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Adieu la vie, adieu l’amour… Ukraine, guerre et auto-organisation
envoyé le 25/05/22 par Tristan Leoni, 8 mai 2022 Mots-clés  contre les guerres  

« Ce qu’elle en a bu, du beau sang, cette terre
Sang d’ouvrier et sang de paysan
Car les bandits, qui sont cause des guerres
N’en meurent jamais, on ne tue que les innocents1. »

Pour évoquer l’incertitude du champ de bataille, Clausewitz parlait de « brouillard de guerre », le terme pourrait tout aussi bien s’appliquer à l’avalanche médiatique que, depuis le 24 février 2022, nous subissons à propos de l’Ukraine. Les deux camps se livrent à une guerre des propagandes et d’images assez classique renforcée de manière inédite par les réseaux sociaux. De ce point de vue, les Ukrainiens ont l’avantage ; beaucoup d’images sont disponibles de leur côté (prises par des civils ou des journalistes), beaucoup moins côté russe (pas de smartphone pour les soldats, pas de civils, peu de journalistes). D’où par exemple, au début, une surabondance de véhicules russes détruits. C’est ce que voient les Occidentaux (nous), mais il ne s’agit que d’une partie de la réalité. D’autant que les algorithmes accentuent la banalité de nos biais cognitifs respectifs, nous poussant à favoriser les informations qui confirment nos opinions et nos présupposés : c’est le « problème de Diagoras », mais en période de guerre ce lot quotidien devient excessif, étouffant. Il n’est pas aisé de conserver la distance nécessaire et une tête assez froide pour comprendre ce qui se déroule et, éventuellement, agir en conséquence ; ça l’est d’autant moins lorsque l’on vit dans un pays belligérant ou cobelligérant.

Le Bon, la Brute et le Truand

« Ne vous inquiétez pas, ceux-là sont sortants2. »

La Russie a envahi l’Ukraine, et non l’inverse. Cependant, si importante soit-elle, la différence entre « agresseur » et « agressé » n’est pas un critère suffisant pour comprendre la situation. Le démocrate et l’autoritaire, le gentil et le méchant, etc.
Le 28 juillet 1914, après l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, le puissant Empire austro-hongrois (50 millions d’habitants) déclare la guerre à la petite Serbie (dix fois moins peuplée). Dans les jours qui suivent, par le jeu des alliances, toutes les puissances européennes entrent en guerre, et l’un des arguments de la France et de l’Angleterre en est la défense du faible contre le fort. « Nul ne peut croire de bonne foi que nous sommes les agresseurs », déclare René Viviani, président du Conseil d’une République française très démocratique à laquelle l’Allemagne, forcément despotique et cruelle, vient de déclarer la guerre. Si, dans leur immense majorité, les socio-démocrates de tous les pays (et même quelques anarchistes dont Pierre Kropotkine) adhèrent à ce récit et aux respectives politiques d’Union sacrée, le Parti socialiste serbe refuse, lui, la défense nationale, et ne vote pas les crédits de guerre. En 1914, rares sont les révolutionnaires à ne pas succomber à la propagande de guerre3.
Mais on n’explique plus les causes de la Première Guerre mondiale de la sorte. L’initiateur ou l’incident déclencheur d’un conflit n’est qu’un élément d’une situation d’ensemble bien plus complexe4. Chaque pays peut légitimement affirmer qu’il se défend, l’envahi contre l’envahisseur bien sûr, mais aussi l’envahisseur intervenant pour empêcher un tiers d’occuper, de dominer ou de manipuler l’envahi. L’URSS a agi ainsi en Hongrie en 1956, la Grande-Bretagne et la France en Égypte la même année, les États-Unis au Vietnam, l’URSS en Afghanistan, etc. Les faibles n’existent que par les forts qui les protègent contre d’autres forts, et chacun se défend pour empêcher son voisin de l’attaquer, ou de servir de base à cet effet.
Comme tant d’autres avant elle, la guerre qui se joue aujourd’hui sur le territoire ukrainien, et aux dépens de sa population, s’inscrit dans le cadre plus vaste de l’affrontement entre grands blocs ; et la caractérisation des régimes impliqués (démocratie ou pas) y est (comme d’habitude) anecdotique.
En Occident, de bons esprits déplorent que, au lieu de dissoudre l’Otan lorsque le pacte de Varsovie a éclaté après la dissolution de l’URSS en 1991, les États-Unis aient progressivement élargi cette alliance militaire jusqu’à inclure la plupart des ex-satellites de l’URSS. Comment réagiraient les États-Unis si le Mexique ou le Canada rejoignaient une alliance militaire dirigée contre eux5 ? En 2022, l’invasion russe a l’avantage de justifier rétrospectivement l’élargissement otanien et de le poursuivre (Suède, Finlande).
Là n’est pas la question. Il allait de soi pour les États-Unis (et leurs alliés) de saisir l’occasion de la disparition de l’URSS pour promouvoir leurs intérêts et limiter la puissance russe. Tout comme l’URSS le faisait dans le passé chaque fois qu’elle le pouvait. L’Ukraine est un territoire beaucoup trop stratégique (en particulier l’est et le sud du pays) pour qu’un camp ou l’autre accepte de l’abandonner facilement (masse de population et donc de prolétaires, industries, irrigation, nombreuses ressources existantes ou potentielles y compris sous la mer Noire, accès et contrôle de cette mer, etc.).
« Arrêtez la guerre. Ne croyez pas la propagande. On vous ment ici »… Il fallait du courage à Marina Ovsiannikova, le 14 mars 2022, pour oser dénoncer publiquement la guerre menée par son propre pays. Il est douteux que le journal télévisé d’une grande chaîne française puisse un jour être interrompu à 20 heures par une mise en cause intempestive de la propagande guerrière occidentale. Y aurait-il davantage de pacifistes à Moscou qu’à Paris ?
Rudyard Kipling n’a peut-être jamais écrit que « la première victime d’une guerre, c’est la vérité », mais tout de même… Certes, on pouvait s’y attendre, mais il est étonnant de constater à quelle vitesse les médias expriment dans chaque pays un consensus correspondant à la politique des gouvernants6. L’acceptation plus ou moins générale de la gestion étatique de la crise du Covid-19 par les populations n’a pas empêché des actes de protestation, minoritaires et malgré tout répétés avec un certain écho. La guerre, elle, ne crée pas seulement une soumission, mais une adhésion – en tout cas, tant que le conflit ne s’éternise pas au point que ses objectifs apparaissent de moins en moins crédibles. Sachant qu’en 2022 on n’appelle plus des dizaines de millions d’hommes sous les drapeaux : on mobilise des centaines de millions de spectateurs devant leurs écrans.
À Paris ou à Marseille, tout le monde est contre la guerre… mais souhaite la victoire de l’Ukraine, demande qu’on lui livre davantage d’armes, voire qu’on y envoie des militaires français. Les rassemblements « pacifistes » aux couleurs jaune et bleu sont bien calmes et bien maigres si on les compare aux fougueuses manifestations contre la guerre de 2003, où, il est bon de le rappeler, personne ne souhaitait la victoire de l’Irak, personne ne proposait de livrer des armes à Bagdad pour qu’il puisse abattre les avions américains. Il est vrai que cette opération bien spéciale avait officiellement pour objectif de débaassiser et de démilitariser le pays, de lutter contre le terrorisme, de libérer un peuple et de lui apporter la démocratie. On s’y perd un peu.

Mais pourquoi donc ?

