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Criminalisation et police humanitaire des frontières dans la Manche
envoyé le 19/10/21 Mots-clés  luttes des sans-papier-e-s   sans frontières   europe   contrôle social  

Article avec les liens sur le site de Calais Migrant Solidarity. Anglais d’abord, puis français.

En mars 2021, le ministère de l’Intérieur britannique a publié un livre blanc intitulé The New Plan for Immigration (NPI), qui identifie les demandeurs d’asile comme une source principale d’”immigration illégale”. Le NPI et le projet de loi sur la nationalité et les frontières dont il s’inspire proposent une refonte radicale du système d’asile, limitant le statut de réfugié à ceux qui sont sélectionnés et amenés au Royaume-Uni par le biais d’un “programme de réinstallation” restrictif, tout en introduisant un statut temporaire avec moins de droits pour les personnes qui demandent l’asile après avoir voyagé au Royaume-Uni en dehors de ces voies.

Dans le même temps, le Royaume-Uni rendra désormais “inadmissibles” les demandes d’asile présentées par des personnes ayant transité par un “pays tiers sûr” (les pays européens en particulier) et cherchera à les expulser rapidement soit vers ce “pays tiers sûr”, soit vers un pays avec lequel elles ont un “lien”, soit vers tout autre pays qui les acceptera. Toutefois, à l’heure où nous écrivons ces lignes, le gouvernement n’a toujours pas été en mesure de négocier d’accord de retour avec d’autres pays, ce qui signifie que, pour l’instant, les “demandeurs d’asile inadmissibles” ne risquent pas d’être expulsés. Parallèlement, le projet de loi propose de criminaliser les demandeurs d’asile en introduisant un nouveau délit, celui d’”arriver” au Royaume-Uni sans autorisation, en plus du délit existant d’”entrer” sans autorisation (c’est-à-dire en contournant les contrôles d’immigration). L’infraction de “facilitation” de l’arrivée ou de l’entrée sera étendue aux personnes qui n’agissent pas “dans un but lucratif” (c’est-à-dire qui n’en tirent pas un avantage matériel ou financier) et sera passible d’une peine de prison à vie, bien que des exemptions soient maintenues pour les organisations qui aident gratuitement les demandeurs d’asile.

Le projet de loi sur la nationalité et les frontières est présenté comme ouvrant la voie aux autorités britanniques pour promulguer des mesures de refoulement dans la Manche et détenir des personnes au large ou à l’étranger pendant que leurs demandes d’asile sont traitées. La criminalisation à grande échelle proposée ici cherche à compléter la rhétorique hostile et les réponses sécuritaires militarisées visant les demandeurs d’asile traversant la Manche dans de petites embarcations, qui continuent de dominer les médias. Par le biais de ce projet de loi, le gouvernement britannique espère pouvoir donner l’impression de tenir sa promesse nationaliste faite pendant le Brexit de “reprendre le contrôle“, tout en soldant au même moment des droits, des protections et des recettes fiscales pour tenter de séduire les investissements d’entreprises internationales et de nouveaux marchés pour former la base d’une “Grande-Bretagne globale” (voir par exemple le projet du Parti conservateur d’établir des “ports francs” à travers le Royaume-Uni).

Sans la moindre ironie, le ministère de l’Intérieur affirme que son “nouveau plan” défend l’engagement humanitaire du Royaume-Uni envers les réfugiés en développant les “voies légales” de réinstallation, en démantelant les réseaux de passeurs exploités et en décourageant les traversées “illégales” dangereuses en empêchant les arrivants non autorisés d’accéder au statut et aux droits des réfugiés. Toutefois, ces mesures s’inscrivent directement dans les stratégies jumelles de dissuasion et d’externalisation de la sécurité des frontières par le Royaume-Uni. L’humanitarisme et l’hostilité vont de pair dans ce “nouveau système qui est juste mais ferme”.

Les réponses de la société civile au NPI – opposition ou coopération ?

Au Royaume-Uni, les réponses de la société civile ont largement décrié le NPI comme étant cruel, inapplicable et probablement illégal au regard du droit international. Une grande partie de cette opposition s’est concentrée sur les appels à l’introduction de “voies sûres et légales” pour les demandeurs d’asile : “des voies qui permettent aux personnes ayant besoin d’une protection internationale de se rendre au Royaume-Uni de manière sûre et gérée, normalement par le biais d’une demande ou d’un processus d’approbation à l’étranger“. Considérées comme nécessaires pour minimiser le risque d’exploitation, de blessure et de mort que les réfugiés endurent actuellement pour atteindre le Royaume-Uni (et l’Europe plus généralement), les propositions de la société civile comprennent l’introduction de “visas humanitaires”, de programmes de relocalisation des enfants non accompagnés et l’extension des mécanismes internationaux de réinstallation des réfugiés et de regroupement familial. Voir par exemple les propositions politiques du Joint Council for the Welfare of Immigrants, Safe Passage, Migrant Offshore Aid Station, et Choose Love, entre autres.

