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Lettres d ’ Ukraine [ partie 3 ]
envoyé le 09/04/22 Mots-clés  antinationalisme   sans frontières  

Dans ce troisième et dernier entretien avec A., un jeune révolutionnaire ukrainien, nous revenons sur les soulèvements qui ont marqué la zone d’influence post-soviétique et tentons de comprendre comment la guerre actuelle recompose et décompose en même temps le champs des possibles en Ukraine.

[Vous pouvez retrouver les deux premiers entretiens ici et ici]

La situation a-t-elle évolué de manière notable au cours de la semaine dernière ?

Bien que l’avancée se soit ralentie et que les semaines se ressemblent de plus en plus, un changement notable s’est produit. Tout d’abord, les nouvelles concernant des contre-attaques fructueuses de l’armée ukrainienne autour de Kiev et l’abandon par la Russie de certaines de ses exigences en matière de pourparlers de paix ont renforcé l’image d’une campagne défensive ukrainienne réussie. Alors que la Russie a annoncé réduire ses efforts militaires autour de Kiev, il est devenu impossible d’ignorer la célébration par les Ukrainiens d’une guerre "déjà gagnée". On ignore encore dans quelle mesure la Russie est engagée dans les pourparlers de paix ou s’il s’agit d’une diversion, d’autant que l’ampleur de la "retraite" reste à déterminer. Mais nous devrions également nous pencher sur un autre aspect du problème. La défense ukrainienne continue de s’appuyer sur des conscrits et des volontaires sans aucune formation militaire, alors que l’OTAN se prépare à approvisionner l’Ukraine en armes de façon ininterrompue. Le succès sur ces lignes de front renforcera l’image de normalité à l’arrière, mais des millions de réfugiés vont devoir se contenter de survivre à une catastrophe qui continuera de fait alors que le soutien qui leur est apporté va peu à peu disparaître. Les habitants des villes encerclées devront encore se terrer pour échapper aux bombardements quotidiens, et la Russie va probablement utiliser ses forces libérées sur certains fronts pour renforcer d’autres axes d’attaque. Contrairement à ceux qui sont trop pressés de défendre cette fausse dichotomie entre guerre et paix, je pense que tout ça est loin d’être fini.

Nous avons appris que le gouvernement ukrainien, au nom de l’état d’urgence et en ayant recours à la loi martiale, a promulgué une série de lois qui restreint considérablement les droits des employés. Les employeurs peuvent faire passer la semaine de travail de 40 à 60 heures, raccourcir les vacances ou encore annuler les jours de vacances supplémentaires. Crains-tu que tout cela serve de base à une transformation plus radicale du droit du travail et des syndicats au nom de la guerre ?

Avant la guerre, l’Ukraine connaissait déjà un taux de chômage élevé, oscillant autour de 10%. La population active représentait 65,3 % de la population totale. Les questions relatives au sentiment d’incertitude face à l’avenir, qui s’étaient exprimé dans la forte présence des étudiants lors de l’Euromaïdan, se sont encore aggravées par la suite en raison de la vague d’austérité qui a touché le secteur public et particulièrement les universités. L’emploi informel est fort dans toutes les classes d’âges et les retraites de misères montrent que pour une bonne partie de la population, il n’y a quasiment aucun moyen de sortir de la pauvreté. Dans un pays en proie à la stagnation économique et au désespoir, tu savais que tes projets ne se concrétiseraient sûrement pas, mais au moins ils ne s’effondraient que petit à petit et tu pouvais continuer à t’auto-convaincre qu’il te restait quelques options pour améliorer tes conditions de vie. La guerre, en revanche, fait vaciller ces derniers espoirs. La désorientation est totale, tu as le sentiment d’être totalement impuissant, tandis que tu te trouves à nager dans un océan de nouvelles probabilités incalculables. Tu as tout perdu et tout te paraît absolument indéchiffrable. Au bout d’un mois de guerre, je ne suis toujours pas sûr de pouvoir parler d’un « après ». La guerre détruit l’avenir, elle consume les bourses mondiales aussi vite qu’elle détruit les emplois et les carrières de millions de personnes. Elle consume tout simplement nos mondes. Alors que des amis sont entraînés dans les rangs d’une nouvelle armée patriotique, qu’ils sont submergés par la mémoire de générations mortes mais qu’ils tentent de célébrer cet ultime bégaiement de l’histoire, la possibilité d’une amélioration des choses semble être tout bonnement exclue pour le moment.