« – C’est une guerre antifasciste…
– C’est une guerre. Avec ses origines profondes, ses raisons historiques, ses explications. Le nationalisme, le traité de Versailles, les rivalités entre puissances expansionnistes7. »

En effet, pourquoi la Russie s’est-elle lancée dans cette opération dont les conséquences seront catastrophiques, y compris pour elle ? Quel en était son intérêt ?
Évacuons tout d’abord les explications psychologisantes ou pathologisantes aujourd’hui très à la mode dès lors qu’il s’agit de parler d’un adversaire ; la sénilité ou la confusion mentale d’un quelconque dirigeant politique n’est pas en cause ; évacuons aussi la personnalisation puisqu’on ne dirige jamais seul.
L’histoire nous montre que lancer une guerre, cette « folie », est en réalité, à un moment donné, l’option qui paraît la plus raisonnable pour un État ; mais la logique et les intérêts des classes dirigeantes sont très différents de ceux des honnêtes gens et des prolétaires.
Notons tout d’abord que, si la menace planait, le déclenchement de cette opération et surtout son ampleur ont surpris la quasi-totalité des observateurs et des spécialistes. L’invasion de l’Ukraine avait été envisagée et planifiée (les états-majors font toujours des plans pour les situations les plus diverses), et précédée de gigantesques manœuvres en Biélorussie. Mais il n’est pas certain que l’opération ait été véritablement choisie et encore moins la date de son lancement ; elle s’est peut-être imposée aux dirigeants russes du fait d’un engrenage complexe mais fatal ayant pour cadre la confrontation entre l’Otan et la Russie (surtout depuis 2014), et dans lequel on trouve des éléments tels que :

> la rivalité entre États-Unis et Russie à propos de l’approvisionnement énergétique de l’Europe ;
> l’accroissement ces dernières années du déploiement de troupes de l’Otan dans la région (pays baltes, Pologne et Roumanie) ;
> l’augmentation des livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine en 2021 et donc la montée en puissance de l’armée ukrainienne, qui, dans le futur (mais à quelle échéance ?), pourrait être assez forte pour reconquérir les territoires sécessionnistes du Donbass ou, du moins, pour s’opposer efficacement à une nouvelle intervention russe ;
> l’évolution et l’échec des négociations sur le statut de l’Ukraine (neutralité ? démilitarisation ? adhésion à l’Otan ?) et du Donbass (autonomie ? indépendance ?) y compris dans les semaines précédant l’offensive ;
> les déclarations de Joe Biden, qui, alors que les États-Unis dénoncent l’imminence de l’invasion russe, annonce qu’il n’a « pas l’intention de déployer des forces américaines ou de l’Otan en Ukraine » (25 janvier 2022) – ce qui, en diplomatie, peut être interprété comme un « bon pour accord »8 ;
> des pays européens qui apparaissent faibles, divisés, et trop dépendants de la Russie pour lui infliger de nouvelles sanctions économiques ;
> des éléments qui aujourd’hui nous échappent – certains experts évoquent un possible revirement de la Russie autour des 21-23 février ;
> une fenêtre d’opportunité qui semble se refermer : « C’est maintenant ou jamais ! ».

Envisagée comme une possibilité, brandie comme une menace dans le poker diplomatique, l’invasion de l’Ukraine a sans doute été décidée puis repoussée, peut-être à plusieurs reprises ; la décision finale n’a probablement été prise qu’au dernier moment, après avoir perdu plusieurs semaines, d’où des conditions météorologiques très défavorables, en période de raspoutitsa.

Déroulement des opérations

« Aucun plan ne résiste au premier contact avec l’ennemi9. »

Ce qui surprend tout d’abord les observateurs « avisés », c’est que l’offensive terrestre russe n’est précédée que de quelques heures de bombardements aériens et de tirs de missiles visant les casernes, les bases aériennes, les systèmes de défense antiaérienne et les radars ukrainiens10. Ensuite, c’est l’audace du plan initial (digne d’un périlleux coup de dés lors d’un wargame). L’objectif est alors probablement de faire capituler l’Ukraine en quelques jours, à la suite d’une opération héliportée de grande ampleur contre un aéroport de la banlieue de Kiev ouvrant la voie à une pénétration rapide de blindés, à la prise de la capitale et à la chute du gouvernement. Si les parachutistes s’emparent bien de l’aéroport, l’opération échoue car ils sont laminés par une contre-offensive. Au même moment, en plusieurs points, des colonnes de blindés franchissent la frontière et s’enfoncent à travers le pays, mais sans précaution ni protection, sans appui aérien tactique et, surtout, autre surprise, sans préparation ou appui d’artillerie ; alors que, héritière de la doctrine soviétique, « l’armée russe, c’est d’abord une grande artillerie qui roule et une force de frappe aérienne qui largue des bombes lisses » (Michel Goya). Pas non plus de destruction des sites stratégiques, des moyens de distribution de l’électricité ou de communication (en Serbie, en 1999, l’Otan avait visé les centrales électriques et les ponts). Quoi qu’en disent les médias occidentaux, la Russie mène dans les quinze premiers jours de son offensive une guerre relativement « retenue ». Cela peut s’expliquer par la pression médiatique, mais aussi par la volonté de la Russie de préserver les infrastructures, les industries lourdes des zones qu’elle souhaite annexer, et surtout par la perspective de ménager une population russophone auprès de laquelle elle pense rencontrer un bon accueil et que, officiellement, elle prétend vouloir libérer du joug nazi. Mais cette stratégie se solde par un échec. Les analyses du renseignement russe sont complètement erronées : la population se révèle hostile aux soldats et, parfois, improvise des actions de résistance armée (jets de cocktails Molotov). De plus, l’invasion russe fait face à une opposition de l’armée ukrainienne bien plus opiniâtre que prévu. Cela est en premier lieu dû au fait que l’armée russe ne bénéficie d’aucun effet de surprise ; si les semaines de manœuvres en Biélorussie ont évidemment suscité l’inquiétude, les Ukrainiens ont reçu des renseignements américains les détails précis de l’opération à venir et s’y sont préparés, notamment en dispersant troupes et matériels pour limiter les effets des premiers bombardements russes.
Les colonnes russes de blindés ou de camions de ravitaillement avançant comme en terrain conquis font face à une virulente guérilla ; elles sont une cible de choix, moins pour des civils en armes que pour de petits groupes de militaires lourdement équipés (notamment de redoutables missiles antichars américains Javelin ou suédois NLAW11) ou pour des drones de combat (Bayraktar turcs). La progression semble également freinée par le manque de carburant, de nourriture, voire de munitions, c’est-à-dire par une logistique défaillante et/ou œuvrant avec une part d’impréparation. D’où un moral du combattant relativement bas, surtout après des semaines de manœuvres épuisantes.
Après quinze jours de combats, alors que le dégel et la boue se répandent et que les positions se figent, les attaquants commencent à faire un usage beaucoup moins modéré de l’artillerie, notamment contre les faubourgs des grandes villes assiégées, où se positionne l’infanterie ukrainienne. L’aviation russe demeure peu utilisée, elle semble ne disposer que de peu de munitions de précision, donc les frappes doivent se faire à vue, donc par temps dégagé, mais la météo est mauvaise et le plafond très bas, donc les avions sont à portée des Manpads ukrainiens (missiles antiaériens portatifs), qui leur infligent de lourds dégâts. De plus, l’armée ukrainienne bénéficie très vite d’un important soutien de l’Otan, que ce soit en matériel (livraisons massives et croissantes d’armes et d’équipements), en formation (sur place ou dans les pays occidentaux), en encadrement (sur place12), mais aussi en renseignement13.

