuement avant de reculer et de se faire assaillir de centaines de boules de neiges. Assez impressionnant pour leur faire dégainer un gaz qu’ils vont se prendre dans la figure car le vent est en leur défaveur.
La manif termine son cours lentement vers la place de la République, où les trois camions s’installent à trois endroits différents. On aurait pu penser que la proximité soudaine avec les forces de l’ordre (placées aux 4 coins de la place) aurait pu créer un théâtre d’affrontements - délire habituel de ceux qui veulent nous faire taire, mais la foule montre rapidement qu’elle préfère la fête. Feux d’artifices, embrasement d’un sapin, fumigènes et une reprise gabber de « L’empereur tomato-ketchup » des Bérurier Noir, entonnée par la place entière, participent à donner à celle-ci une autre gueule que celle qu’on lui impose depuis 6 mois.
Vers 17h, un premier camion coupe sa sono, les gens se déportent vers un autre. Celui-ci termine son mix peu après, et laisse la foule dans une frustration totale à la simple idée que le rare moment de respiration depuis des mois se termine. Des kicks reprennent de plus belles au dernier camion, la foule s’y amasse soudainement. À 17h10, les flics interrompent la fête, nous rappelant au passage le cœur de leur métier répressif. Le camion se taille fissa, les manifestant.e.s sont bousculé.e.s, des gaz sont jetés rapidement et se diffusent sur la place entière. Une femme est légèrement blessée au visage par une grenade à main avant que celle-ci n’explose. Le plus gros de la foule s’en va.
Quelques centaines de résistant.e.s fait face à la police devant la rue Inkermann ou vers la rue de Béthune. Là, la police procède à au moins deux interpellations. La première est pour une personne qui traversait la rue. Il est violemment plaqué au sol, tête dans la neige, et maintenu pendant plusieurs dizaines de secondes et traîné jusqu’aux véhicules à quelques mètres. Les gens s’indignent, bouillonnent de nouveau : les keufs chargent et gazent encore, en piochant arbitrairement une personne qui sera aussi emmenée au poste.
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La lutte est une fête, cette journée nous le rappelle. Nous sortons dans la rue pour dénoncer nos vies précaires subies, pour revendiquer des libertés fondamentales, mais surtout pour vivre. Autant que l’envie d’une vie meilleure, de fête et de paix, nous portera, nous nous y retrouverons. À la semaine prochaine.
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