Je crains que les lois « temporaire » sur le travail n’aient fait que légaliser des pratiques déjà existantes. Personne ne se soucie de ces réglementations alors que des millions de personnes ont dû quitter leur foyer et que les employeurs ont suspendu les salaires. Certes, le système économique a été perturbé, mais il s’est rapidement ajusté et continue d’affirmer son règne : les réfugiés tentent de trouver un travail, coûte que coûte, en se souciant peu des normes d’exploitation alors que le moment même qu’ils traversent est extrêmement éprouvant. Il est difficile de se prononcer sur la possibilité que ces restrictions perdurent après la guerre. Pourtant, cela ne serait pas surprenant, étant donné la nécessité d’augmenter la minuscule portion d’investissements étrangers et de mettre en avant les quelques industries rentables. Il est peu probable que les syndicats s’opposent à ces lois, car il n’existe pratiquement pas de mouvement syndical indépendant en Ukraine. Les organisations officielles post-soviétiques constituent des structures conservatrices vidées de toute substance oppositionnelle. Même pendant le soulèvement de 2014, il n’y avait pas eu de grève. Il est donc peu probable que des syndicats largement patriotiques se mettent soudainement à saper les efforts de guerre nationaux.

Comment les événements de ces dernières années en Ukraine pourraient s’insérer au sein de cette récente vague de soulèvement qui a touché les pays de l’ex-URSS ?

En « bons révolutionnaires  », nous devrions nous appuyer "non pas sur les bonnes vieilles choses, mais sur les mauvaises nouvelles". Bien que le développement de notre camp ne repose en aucun cas sur un processus uniforme et linéaire, les mouvements de révolte s’enrichissent néanmoins les uns des autres. Dans le contexte post-soviétique, le soulèvement de janvier au Kazakhstan a par exemple constitué le premier événement de la sorte qui ait été marqué par des pillage à grande échelle. Il a été en outre le premier soulèvement de ce type non initié par des forces politiques classiques. Les manifestants de 2020-2021 en Biélorussie, pour lesquels la revendication centrale était de demander des élections équitables, n’avaient quant à eux pas touché à la marchandise. Les émeutiers ukrainiens de 2014 ont pillé des postes de police ou des administrations publiques, puis ont immédiatement restitué les armes ainsi acquises. En 2020, les émeutes post-électorales du Kirghizistan ont donné lieu à quelques pillages, mais la population est intervenue pour aider à défendre les magasins attaqués. La question de l’influence que l’émeute kazakhe de cet hiver pourrait avoir sur de futurs mouvements en termes de coordination de masse rapide et de pillage reste ouverte. Le mouvement kazakhe doit d’ailleurs analysé dans le cadre des nombreuses soulèvements actuels provoquées par l’inflation, la hausse du prix de l’essence et des matières premières.

Si l’on regarde les événements de ces dernières années en Ukraine, il est difficile de ne pas se laisser envahir par un sentiment de dépression. Les manifestations nationalistes ont réussi à mobiliser même parmi les libéraux et les démocrates. Les nationalistes ukrainiens sont d’ailleurs passés maîtres dans l’art de l’action spectaculaire visant à brûler quelques pneus pour demander la démission d’un ministre. Par ailleurs, même les restrictions liées à la pandémie de Covid-19 n’ont pas provoqué de mobilisation significative. Le seul mouvement qui a émergé, alors que l’État vidait les hôpitaux de leur personnel et abandonnait tout effort pour limiter la propagation du virus, a été le fait de quelques manifestations d’entrepreneurs demandant la levée des dernières restrictions sanitaires au nom du "business as usual". Même si l’on aimerait proclamer que les contradictions sont enfin devenues évidentes aux yeux de la population, la réalité s’impose tout autrement.

Les sabotages de lignes de chemin de fer biélorusses, et les désertions russes occasionnelles montrent la puissance de la perturbation de certains actes désintéressés au nom d’un idéal démocratique qui dépasse les barrières nationales. A la question « devrions-nous saboter cette machine de mort ? », répond l’affirmation suivante : « notre vie n’aura pas de sens tant que nous n’aurons pas interrompu les circuits mondialisés de la production de marchandises.  »

La dynamique générale de la grande guerre civile mondiale, que l’on appelle aussi le «  mouvement réel », nous demeurera opaque tant qu’une grande rupture n’aura pas ouvert de nouvelles possibilités.
Néanmoins, nous pouvons tout de même percevoir certains échos plus ou moins diffus de révolte. Durant le conflit, l’Ukraine a été le théâtre de centaines de pillages. Les pillards se sont souvent heurtés à l’opposition de nombre de leur concitoyens. Ces pillages montrent l’immense ampleur de la haine de ceux qui sont exclus du processus de valorisation du capital, qu’ils cassent des boutiques ou qu’ils essaient de s’en prendre à des distributeurs automatiques. Les premières symbolisent la domination totale du capital sur des paysages urbains optimisés pour le commerce ainsi que pour la circulation des biens et des personnes ; les boulevards soviétiques sont d’ailleurs si larges que même le baron Haussmann n’aurait pu rêver mieux faire. Les distributeurs de billets évoquent quant à eux les fantasmagories d’une automatisation de l’économie à venir et pour laquelle le temps libre hors du travail serait réduit à l’état de malédiction.