Très rapidement on a parlé d’un échec ou d’un enlisement de l’armée russe14, sans pour autant connaître les buts initiaux du Kremlin ; il y a d’ailleurs une différence entre les visées politiques et les objectifs militaires, lesquels se doivent d’être plus amples que les premières pour permettre de s’emparer de places qui serviront de monnaie d’échange lors de négociations futures. Envahir toute l’Ukraine n’est probablement pas le projet du Kremlin : trop coûteux, trop complexe (notamment pour occuper le territoire), alors qu’il lui serait plus pratique de conserver une Ukraine réduite à sa partie occidentale (ne serait-ce que pour qu’y soient recueillis les millions de réfugiés et les populations les plus hostiles à la Russie). La volonté d’annexion plus ou moins déguisée de nouvelles provinces (rive orientale du Dniepr, partie ou entièreté du littoral de la mer Noire) est plus probable. En tout cas, à moins d’être humiliée (aux yeux du monde et de sa population), la Russie ne peut pas arrêter son opération avant d’avoir conquis un minimum de positions stratégiques. « Poutine est dans la posture exacte du parieur. Il a fait un pari, il l’a perdu au départ. Jusqu’où va-t-il continuer à miser pour ne pas repartir les poches vides ? C’est exactement ça. Et l’Occident doit comprendre qu’il ne peut pas repartir les poches vides, parce que s’il a la sensation qu’il peut repartir les poches vides il va continuer à miser. Ça, c’est le mirage de la victoire qui saisit tous les chefs qui s’engagent dans une opération militaire » (général Vincent Desportes)15.
À la fin de mars, alors que l’enlisement se confirme et qu’il faut éviter un trop cuisant échec, les troupes russes se retirent des territoires conquis autour de Kiev et dans le nord du pays et se redéploient dans l’Est. Désormais, le Kremlin affiche comme objectif d’achever la conquête du Donbass et d’assurer une continuité territoriale entre ce territoire et la Crimée, voire avec la Transnistrie. Dans ce but, les unités russes renouent avec leur doctrine classique et font une large place à la préparation d’artillerie et au bombardement aérien. À la fin d’avril, lentement mais méthodiquement, ces troupes avancent ; la confrontation à la fois mécanique et humaine est féroce, d’autant que les forces sont désormais relativement équilibrées. Moscou, qui dans cette guerre ne mobilise qu’assez peu d’hommes, environ 200 000 (contre les 200 000 à 300 000 de Kiev), tire profit d’une certaine supériorité aérienne (limitée par les missiles antiaériens adverses) et en artillerie (limitée par les puissantes fortifications des défenseurs). Si elle n’arrive pas à briser la résistance dans le Donbass, la Russie devra trouver une autre solution pour ne pas perdre la face… d’autant que d’ores et déjà certains évoquent la possibilité d’un retournement de la situation et d’offensives ukrainiennes contre la Transnistrie ou la Crimée. Dès lors que très peu de pays semblent œuvrer pour une désescalade – bien au contraire –, le risque de montée aux extrêmes est aujourd’hui bien réel.

L’auto-organisation de la population

« Il n’y a désormais plus de raisons pour nous battre, nous n’avons plus d’armée, ni toi ni moi, rien que des guenilles de couleurs différentes qui n’ont plus que le nom d’uniformes. De quoi a-t-on l’air maintenant dans ces oripeaux ? Il n’y a plus de frontières, ni de gouvernements, ni de nobles causes, donc pas de raisons de se battre 16… »

On l’a vu, la Russie s’attendait à bon accueil dans les régions russophones de l’est et du sud du pays, mais c’est le contraire qui se produisit. On a beaucoup insisté dans les premiers jours, que ce soit dans les médias bourgeois ou sur les réseaux militants, sur la mobilisation de la population ukrainienne ; celle-ci nous semble relever de deux champs différents.

Tout d’abord la solidarité matérielle de base devant le désastre : aider et accueillir des réfugiés fuyant les zones de combat (ils sont en bas de chez vous et viennent de la ville d’à côté), secourir des blessés ou des personnes ensevelies sous les décombres d’une maison, etc. On s’organise comme on peut, en coordination avec les secours, la mairie, une ONG ou juste entre voisins. Ces gestes ont parfois été interprétés comme les signes annonciateurs d’une auto-organisation des prolétaires forcément émancipatrice si elle s’étendait et se renforçait. Cela nous semble particulièrement exagéré, ces gestes procédant de réflexes d’entraide minimale assez courants chez les êtres humains.

Et il y a une mobilisation que l’on pourrait dire martiale, ayant pour objectif de contrer l’offensive russe. Là encore, on s’organise comme on peut alors que les services de l’État sont complètement débordés : artistes créant un atelier de fabrication de cocktails Molotov, restaurateurs établissant une cantine pour fournir des rations aux soldats, entreprise se convertissant dans la fabrique d’obstacles antichars, femmes se réunissant pour coudre des filets de camouflage, retraités remplissant des sacs de sable, habitants construisant des barricades, etc.
Ce qui frappe beaucoup les gens peu habitués à la guerre (nous), ce sont ces civils qui font la queue pour endosser l’uniforme et rejoindre la défense territoriale (DT), cette branche de l’armée ukrainienne constituée de réservistes et de volontaires. Des dizaines de milliers de fusils d’assaut sont distribués à la population, des taulards sont libérés en échange de leur participation aux combats, etc. Très vite, ce sont les armes et le matériel qui font défaut, pas les volontaires ; au début, ceux qui s’engagent doivent en grande partie s’équiper eux-mêmes, à leurs frais, dans des magasins de surplus militaire (treillis, brêlage, casque, gilet pare-balles, etc.). Quant aux suivants, notamment ceux qui se sont inscrits sur des listes d’attente, sauf s’ils ont une expérience militaire le gouvernement leur demande surtout de continuer à travailler, autre forme essentielle de la résistance.
La valeur tactique d’unités composées de la sorte est, on le comprend, assez réduite, mais le rôle de la DT est avant tout de décharger les militaires les mieux formés des tâches les plus ingrates et chronophages : surveiller les arrières (entrepôts, ponts, etc.), patrouiller dans les villes, imposer le couvre-feu et lutter contre les pillages. La porte est ouverte à toutes les « dérives » : les checkpoints et les contrôles d’identité se multiplient (sous l’autorité de votre voisin, de votre épicier ou d’un collègue de travail), les citoyens vigilants surveillent et dénoncent, on traque les civils suspects (espions, saboteurs, prorusses ?), qui sont arrêtés et transférés on ne sait où pour interrogatoire, etc. Les tribunaux ne fonctionnant plus, c’est la DT qui applique parfois une justice expéditive, en particulier contre les voleurs et les pillards (ceux qui ne sont pas abattus sur place sont attachés à un poteau, en pleine rue, le pantalon baissé sur les chevilles, le froid glacial en prime).

Sans faire l’apologie d’un pacifisme béat nous semblent plus intéressantes les manifestations de civils qu’on a parfois observées et qui visaient à bloquer les voies de circulation, à stopper les colonnes de chars par une action non violente (choses vues en Iran en 1979, à Pékin en 1989, en Slovénie en 1990). Mais, là encore, ce qui s’exprime n’est pas un rejet viscéral de la guerre, un pacifisme un peu naïf, mais bien un profond nationalisme ; on n’y brandit pas de drapeaux de la paix, mais bien l’emblème ukrainien. C’est qu’avec cette crise on assiste sans doute « en direct » à l’achèvement de la construction de cette nation ukrainienne fruit d’un processus né avec l’indépendance : une population qui, quelle que soit sa langue, prend soudainement conscience de ses spécificités historiques, culturelles, voire religieuses (l’Église orthodoxe, dépendant encore de Moscou, s’en sépare aujourd’hui) et qui, par-delà les classes, est fière d’elle-même… même si, au regard de l’histoire, ces spécificités peuvent paraître bien artificielles, et même si on les crée de toutes pièces pour l’occasion (comme après l’éclatement de la Yougoslavie dans les années 1990). Il y en aura pour trouver cela émouvant. En tout cas, cela n’a pas l’air de déranger nombre d’humanistes et de sociaux-démocrates occidentaux habituellement plus rétifs au nationalisme ; on en trouve une superbe illustration avec le cinéaste Mathieu Kassovitz expliquant à une journaliste que les Ukrainiens, qu’il connaît bien, sont « ultra-nationalistes dans le bon sens, c’est-à-dire qu’ils sont fiers de leur pays et veulent le protéger absolument ». Il semble en aller de même pour certains militants d’extrême gauche français (pour qui, généralement, le fait de brandir un drapeau tricolore dans une manifestation est un signe de fascisme). Mais il existe déjà des anarcho-syndicalistes ukrainiens faisant la promotion d’un « nationalisme libérateur et créatif17 » !
Un sentiment nationaliste qui, assez logiquement, va de pair avec un soutien de la population à son armée, un soutien vibrant et déjà ancien, allié à un rapport à la virilité quelque peu différent de celui qu’on connaît en Europe occidentale, qui explique assez « naturellement » cette volonté de prendre les armes pour défendre son pays, même si « l’entraînement, la maintenance et l’armement de l’Ukraine, ainsi que les exigences du FMI en matière de crédits accordés à l’État, sont en même temps les causes structurelles du démantèlement des hôpitaux, du sous-investissement dans l’éducation, des pensions de misère pour les retraités, de l’absence d’augmentation des salaires dans le secteur public18 ». Car défendre son pays c’est en premier lieu, rappelons-le, défendre les intérêts de sa bourgeoisie contre ceux de la bourgeoisie d’en face.
L’exaltation liée à la terre, au sang et à la démocratie a pourtant quelques limites. Dès le début de l’invasion, si la conscription a été décrétée, rendant possible l’enrôlement de tous les hommes âgés de 18 à 60 ans, elle s’est accompagnée d’une interdiction de quitter le territoire… car tous les Ukrainiens n’avaient pas l’air de vouloir s’engager dans l’armée ou la DT. Il y a en effet des insoumis et des déserteurs ; certains tentent de se cacher, d’obtenir de faux papiers, de fuir à l’étranger ; ce n’est donc pas pour rien qu’il y a des contrôles à la frontière pour la sortie des réfugiés. D’autres, prudemment, s’engagent dans leur DT locale, à l’arrière, pour éviter d’être incorporés de force dans une unité qui partirait au combat. Malheureusement pour eux, les livraisons de l’Otan (par exemple des dizaines de milliers de casques et de gilets pare-balles) permettent l’équipement d’un nombre croissant de nouvelles recrues (et de membres de la DT) et leur envoi sur le redouté front de l’Est… de là, mécaniquement, un nombre croissant de réfractaires et peut-être même les premières manifestations contre la conscription obligatoire (à Khoust, dans l’ouest du pays).
Mais, si l’Ukraine a connu quelques semaines de flottement, le gouvernement a rapidement repris les choses en main, notamment, il faut le reconnaître, grâce au soutien de ses citoyens. Ces derniers ne se sont pas auto-organisés contre l’État, ou bien du fait de son absence, mais bien afin d’éviter qu’il ne s’effondre sous les coups de boutoir russes. C’est une réaction assez « normale » dans un pays qui connaît un fort sentiment d’unité nationale, qui est formaté à cet effet par une propagande ad hoc. Cela se confirme, une fois de plus, l’auto-organisation n’est pas en soi révolutionnaire.

