Pendant cinq ans, vous les gauchistes révolutionnaires avez hurlé que Macron était insupportable par son arrogance et son mépris de classe - presque autant que par sa politique « néolibérale » au profit des riches - et qu’il devait dégager... et voilà qu’une fois de plus vous avez appelé à voter « contre le fascisme », donc pour lui, au lieu de laisser ce genre d’exercice aux réformistes.
Dans le duel entre Macron et Le Pen, l’argument du « moins pire » ne tenait guère, la différence entre eux portant surtout sur l’art et la manière d’entuber ou de réprimer : préfère-t-on l’être sur le mode bien éduqué ou plus rude ? Invoquer, comme cela a couramment été pratiqué, le sort des migrant-es qu’aggraverait à coup sur l’élection de Le Pen (hormis peut-être pour les réfugié-es ukrainiens) afin de nous convaincre de l’éliminer sous-entendait qu’avec Macron ou ses prédécesseurs ils/elles avaient été bien lotis. De qui se moque-t-on ?
Cette culpabilisation à base d’utilisation d’un antifascisme devenue routinière est de moins en moins crédible et attractive étant donné qu’il n’est même plus question d’un « troisième tour social » - cet autre argument servi à plusieurs reprises depuis 2002 pour faire ravaler sa rancœur à qui irait voter « en se bouchant le nez ».
On a vu ce que valait les « "Ils" ne perdent rien pour attendre : dès le soir du second tour, tous et toutes dans la rue, hein ! » (Rires.)
Pour ce nouveau mandat de Macron, il va falloir boire le calice jusqu’à la lie, point barre - ou sacrément se réveiller ! Parce qu’il a clairement annoncé la couleur : plus d’austérité, de sécuritaire et de boulot pour moins de fric et de liberté - vous saviez comme nous à quoi vous en tenir, avant de nous enjoindre ou presque de voter pour lui, et nul ne pourra prétendre qu’il a trompé son électorat.
Vous auriez pu mener campagne pour l’abstention et laisser le « vote utile » aux tenants de l’ordre établi, si vous contestez réellement ce dernier ; mais pas du tout : non contents d’aider le Président sortant à ne plus l’être, vous avez opté pour faire participer les autres à cette opération « par précaution » - et c’est reparti pour un tour de Macron. Heureusement que les mobilisations sociales n’ont jamais attendu le feu vert des « révolutionnaires » pour démarrer, car depuis les années 80 - avec le « socialiste » Mitterrand, la fin de l’URSS, le triomphe du « libéralisme » et le développement des théories postmodernes - l’extrême gauche et des libertaires n’ont cessé de marcher dans les pas d’une social-démocratie (déjà suivie par le Parti communiste) et de délaisser les luttes, la lutte des classes, ou même le simple registre politique, au profit d’un discours moral dont relève entre autres « la "démocratie" c’est bien, le "fascisme" c’est mal ».
Comment voulez-vous qu’après de tels choix incohérents (en apparence du moins, car au fond c’est votre adhésion « malgré tout » à la démocratie représentative qui les rend cohérents) les « prolos », ces gens de peu, fassent confiance aux « radicaux » ? Vous croyez qu’ils/elles ne sentent pas vos réticences et préjugés à leur égard ? A vos yeux, ils/elles sont toujours soupçonnables d’être de la graine de fascistes-racistes-beaufs, ce qui alimente votre méfiance quand ils/elles s’énervent. Sans remonter à la « révolte des banlieues » de 2005 (que vous avez largement ignorée voire réprouvée, acceptant de fait le discours médiatique sur la « caillera » sans chercher à développer une solidarité de classe avec la jeunesse qui était visée là), votre attitude concernant les gilets jaunes l’a souligné : vous avez d’abord snobé leur mouvement, et si pour une part vous l’avez ensuite encensé pour son caractère exceptionnel ou « original » (quelles trouvailles, ces gilets et ces ronds-points, vraiment, et ces AG des AG si proches de la démocratie directe !), c’était pour mieux enterrer les mobilisations suivantes.
Certes, il y avait à boire et à manger dans les rendez-vous du samedi contre le passe sanitaire - mais on ne risquait pas de voir figurer sur cette carte variée l’extrême gauche ou les libertaires, beaucoup ayant craint d’entrée de perdre leur pureté en se frottant à une faune jugée a priori pas très nette. Plutôt que de chercher à créer un rapport de force contre ce qu’impliquait un tel passe - un clivage entre vacciné-es et non-vacciné-es, un flicage des non-vacciné·es par des vacciné·es, un appel à la délation en direction des vacciné·es, une QRcodisation de la vie quotidienne, etc. -, mieux valait rester dans un entre-soi permettant de croire qu’on avait une fois de plus bien réagi en... ne bougeant pas. Mieux valait attendre quelque « journée d’action » appelée (de plus en plus rarement) et encadrée par les syndicats, et avalisée par la gauche ou ce qui porte aujourd’hui ce nom. Et mieux valait taire les « mauvais côtés » du passe sanitaire en considérant leur dénonciation comme la seule affaire d’une moyenne bourgeoisie antivax obsédée par sa « liberté ».
Lucie
au lendemain du second tour de la présidentielle
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