Les “voies sûres et légales” sont présentées comme “une alternative… meilleure, plus aimable et plus humaine” à la “législation hostile” du gouvernement britannique. Mais les suggestions pratiques qu’elles comportent ressemblent remarquablement à celles proposées par le ministère de l’Intérieur, et ne font pas grand-chose pour remettre en question le pouvoir discriminatoire de l’État britannique. Les visas ont toujours été un outil permettant de contrôler et de limiter la libre circulation pour certains, tout en la maintenant ou en la facilitant pour d’autres. En effet, c’est à cause du système restrictif de visas de l’UE et du Royaume-Uni que des personnes sont contraintes d’emprunter des itinéraires irréguliers et des moyens dangereux pour atteindre l’Europe. On ne voit pas comment les visas “humanitaires” fonctionneraient différemment ou auraient des résultats différents de ceux du système de visa actuel. De même, on ne voit pas en quoi les programmes de réinstallation élargis envisagés par la société civile humanitaire différeraient en pratique de ceux proposés par le gouvernement britannique. Les deux impliqueraient toujours le rejet préventif d’un grand nombre de personnes par les représentants de l’État britannique, ou par ceux à qui ils sous-traitent, ce qui obligerait les personnes à emprunter les voies “illégales” et “dangereuses” que les visas de réinstallation ou humanitaires étaient censés leur permettre d’éviter ; ce qui doublerait en fin de compte l’”illégitimité” de ces voies.

Il est également important de rappeler à quel point les programmes de réinstallation existants peuvent être ineptes et inaccessibles. En 2013, le HCR a abandonné des centaines de réfugiés reconnus dans le camp tunisien de Choucha, sans réinstallation ni soutien, les obligeant à emprunter d’autres itinéraires criminalisés pour se mettre en sécurité. Le HCR produit également des formations et du matériel pour les agents frontaliers des États européens, fournissant des conseils sur le profilage des arrivées et l’accélération du renvoi des personnes qui ne répondent pas à leurs critères de protection. En tant que tel, il participe directement à la criminalisation des personnes en déplacement, y compris celles qui ont de solides ” raisons humanitaires ” de se déplacer. Loin d’être un acteur humanitaire neutre, le HCR est au cœur de la “police des populations et des frontières” mondiale.

Choose Love : Police des frontières humanitaire à Calais

Fin mai 2021, des ONG travaillant avec des réfugiés dans le nord de la France ont reçu un courriel de leurs bailleurs de fonds britanniques, Choose Love, leur demandant de cesser la distribution de tracts sur la sécurité en mer. Ils ont également demandé à la Maison Sésame, qui fournit un hébergement aux réfugiés dans le nord de la France, de ne pas accueillir les personnes qui tentent de se rendre au Royaume-Uni. Selon Choose Love, leurs avocats les ont informés que les dépliants sur la sécurité en mer violaient potentiellement la loi britannique sur l’immigration concernant la facilitation de la migration illégale. Ils ont donc modifié leurs contrats pour refuser tout financement à toute organisation qui continuerait à les distribuer. Malgré les nombreuses critiques des ONG, qui insistent sur le fait que les informations fournies sont destinées à sauver des vies, qu’elles sont librement accessibles et qu’elles ne constituent pas une activité criminelle, le décret de Londres a eu un effet paralysant, car de nombreuses organisations craignent de ne pas pouvoir poursuivre leur travail sans financement britannique.

Compte tenu de l’agenda hostile au cœur du projet de Loi sur la nationalité et les frontières, la prudence concernant la criminalisation est compréhensible. Mais plutôt que de minimiser ce risque, les actions de Choose Love risquent de le rendre encore plus probable. Sans incitation ni précédent juridique, ils ont pris sur eux de définir certaines formes de soutien comme (potentiellement) criminelles, signalant leur propre distance et leur désapprobation de ce travail. Cette mesure préventive a pour effet de faire respecter la frontière au nom du Royaume-Uni, en criminalisant certains itinéraires vers le Royaume-Uni et toute personne considérée comme soutenant celles qui les empruntent. En effet, elle est potentiellement plus efficace que ne pourrait l’être l’État britannique lui-même, puisqu’il n’a plus besoin de prouver la base légale de ses actions. Et tout comme les politiques britanniques de criminalisation et de sécurisation en général, elle augmente les risques et les dangers auxquels les réfugiés sont confrontés en leur refusant l’accès à des informations et à des ressources qui pourraient leur sauver la vie.