Que faire… sous les bombes ?
« La victoire en chantant nous ouvre la barrière ;
La Liberté guide nos pas
19. »

Nous ne sommes pas dans la situation des Ukrainiens ni dans celle d’anarchistes ou de communistes vivant en Ukraine ; difficile de savoir ce qu’il faudrait faire là-bas, de porter une appréciation à chaud sur leur action, car (quelles que soient nos idées) nous ne savons pas comment nous réagirions à leur place ; le recul historique permet souvent ce type de jugement, car il est facile d’être dans le vrai lorsque l’on connaît la suite et la fin des événements20. Pour autant, nos camarades ukrainiens devraient-ils, du seul fait de leur situation de « premiers concernés », être exemptés de toute critique ? Au minimum, si leur activité les regarde, le discours qu’ils y portent, qu’ils nous adressent et qui est relayé en France mérite une tout autre attention.
Les réactions des militants « radicaux » ukrainiens apparaissent très diverses, parfois contradictoires. Quelques camarades antimilitaristes et pacifistes conservent des positions défaitistes révolutionnaires, mais la propagande en ce sens a l’air aussi risquée en Ukraine qu’en Russie. D’autres s’engagent dans l’aide aux réfugiés ou aux blessés21.

Néanmoins, ce qui a beaucoup surpris en France, c’est d’apprendre, via quelques textes et témoignages, que des anarchistes ukrainiens s’étaient engagés dans l’armée ou dans la DT. Quelques groupes semblent ainsi avoir profité des distributions d’armes pour constituer des unités de combat ; une brochure évoque la création de « deux escouades » ; une vingtaine de militants en treillis et kalachnikovs posent pour la photo autour d’un drapeau noir au A cerclé, la légende du cliché énonçant prudemment que ces groupes « auraient un certain degré d’autonomie » au sein de la DT – ce qui, on l’aura compris, signifie un degré certain de subordination22. En effet, même après une courte période de chaos, il est évident que l’armée a cherché à contrôler les groupes de civils armés, surtout s’ils se proclamaient ouvertement d’une idéologie politique a priori peu compatible avec l’autorité étatique. Il reste que les unités militaires anarchistes ou antifa ne regroupent probablement pas plus de quelques dizaines de combattants locaux (peut-être rejoints par quelques dizaines d’Occidentaux), dans une zone où s’affrontent, en deux armées gigantesques, plusieurs centaines de milliers d’hommes23… Pour rappel, le fameux régiment Azov – l’une des branches militaires des multiples organisations de l’extrême droite ukrainienne – est une unité permanente de la DT comprenant plusieurs milliers de combattants et disposant de blindés et de chars.

Les premières scènes d’embuscade victorieuse contre un convoi russe ont fait croire à certains que, si l’État ukrainien s’effondrait, l’armée russe allait devoir affronter une vaste guérilla populaire composée de groupes autonomes agissant chacun dans leur coin ; des groupes certes majoritairement animés par un sentiment patriotique, mais au milieu desquels des groupes anarchistes pourraient peut-être tirer leur épingle du jeu et jouer un rôle influent… C’est oublier que, pour être efficace, une résistance de ce type doit être particulièrement structurée, disciplinée, financée et recevoir le soutien d’autres États.

Mais, après quelques jours marqués par de spectaculaires actions de techno-guérilla conduites par de petites unités de militaires professionnels (formées à ce type d’action par les Américains), les combats ont très vite pris une physionomie plus classique, celle du choc entre vastes unités lourdement équipées, au sein desquels la coordination, le mouvement, les fortifications, les duels d’artillerie et les flux de munitions et de carburant deviennent centraux. Que sont devenues les « escouades » anarchistes dans ce maelström ? Il est peu probable que leur « autonomie » s’y soit trouvée accrue.

Pourquoi donc s’engager ? Dans plusieurs textes, des anarchistes et radicaux ukrainiens témoignent vouloir « peser » sur les événements, être prêts « au cas où » et ne pas demeurer coupés du reste de la société24 ; c’est à la défense de cette « société » qu’ils expliquent participer, mais bien sûr pas à celle de l’État, et d’ailleurs, si d’aucuns énoncent avoir suspendu leur combat antiétatique, c’est dans l’optique de le reprendre plus ardemment une fois la paix revenue. D’abord gagner la guerre, ensuite œuvrer pour la révolution… le refrain est connu. Si, de toute évidence, ils ne tirent aucun enseignement de la guerre civile russe ou de la guerre d’Espagne, certains évoquent pour se justifier le souvenir de ces guerres qui ont précédé les révolutions russes de 1905 et 1917 – on peut aussi penser à 1871 – ou encore le rôle supposé du conflit afghan dans l’effondrement de l’URSS. Pourtant, si le déroulement des guerres, et surtout leurs conséquences, peut déclencher une révolution, il est nécessaire que la situation soit déjà bien mûre ; cela qui n’a rien de mécanique. Et, surtout, on ne voit pas bien en quoi le fait de participer activement à un tel conflit, par un engagement dans l’une des armées en question, y changerait quoi que ce soit25.

