De nombreux ingénieur·es démissionnent suite à la perte de sens dans leur travail. Dans la presse, ce phénomène est traité sous l’angle du changement de carrière individuel. Et si, plus qu’à un nouveau métier, ces ingénieur·es aspiraient à la lutte collective ?
Paul Platzer
DÉMISSIONS EN CHAÎNE
Il y a deux semaines, Romain Boucher expliquait dans la presse les raisons de sa démission d’un poste de « data-scientist ». Il fait partie de celles et ceux qui quittent leur emploi d’ingénieur·e faute de pouvoir « changer les choses » de l’intérieur. Je relayais ici plusieurs témoignages de parcours similaires.
Le phénomène de la démission chez les cadres « en perte de sens » est largement médiatisé [1]. Bien que l’envie d’être utile à la société soit souvent évoquée, ces départs sont majoritairement abordés sous l’angle de l’épanouissement personnel, de la reconversion, ou de l’opportunité professionnelle [2]. Or, il se pourrait bien que ce qui motive ces désertions soit de nature collective et non individuelle : l’envie de transformer en profondeur une société dont le lot d’injustices, d’oppressions, et de destruction du vivant est devenu insupportable.
[...]
REJOINDRE LES LUTTES EXISTANTES
Au-delà des opportunités offertes par ces places d’honneur dans un monde dont nous ne voulons pas, le plus important est probablement de soutenir les luttes existantes. Partout, laTerre se soulève, les résistances aux grands projets inutiles s’organisent. Les collectifs de lutte ne manquent pas, et ce n’est pas à moi d’en faire l’inventaire. En tant que dissident·es d’une classe de gestionnaires et d’expert·es, sachons nous défaire de l’élitisme, ne nous prenons pas pour une « avant-garde », ni pour des indispensables. La lutte n’a pas besoin de leçons, ni de leaders ou de grands discours.
Je n’ai pas la prétention de dire aux ingénieur·es quoi faire, ni de donner ma recette pour changer le monde. Mais simplement ceci : si vous n’êtes pas bien dans votre travail, ce n’est pas nécessairement à cause de vous ; et dans ce cas les coachs, le développement personnel et un changement de métier ne vous suffiront pas [9]. Ce qu’il vous faut, c’est peut-être un horizon commun. C’est peut-être de retrouver des gens qui partagent ce sentiment que les choses doivent changer. Syndicat ou collectif autonome, zadistes ou gilets jaunes, allez à leur rencontre.
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