Il existe déjà une longue histoire de criminalisation des migrants et de leurs partisans dans le nord de la France. Elle a pris la forme d’une législation nationale, comme l’article L622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), alias le “délit de solidarité“, en vertu duquel des personnes ont été accusées de faciliter l’immigration illégale pour avoir fourni une aide humanitaire de base comme de la nourriture, des vêtements ou un abri. Parallèlement, la mairie et la préfecture de Calais ont interdit à plusieurs reprises la distribution de nourriture aux migrants dans la ville au fil des ans. La criminalisation a également été poursuivie de manière moins officielle par le maintien de l’ordre au quotidien des migrants et des militants de la solidarité, qui sont soumis à un harcèlement répété et à des cycles d’expulsion visant à rendre leur présence dans la région intenable. Nombre de ces actes de criminalisation ont été contestés dans la pratique, devant les tribunaux et dans le débat public, ce qui a révélé qu’ils étaient motivés par des considérations politiques plutôt que par la loi. Si, à certains moments, les humanitaires sont la cible de la criminalisation, à d’autres, ils ont agi de concert avec les autorités étatiques pour mettre en œuvre ces politiques – par exemple, pour construire puis expulser la New Jungle de 2015-2016. Que ce soit par peur d’être du mauvais côté de la loi ou non, en criminalisant de manière préventive la diffusion d’informations sur la “sécurité en mer”, Choose Love poursuit cette tendance des humanitaires à faire le sale boulot politique de l’État à leur place. Incarnant l’exemple même de la frontière néolibérale, et au nom de sa mission humanitaire, Choose Love s’est porté volontaire pour agir comme la police des frontières du Royaume-Uni.

Résister aux frontières

Comme l’histoire de cette frontière nous le montre, la criminalisation est un processus politique contestable, tant dans la pratique que devant les tribunaux. Mais cela exige d’aller au-delà des suggestions politiques considérées comme acceptables dans l’environnement politique hostile actuel. Si nous voulons résister à l’autoritarisme affiché dans le projet de Loi sur la nationalité et les frontières, nous devons nous opposer à la tendance de l’humanitarisme à contribuer à la surveillance des frontières, que ce soit délibérément, comme dans le cas de Choose Love, ou accidentellement, comme dans les arguments en faveur de “routes sûres et légales”. Nous devons rejeter les bases imposées du débat sur les frontières et la migration comme étant déjà mauvaises, plutôt que comme quelque chose à partir desquelles travailler. Nous devons refuser la croyance erronée selon laquelle nous pouvons faire une distinction claire entre les raisons pour lesquelles les gens se déplacent, en identifiant certaines comme ” légitimes ” et d’autres comme ” illégitimes “, ainsi que ces compréhensions simplistes de la ” mobilité choisie ” et de la ” mobilité forcée “, de l’” agentivité ” et de la ” victimisation “, sur lesquelles repose la criminalisation de la migration. Nous devons remettre en question les hypothèses selon lesquelles la migration doit être “gérée”, que les États occidentaux ou les acteurs humanitaires ont le droit de le faire, et que cela est fait pour protéger la vie de celles et ceux qui sont géré-es. Nous devons renoncer au fantasme séduisant selon lequel “nous” pouvons et devons avoir un “contrôle” sur “les autres”.

Au lieu de cela, nous devons comprendre ces arguments comme des alibis pour maintenir les inégalités mondiales de richesse, de pouvoir et de privilèges construits sur des histoires d’exploitation et de violence coloniales. Nous devons établir des liens entre les structures économiques et politiques qui obligent les gens à traverser les frontières internationales à la recherche d’une vie décente, tout en les enfermant dans la précarité et la pauvreté au niveau national. Nous devons montrer comment les mêmes stratégies de désignation de boucs émissaires et de criminalisation sont utilisées à l’encontre des migrant-es et des bénéficiaires de l’aide sociale pour dissimuler le siphonnage de la société par les gouvernements successifs au nom du capital mondial et de leur profit personnel. Nous devons dénoncer le rôle des frontières dans le maintien de ces injustices mondiales, tant pour les citoyens que pour les non-citoyens, et reconnaître le mouvement non autorisé des personnes à travers les frontières comme un acte politique de résistance à part entière. Enfin, nous devons être plus audacieux-es dans nos arguments en faveur de la solidarité avec les personnes en mouvement et souligner l’importance de l’abolition des frontières dans notre vision d’une société plus juste et plus libre pour tou-tes.


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