« Historiquement, l’écrasante majorité des prolétaires, à l’occasion de chaque conflit guerrier, se sont alignés sur leur capital national et le front impérialiste dont ils faisaient partie (à l’époque de l’impérialisme, tout capital national est potentiellement impérialiste, de même que toute guerre est par définition impérialiste). Ce n’est que lorsque le conflit s’est prolongé – au-delà des attentes des mêmes gouvernements qui l’avaient promu – au point de faire sentir lourdement ses effets sur les conditions de vie et de travail, qu’ils s’y sont opposés plus ou moins vigoureusement26. »
Il faut tout de même rappeler que si l’histoire de l’humanité est lardée de guerres, dans quasiment tous les cas, leurs conséquences sur les prolétaires sont catastrophiques.
Sous les coups d’un ras-le-bol populaire ou d’une révolte prolétarienne, la Russie pourrait-elle, à la suite de son armée, s’effondrer ? Le faible moral des troupes d’invasion a, au départ, laissé croire à certains qu’un vent de mutineries soufflait sur l’armée russe en campagne, ce ne fut pas le cas. Le retrait des forces autour de Kiev s’est d’ailleurs déroulé en bon ordre, et l’offensive lancée en avril dans le Donbass montre que les errements et les erreurs des premières semaines ont été corrigés.
Certes des manifestations pacifistes ont eu lieu dans plusieurs villes de Russie, mais une large partie de l’opinion publique (y compris certains partis de l’opposition) y soutient l’invasion en cours. On sait qu’une guerre extérieure est généralement un bon moyen de ressouder les citoyens autour d’un gouvernement, de leur faire oublier les maux quotidiens sous une pluie de propagande (voir par exemple la guerre contre la Libye en 2011). Dans ce contexte, si les sanctions économiques paupérisent les populations, elles ont bien souvent pour effet de raffermir le sentiment national, donc le régime en place (Cuba, Irak, etc.).
Néanmoins, si du fait d’une prolongation de la guerre le gouvernement russe se trouvait fragilisé et qu’une révolte populaire se profilait, et si la répression était inefficace, la classe dirigeante chercherait à détourner la contestation vers une alternative politique : soit extrême (du côté des faucons du Kremlin qui trouvent que l’invasion de l’Ukraine manque de fermeté), soit plus démocratique (sans pour autant opter pour le poulain des Occidentaux).
La probabilité d’une révolte semble encore plus faible en Ukraine. Nous avons dit ce que nous pensions de l’auto-organisation des citoyens sur la base d’un sentiment national ; l’État s’en est trouvé renforcé, tout comme le gouvernement est pour l’instant légitimé par sa gestion de la crise. Un grand élan populaire voyant se fortifier le sentiment national est, par nature, interclassiste et contre-révolutionnaire.
Difficile de prévoir si pour autant le processus de démocratisation s’en trouvera renforcé. Jusqu’à présent, on assiste surtout à une (vraie) militarisation de la société, à la censure des médias, à l’interdiction des forces d’opposition de gauche, à une chasse aux réfractaires, etc. ; ce sont avant tout les forces nationalistes et réactionnaires qui ont le vent en poupe, ce qui n’est pas une nouveauté en Ukraine. Si Anatole France était vivant, sans doute résumerait-il la chose ainsi : « on croit mourir pour la démocratie, on meurt pour des industriels ».
On pourrait se demander pourquoi consacrer autant de lignes à cette question alors que, en définitive, le rôle des anarchistes et des radicaux ukrainiens dans ce conflit est aussi faible. L’intérêt d’un sujet ne se mesure tout d’abord pas au nombre de personnes impliquées. Ensuite, beaucoup de médias, y compris bourgeois, et bien évidemment les réseaux sociaux, évoquent cet engagement ; les militants sur place communiquent abondamment, et leur prose rencontre un certain écho en France ; il ne serait donc pas étonnant que, dans un futur proche, la figure du combattant anarchiste en Ukraine devienne, après celle du soldat kurde du Rojava, la référence en matière de radicalité politique. Cela serait à notre avis – on l’aura compris – fort regrettable.

Que faire… en France ?

« Avant tout, ne pas se laisser emporter par l’aspect immédiat des événements, par les propagandes, par la facilité des simplifications.Il est des périodes où l’on a aucune prise sur la marche des choses. Mieux vaut le savoir et ne pas masquer son impuissance par de la gesticulation ou, pire, s’embarquer sur un bateau qui n’est pas le nôtre 27. »

Le problème c’est que, concrètement, on ne peut pas faire grand-chose. Le plus classique, et le plus en accord avec les vieux principes du défaitisme révolutionnaire, si du moins l’on pense que les prolétaires n’ont pas de patrie, serait de lutter, ici, contre notre propre bourgeoisie. Ce serait logique, puisque la France est quasi cobelligérante. Si cette position internationaliste révolutionnaire est maintenue par divers groupes ou regroupements anarchistes, d’ultragauche, communistes de gauche ou même trotskistes, il n’est pas certain qu’elle soit majoritaire parmi les militants activistes et mouvementistes. On sait ce qu’il en est de l’état actuel de la lutte des classes dans l’Hexagone ; d’où, encore une fois, bien souvent, un désespérant sentiment d’impuissance. Il semble en effet que plus les temps sont moroses, plus l’injonction à agir est forte : il s’agirait d’être efficace, d’« avoir un impact » sur le réel alors que le mouvement révolutionnaire n’en a peut-être jamais eu aussi peu… De là cet attrait pour les terrains de lutte lointains et cette nécessité de choisir un camp quitte à accepter des compromis et, sauf mauvaise conscience, l’obligation morale d’aider ceux qui, justement, font quelque chose, quoi que ce soit. Un commentaire acide, trouvé sur Twitter, à propos de l’appel de camarades à participer à la dernière élection présidentielle (en votant pour un candidat de gauche) pourrait tout aussi bien s’appliquer à une partie des positionnements sur la guerre en Ukraine : « ces gens pensent vraiment que leur appel […] est une rupture avec leur militantisme habituel alors qu’il en est qu’un aboutissement ». Acide…

Que faire donc ? Difficile, comme certains libertaires l’avaient fait en faveur du Rojava, de manifester pour demander à l’Otan des livraisons d’armes… elles affluent déjà par milliers de tonnes, accompagnées de milliards de dollars. Difficile, comme le font pourtant quelques humanistes, de demander l’envoi de soldats français sur place, voire l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine, actes qui équivaudraient à une déclaration de guerre à la Russie.

Cette vision du camp du Bien agressé par celui du Mal (bien moins subtile que dans les ouvrages de J. R. R. Tolkien) a pour corollaire de remettre au premier plan la nécessité de disposer de bonnes armées, celles qui se déploient afin de défendre la démocratie et « nos valeurs », donc l’utilité de l’Otan28, donc l’importance de budgets de la défense conséquents et d’un complexe militaro-industriel performant et novateur en avance sur ses homologues chinois et russes. Il faut savoir ce que l’on veut.
L’Union sacrée autour de la figure de la démocratie et plus généralement du camp du Bien remplace évidemment celle qui pouvait jadis se constituer autour de la patrie ; il vaut mieux présenter les patriotes – qui à la rigueur peuvent être différenciés des nationalistes – comme des combattants de la liberté, des freedom fighters. Une logique qui vient s’immiscer jusque dans les milieux militants les plus radicaux29 – à noter qu’il existe aussi un courant plus confidentiel qui, par un antiaméricanisme assez primaire, défend les positions de Moscou.

Soutenir (financièrement) les anarchistes et antifas qui se battent dans les rangs de l’armée ukrainienne ? Si certains font ce choix en organisant des soirées ou des concerts, ils tendent généralement à minimiser le caractère militaire de la question et, sans doute un peu gênés, se lancent dans des contorsions lexicales incertaines : tel journal militant qui, en 2016, avait dénoncé la création en France d’une garde nationale de réservistes vante aujourd’hui les mérites de celle qui existe en Ukraine ; on parle d’ailleurs plutôt de « résistance », de « volontaires en armes » ou d’une « structure milicienne » évoquant l’Espagne de 1936 (bien qu’ici ce soit deux camps nationalistes qui s’opposent), on relativise le poids de l’extrême droite, pourtant très présente dans l’armée de Kiev, etc30. On traduit et diffuse des textes qui évoquent la situation, avec un léger malaise et beaucoup d’indulgence, voire avec un brin de cette condescendance qui s’exprimait pour les Kurdes de Syrie, sauf qu’en Ukraine il n’y a même pas l’ombre de l’illusion d’un changement social.
Ce qui, encore une fois, déforme le point de vue et l’analyse, c’est évidemment le fait que des hommes font le choix de prendre les armes, de risquer leur vie, pendant que nous discutons d’eux enfoncés dans un canapé mauve. Et le prestige de l’uniforme, du combattant, du gars qui a manié un fusil d’assaut – que l’on critique aisément lorsque cela concerne l’extrême droite – peut aussi exister chez les partisans de l’émancipation sociale (de l’Espagne au Rojava en passant par le Nicaragua).