Par ailleurs, bien que d’autres lignes de faille se manifestent, on peut dire que le champ politique ukrainien produit en quelques sortes des sociaux-démocrates sans social-démocratie. Si l’on prend cette vision social-démocrate au pied de la lettre, les descriptions de Mike Davis à propos d’un certain aveuglement de la classe dirigeante sont utiles [voir : “Thanatos Triumphant”, Mike Davis, New Left Review]. Au regard du tableau apocalyptique qu’il décrit, celui d’un monde de milliardaires détruisant "toutes les bonnes choses de la terre", la cupidité n’ayant plus besoin des interminables justifications du spectacle, il n’est guère surprenant qu’une classe politique contrainte de maintenir un système mondial qui détruit les économies nationales soit désorganisée et confuse ; et ceci quel que soit son camp. Bien qu’il fasse encore allusion peut-être un peu trop allusions à des politiciens en particulier qui seraient à la racine d’un impérialisme de plus en plus dépourvu de vision, son analyse identifie bien le problème actuel et la manière dont des milliards de personnes sont coincées dans cette éternelle tempête du progrès. C’est bien notre époque que Walter Benjamin avait à l’esprit, citant les mots de Fuchs alors qu’il cherchait dans les restes morts du mouvement ouvrier des signes de pensée matérialiste : “Les époques décadentes et les cerveaux malades, écrivait-il, penchent également vers les représentations grotesques. Dans ces cas, le grotesque est un reflet scandaleux du fait que, pour les époques et les individus en question, les problèmes du monde et de l’existence semblent insolubles.”

Pourtant, l’alternative quelque peu malheureuse que propose Mike Davis à cette "canalisation" infructueuse des "énergies générées par Occupy, BLM ou encore par la campagne de Bernie Sanders" au XXIe siècle, est celle d’un renouvellement de la propagande par le fait au XXIe siècle. Comme si les assassinats survenus au cours du siècle passé avaient jamais pu atténuer la répression ou aboli des guerres. Nous refusons de nous résigner à vouloir discerner la rédemption du peuple juif dans l’assassinat d’un Petliura qui était d’ailleurs depuis longtemps à la retraite. Si tant est qu’il y ait une solution à la question des souffrances ukrainiennes, nous ne nous contenterons pas davantage d’un léger rééquilibrage du pouvoir financier qui s’accommoderait d’un mouvement nationaliste radicalisé. Au lieu de cela, en partant du désespoir comme élément de base de la caractérisation de notre époque, nous nous efforçons de baliser un chemin dans les ténèbres qui un jour constituera peut-être un porte de sortie viable.

Les vestiges du mouvement ouvrier obscurcissent encore la voie. Au lieu d’essayer de réanimer ses cadavres, nous devons nous tourner vers toutes les manifestations de négativité qui nous entourent. Si une société de travailleurs salariés, chacun à la merci d’une économie totalitaire, a fait appel à la stratégie de la grève et de l’autogestion, n’a finalement était capable de produire qu’une société de chômage généralisé, à quoi ressemblera donc la révolution pour nous ? Avec l’éclatement des emplois, la mobilité accrue de la force de travail et diverses formes de pseudo-emploi, l’exploitation est toujours le fait du capital, et ce sont ses fragiles circuits de circulation qui devront être visés à l’avenir. Le même mouvement dialectique suit l’histoire récente de la citoyenneté : ceux qui ont placé leurs espoirs dans son universalité ont manqué l’explosion de la condition généralisée de non-citoyen. Alors que tout citoyen est toujours un citoyen en devenir, car toujours suspecté d’incomplétude et qu’il doit faire ses preuves continuellement en demeurant sujet à des examens complémentaires, l’une des multiples facettes de l’anti-citoyen, celui à qui est refusé la citoyenneté, c’est le réfugié.
Alors que la banalité des environnements quotidiens et familiers éclate dans la guerre dont on était censé être protégé, comment un réfugié peut-il faire confiance à une nouvelle donne politique qui le rejette déjà ?
N’étant plus soumis par son gouvernement et ses impôts, le réfugié commence à mépriser chaque frontière comme un objet tangible à abattre.


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