Soutenir les déserteurs ? Voilà du moins une activité révolutionnaire classique en temps de guerre (organiser des réseaux pour passer les frontières, obtenir des faux papiers, héberger des fugitifs), davantage applicable dans les pays limitrophes. En France, on peut certes croiser des banderoles ou des initiatives de soutien aux « déserteurs, réfractaires et insoumis russes », mais pas, semble-t-il, en faveur de leurs homologues ukrainiens, dont le nombre augmente pourtant. La situation peut évoluer, mais pour l’instant elle nous rappelle que, lors de la guerre en Syrie, les Kurdes refusant le service militaire obligatoire au sein des YPG ont été opportunément oubliés alors qu’ils étaient nombreux à se réfugier dans les grandes villes européennes31.

Nous le répétons, il s’agit ici pour nous de critiquer non pas la manière dont des personnes réagissent au bombardement de leur ville ou de leur pays, mais, éventuellement, les discours qu’ils peuvent nous destiner et, surtout, ceux que l’on porte sur eux.

La propension est désormais bien établie en milieu militant à voir du « potentiel » révolutionnaire partout, surtout si la région est lointaine et exotique… un point de vue qui est ici particulièrement tiré par les cheveux.

Mais, au-delà de ce réflexe, les spectres qui hantent la question ukrainienne, d’une manière fort ensorcelante et peut-être plus ouvertement que sur d’autres « théâtres d’opération », ne sont rien moins que le militarisme, le nationalisme et le concept d’Union sacrée, variantes morbides de l’interclassisme.

Des idéologies par lesquelles même les militants les plus chevronnés, les plus charpentés par la théorie, peuvent être emportés si les circonstances s’y prêtent, l’histoire l’a tristement démontré.

Or il se trouve que nous ne subissons pas de bombardements, que des combats n’ont pas lieu dans nos rues et que nous ne risquons pas chaque minute d’être tués. Nous n’avons donc pas d’excuse, pas d’excuse pour perdre la tête. Nous pouvons profiter d’un cadre relativement confortable afin de réfléchir posément aux événements en cours. Nous aurions tort de ne pas en abuser, car ce cadre disparaîtra peut-être plus vite qu’on ne le croit.

Le retour de la guerre 32
« He said Son, don’t you understand now33 ? »

L’implicite de la formule est qu’il s’agit du retour de la guerre en Europe. Mais en était-elle jamais partie ? La différence, c’est qu’en 2022 elle frappe davantage le centre de l’Europe que sa périphérie, comme ce fut le cas dans les années 1990 en ex-Yougoslavie, jusqu’à l’offensive de l’Otan contre la Serbie en 1999. Qui peut aujourd’hui douter que ces guerres aient, en définitive, été fort profitables tant pour l’Union européenne (UE) que pour l’Otan, ne serait-ce que par l’intégration de nouveaux membres34. Sarajevo a beau être plus proche de Paris que Kiev, la Serbie n’a jamais contesté la suprématie des États-Unis et de l’UE sur l’Europe : or c’est ce que fait aujourd’hui la Russie. Contrairement au sort de la Bosnie autrefois, l’enjeu ukrainien est crucial, parce qu’il touche au cœur d’une Europe où se trouve un des principaux foyers industriels, financiers et commerciaux du monde. Il est crucial car il voit s’affronter certaines des principales puissances de la planète, y compris des puissances nucléaires, qu’il mobilise des forces mécaniques et humaines considérables – s’il y a un retour, c’est celui de la guerre de haute intensité – et qu’il a d’ores et déjà des répercussions économiques gigantesques.

À l’heure actuelle, le déroulement le plus probable, et qui serait le plus « raisonnable », c’est que la Russie achève à brève échéance la conquête des oblasts du Donbass, que les combats s’arrêtent, que des négociations s’enclenchent et aboutissent à un accord de paix et au rattachement de ces régions à la fédération de Russie ; un ajustement territorial qui aurait pu être obtenu via des négociations en 2021, sans guerre, et qui aujourd’hui profiterait tant aux Russes qu’aux Ukrainiens. Personne n’aurait en effet intérêt à ce que la guerre se prolonge avec, pour la Russie, une sorte d’enlisement à l’afghane. Personne, si ce ne sont les États-Unis, mais, justement, ce sont eux qui vont décider de la suite des événements. Vont-ils choisir de concéder à la Russie une piètre victoire, de veiller à la poursuite du conflit pendant quelques mois de plus, ou bien de se battre jusqu’au dernier soldat ukrainien ?

En attendant, les fournitures militaires de l’Otan à l’Ukraine, déjà fortes avant l’invasion, s’accumulent en milliers de tonnes d’acier et en milliards de dollars. Mais pas seulement.
Un processus déjà sensible depuis plusieurs années s’accélère soudainement. Bien que la Russie vienne d’afficher ses faiblesses, on va assister à une augmentation des budgets militaires dans les pays de l’UE et de l’Otan, qui déjà se bousculent pour passer commande auprès de l’industrie militaire des États-Unis (chars, avions de combat, etc.). Ces derniers sont, pour l’instant, les grands vainqueurs de la guerre. Pendant que se creuse la tombe des industries militaires du Vieux Continent, l’idée d’une Défense européenne est quant à elle enfin enterrée au profit d’une Otan revigorée. Nombre de pays optent désormais ouvertement pour leur très consciente vassalisation à Washington. Une soumission volontaire (et fort coûteuse) qui ne pourrait être interrompue que si, par exemple, émergeait une nouvelle puissance militaire en Europe, mais c’est peu probable puisque l’une des fonctions de l’Otan est précisément de l’empêcher35. Toutefois, parmi les surprenantes conséquences de la guerre en Ukraine, il faut noter la remilitarisation de l’Allemagne, qui annonce déjà une rallonge de 100 milliards d’euros pour l’année 2022 (pour un budget de la défense d’environ 50 milliards, celui de la France étant de 40 milliards) ; un investissement qui, pour l’instant, ne se traduit que par des commandes de matériel américain. Affaire à suivre…

Il serait certes tentant pour certains gouvernements occidentaux d’embourber et de ruiner la Russie en Ukraine, mais il ne faudrait pas que, par accident, les puissances impliquées à la marge ne se trouvent plongées dans une escalade militaire, que le conflit ne dégénère, ne s’étende et que, en définitive, il n’oblige à une implication directe de l’Otan, donc des États-Unis ; comme en cas d’incident autour de Kaliningrad et de la trouée de Suwalki (par exemple une tentative de blocus) ou d’invasion des États baltes par une Russie aux abois. Cela ne signifierait pas forcément une guerre nucléaire, mais peut-être, à leur tour, un enlisement des Américains en Europe, fort peu indiqué puisque la Troisième Guerre mondiale doit se dérouler dans le Pacifique36. La question est donc : jusqu’où ne pas aller trop loin ?

Si l’on exclut les morts sur le terrain (ce que la classe capitaliste n’a jamais de mal à faire), le principal dommage collatéral de cette histoire est, évidemment, d’entériner le fait que la Russie a rompu avec l’Europe pour se tourner vers l’Asie et, en particulier, vers la Chine. Dommage ? L’idée chimérique d’un rapprochement puis d’une alliance entre l’UE et la Russie (qui aurait pu favoriser sa démocratisation) disparaît au passage. Les blocs se constituent, se formalisent. Le risque serait que la guerre en Ukraine, malgré son lot d’horreurs, ne soit qu’une escarmouche annonçant des conflits d’une autre ampleur, à court ou moyen terme.

En attendant, ceux qui payent la casse sont toujours les mêmes, les prolétaires : accentuation de la crise, compétition internationale et exploitation accrues, inflation, augmentation des budgets militaires qui ne peut signifier que des hausses d’impôts et des baisses de services (santé, éducation), etc. Des révoltes locales auront lieu, en particulier dans l’Hexagone, mais rien qui pour l’instant ne puisse ébranler l’ordre capitaliste ou éteindre les tensions interétatiques.

Gageons toutefois que si, dans les prochains mois ou les prochaines années, la France et son armée devaient être impliquées beaucoup plus directement dans une guerre de haute intensité (du genre de celle que subit l’Ukraine), le gouvernement et les médias nous expliqueront que c’est afin de défendre la justice, le droit et la démocratie, comme en 1914 ! Alors, pour être cohérents, que ferons-nous ?

Notes

1-Montéhus, La Butte rouge, 1923.

2Un militaire ukrainien rassurant un journaliste français à propos de tirs d’artillerie, Le Figaro, 4 mars 2022.

3Il y aura par exemple les bolcheviks et les mencheviks en Russie, Karl Liebknecht puis Otto Rühle en Allemagne. Sur ce sujet, voir la brochure Les anarchistes contre la guerre. 1914-2022.

4En septembre 1939, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne, qui vient d’envahir la Pologne. Quelques mois plus tard, les deux pays planifient une importante opération militaire contre le principal allié du IIIe Reich, l’URSS, qui, de son côté, vient d’attaquer la Finlande. Il s’agit de l’opération Pike, vaste programme de bombardement des puits de pétrole de Bakou ; l’offensive allemande du 10 mai 1940 entraîne l’abandon du projet.

5Il n’y a qu’à voir, à l’heure où nous écrivons ces lignes, les efforts que déploient les États-Unis pour que les îles Salomon ne signent pas un accord de défense avec la Chine.

6Sur cette question, à travers les exemples des guerres au Kosovo, en Irak, en Afghanistan ou en Libye, voir : Serge Halimi, Mathias Reymond, Dominique Vidal, Henri Maler, L’opinion, ça se travaille… Les médias et les “guerres justes”, Agone, 2006, 272 p.

7Louis Mercier Vega, La Chevauchée anonyme, éditions Noir, 1978, p. 78.

8On sait aujourd’hui qu’en 1990, quelques semaines avant l’invasion du Koweït par les troupes de Saddam Hussein, la diplomatie américaine avait laissé entendre à son homologue irakien que les États-Unis n’interviendraient pas en cas d’opération militaire de ce genre.

9Helmuth Karl Bernhard von Moltke, maréchal prussien (1800-1891).

10L’armée américaine et ses supplétifs occidentaux ne se risquent quant à eux généralement pas sur le terrain avant d’avoir bombardé les positions et les villes ennemies pendant des semaines sinon des mois (Irak 1991, Serbie 1999, Irak 2003, Mossoul 2017, etc.). Ce qui différencie réellement ces armées, c’est le rapport à la mort, celle de ses propres soldats.

11Jusqu’au 23 février 2022, des unités de forces spéciales américaines, britanniques et canadiennes sont officiellement présentes en Ukraine pour former les militaires à l’usage de ces armes ; elles quittent le pays quelques heures avant l’offensive russe.

12Certains membres de forces spéciales américaines ou britanniques ont la fâcheuse tendance à se mettre en disponibilité et à acquérir aussitôt une nouvelle nationalité, ici l’ukrainienne. Des journalistes ont par exemple montré que ce sont des Américains qui gèrent et contrôlent l’engagement des volontaires étrangers dans l’armée ukrainienne, Régis Le Sommier, « Avec des volontaires français », Le Figaro magazine, 8 avril 2022, p. 55-57.

13Si les satellites espions occidentaux sont à la manœuvre, il en va de même pour les avions ou drones de renseignement électronique de l’Otan, qui, depuis le début de l’invasion, longent les frontières ukrainiennes et les eaux territoriales russes (on les voit parfois sur le site Flightradar24) et fournissent à Kiev, en temps réel, des informations cruciales pour les combats.

14À en croire les médias français, les troupes russes ne bombarderaient que des écoles, des crèches, des maternités et des hôpitaux… on comprend dès lors qu’elles peinent à venir à bout des forces ukrainiennes.
C’est le propre des guerres modernes que de se dérouler en zone urbaine, donc au milieu des civils, dans leurs habitations et sur leurs lieux de travail. Et lorsque les troupes ukrainiennes reprennent une localité aux Russes, c’est après avoir utilisé les mêmes méthodes qu’eux, quasiment le même matériel (aviation en moins), et quasiment la même doctrine.
Pour un point de vue sérieux et technique voir par exemple Gaston Erlom, « Force ou faiblesses de l’armée russe », Raids, no 430, p.29-42.

15« Guerre en Ukraine : quelle est la stratégie militaire de Poutine ? », video.lefigaro.fr, 3 mars 2022.

16Montgomery Pittman, « Deux », premier épisode de la troisième saison de La Quatrième Dimension, 1961.

17Perrine Poupin, « L’irruption de la Russie en Ukraine. Entretien avec un volontaire de la défense territoriale de Kiev », Mouvements, 29 mars 2022.

18« Lettres d’Ukraine », première partie sur le site Tous dehors.

19Marie-Joseph Chénier, Chant du départ, 1794.

20Mais qu’aurions-nous réellement fait en France en août 1914 ou en juin 1940 ? Sur ces questions, on recommandera la lecture du livre de Louis Mercier Vega La Chevauchée anonyme : une attitude internationaliste devant la guerre (1939-1942) ou celui de Pierre Lanneret, Les Internationalistes du “troisième camp” pendant la Seconde Guerre mondiale (Acratie, 1995), disponible en PDF sur : archivesautonomies.org

21Voir notamment le blog Une autre guerre : uneautreguerre.wordpress.com

22Entre deux feux. Recueil provisoire de textes d’anarchistes d’Ukraine, de la Russie et de la Biélorussie à propos de la guerre en cours, 13 mars 2022, 64 p.

23Nous utilisons le mot hommes comme synonyme suranné de soldats, car les forces en présence semblent assez peu sensibles aux récentes évolutions occidentales concernant le genre. Ici, bien que nous soyons en Europe, le schéma est beaucoup plus classique : ceux qui se battent sont des hommes (sauf peut-être quelques très rares exceptions dans la DT) et ceux qui fuient les combats sont des femmes, des enfants et des vieillards.

24« Si nous restons à l’écart des conflits entre États, nous restons à l’écart de la politique réelle. Il s’agit aujourd’hui de l’un des conflits sociaux les plus importants qui se déroulent dans notre région. Si nous nous isolons de ce conflit, nous nous isolons du processus social actuel. Nous devons donc participer d’une manière ou d’une autre. » Cf. « Entretien : “Les anarchistes et la guerre en Ukraine” ».
« […] toute force qui s’investit dans le développement politique à venir doit être présente ici et maintenant, aux côtés des gens. Nous voulons faire des avancées pour être en relation avec les gens à une plus grande échelle, pour nous organiser avec eux. Notre but à long terme, notre rêve, est de devenir une force politique visible dans cette société afin d’obtenir une réelle opportunité de promouvoir un message de libération sociale pour tous et toutes. » Cf. « Entretien : Comité de Résistance, Kyiv », mars 2022.

25En 1870 et 1914, combien de prolétaires endossant l’uniforme d’une armée impériale fort peu démocratique imaginaient participer ensuite (pour certains) à la Commune de Paris ou aux révolutions allemande et russe ?

26Un camarade italien d’Il lato Cattivo, « Ukraine “Du moins, si l’on veut être matérialiste” ».

27Louis Mercier Vega, op. cit.

28Puisqu’il s’agit de valeur et de démocratie, il est toujours bon de rappeler que l’Otan veille à sa réputation LGBTQI+friendly. « L’Otan est attachée à la diversité. Toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion, la nationalité, le handicap ou l’âge y est strictement interdite. Elle a également fait œuvre de pionnière en étant la toute première organisation au monde à reconnaître le mariage entre personnes du même sexe, offrant à ces couples les mêmes avantages qu’aux conjoints hétérosexuels, à une époque où le mariage homosexuel n’était reconnu que dans un seul pays, les Pays-Bas. » www.nato.int

29-Après la guerre contre la Serbie, Claude Guillon publie Dommages de guerre. Paris-Pristina-Belgrade, 1999 (L’Insomniaque, 2000, 128 p.), livre incisif qui revient sur les hésitations et les compromissions otaniennes d’une partie des « radicaux » français.

30-On relativise, alors qu’en France Marine Le Pen et Éric Zemmour sont qualifiés de nazis ; alors que, à côté des membres du régiment Azov, les militants du RN auraient l’air de timides sociaux-démocrates ; alors que, Ukraine mise à part, il existe assez peu de pays dans le monde où des organisations d’extrême droite disposent de leurs propres unités militaires intégrées à l’armée nationale.

31-Les déserteurs de l’armée française sont quant à eux environ 2 000 chaque année, à préférer la fuite et l’illégalité à la poursuite de leur engagement ; certains se retrouvent devant les tribunaux. Mais ça n’intéresse personne. Cela pourrait changer dans le futur.

32-Sur ces questions, on se reportera à notre livre, Manu militari ? Radiographie critique de l’armée, Le Monde à l’envers, 2020 (nouvelle édition), 120 p.

33-Bruce Springsteen, Born in the USA, 1984.

34-Outre le jackpot que représente la guerre pour le complexe militaro-industriel des États-Unis et pour leur industrie gazière, et bien qu’elle provoque vraisemblablement un désastre économique pour l’UE, elle est une aubaine pour quelques secteurs d’activité, notamment du fait de l’arrivée de réfugiés ukrainiens ; c’est en particulier le cas du secteur de la prostitution (en Allemagne) ou du secteur industriel et manufacturier en Pologne (pays qui manque de main-d’œuvre puisque ses prolétaires partent travailler dans des pays d’Europe de l’Ouest).

35-Selon le mot de son premier secrétaire général, Lord Ismay, le rôle de l’Otan consiste à « garder les Russes à l’extérieur, les Américains à l’intérieur et les Allemands sous tutelle ». Cf. Wikipédia.

36-Les gigantesques livraisons d’armes à l’Ukraine que planifient les États-Unis ralentissent d’ores et déjà celles destinées à Taïwan. Cf. Laurent Lagneau, « Taïwan s’inquiète de possibles retards pour ses commandes d’équipements militaires américains », Zone militaire, 3 mai 2022.
L’Ukraine a déjà reçu environ 7 000 missiles antichars Javelin, ce qui représente environ un tiers du stock américain, avec un délai de remplacement estimé à trois ou quatre ans. Cf. Matías Maiello, « Quelques éléments d’analyse militaire sur la guerre en Ukraine », Révolution permanente, 28 avril 2022.

Farewell to Life, Farewell to Love… Ukraine, War and Self-Organisation

The question confronting us today is whether Liebknecht’s slogan : « The enemy is at home ! » is as valid for the class struggle now as it was in 1914.
So Otto Rühle asked in 1940.

Clausewitz’s “fog of war” phrase aptly describes the media deluge – or barrage – that the Ukrainian war has subjected us to since February 24, 2022. Both camps are fighting a propaganda war aggravated by social media. The Ukrainians have the upper hand : a wealth of pictures (taken by civilians and reporters) are available on their side, far less on the Russian side (no smartphones for the soldiers, no civilians, few reporters). Among other effects, this results in an overabundance of visible destroyed Russian vehicles. What Western people (we included) are shown, however, is only part of the real picture. Besides, the use of algorithms means that greater weight is given to information that bolsters pre-existing points of view. Like the Ancient Greek Diagoras, we all like to pinpoint the explanation that fits in with our beliefs, but in war times the overload of data stifles reasoning. It is hard to keep a critical distance and remain cold-headed enough to understand what is going on… and what we can do about it. Even more so if we happen to live in a belligerent or cobelligerent country.

The Good, the Bad and the Ugly

Russia has invaded Ukraine, not the other way round. However, the difference between the “aggressor” and the “aggressed” (the democrat vs. the dictator, the nice guy vs. the villain…) is not enough of a criterion to understand the full picture. On July 28, 1914, after the assassination of archduke Franz Ferdinand, the mighty Austrian-Hungarian empire (over 50 million people) declared war on little Serbia (5 millions). In the following days, nearly all European powers went to war, and one of the arguments of France and Britain was to defend the weak against the strong. “No-one can honestly believe we are the aggressors,” said René Viviani, French prime minister of an eminently democratic Republic upon which militarist despotic Germany had just declared war.
Nonetheless, unlike the vast majority of social-democrats of most countries (plus a few anarchists such as Peter Kropotkin) who sided with the “Sacred Union” or “Burgfrieden” (party truce) policy of their respective countries, the Serbian socialist party rejected national defence and voted against war credits. That year, only a handful of revolutionaries resisted war propaganda and political pressure : in Russia, the Bolsheviks and part of the Mensheviks ; in Germany, Karl Liebknecht and later Otto Rühle. In Scotland, John McLean wrote on September 1914 : “So far as I can see, it will be impossible to tell whether Russia or Germany is immediately responsible for the war”. Internationalists, however, were exceptions to the rule.

Over a century later, no serious historians and few politicians would argue that World War I was caused by a single perpetrator, and they would explain it by the workings of a whole system of opposed and allied countries. Who initiates a war or what triggers its outbreak is only part of a complex situation. For example, in September 1939, France and Britain declared war on Germany which had just invaded Poland. Hitler was clearly the culprit… his ally Stalin being an accessory to the crime thanks to the German-Soviet pact a couple of weeks before. A few months later, France and Britain planned a military attack on the USSR, which for its part had just attacked Finland : the Pike operation meant to be a large bombing of Baku’s oil fields, till the May 1940 German offensive forced France and Britain to drop the plan.

Whoever shoots first is beside the point. Every warring country can rightly claim it is defending itself, the invaded against the invader of course, but also the invader merely acting to prevent a third party from occupying or dominating the invaded in its own interest. This is what the USSR did in Hungary in 1956, France and Britain in Egypt the same year, the US in Vietnam, the USSR in Afghanistan, etc. The weak exist only because the strong protect them against some other strong power, and everyone defends themselves in order to avoid being attacked by a neighbour, or being used as a basis for attack.

As many other conflicts before, the war now being played out on Ukrainian territory, at the expense of its population, is part of a confrontation between big blocs, and the particular nature of the political players (democratic or not) is no more a key determinant than in many conflicts before.
In the West, some well-wishers today regret the fact that instead of disbanding NATO when the Warsaw Pact broke up after the dissolution of the USSR in 1991, the US and its allies have been gradually expanding NATO, which now includes most ex-USSR satellites along Russia’s Western borders. How would the United States feel if Mexico and Canada were part of a military alliance explicitly directed against the US ? (Actually, the US is most displeased with the Solomon Islands recently signing a security pact with China.) In 2022, the Russian invasion of Ukraine has the advantage of retrospectively justifying NATO’s enlargement, and soon its extension to Sweden and Finland.

We are not looking for culprits. It was natural for the US (and its Western NATO allies) to seize the opportunity of the demise of the USSR to promote their interests and to put limits on Russian power. Just as the USSR did in the past. Ukraine has too much strategic value, especially in its East and South, for one side or the other to give it up so easily, because of its large population and labour resources, industries, agriculture, proven or potential oil and gas reserves in the Black Sea, access to and control over that sea, etc.).

« Stop the war. Don’t believe the propaganda. They are lying to you here«  : it took courage for Marina Ovsyannikova on March 14, 2022 to publicly denounce the war being waged by her own country. It is unlikely that the live evening news on a major French or British TV channel will be interrupted by a protest against Western war propaganda. Are there more pacifists in Moscow than Paris or London ?

Kipling maybe never wrote that “truth is the first casualty of war”, still…
It was to be expected, and for over a century, we have known that “the daily press fabricates more myths in one day than could have formerly been done in a century”, but it is always striking to see how fast every country’s media reflect a consensus corresponding to governmental policy. The overall acceptation of the State’s management of the Covid-19 crisis did not prevent acts of resistance, on a minority scale yet repeated with some public resonance. The current war, on the other hand, does not only breed submission, but also consent – at least as long as the conflict does not drag on to the point that its objectives could lose credibility. In 2022 dozens of millions of men are no longer called up to arms : hundreds of millions of viewers rally in front of their screens.

In Paris as in Marseille, everyone is against the war… yet wishes for Ukrainian victory and asks for more weapons to be supplied, or even for French military to be sent to support the Ukrainian army (which would tantamount to declaring war on Russia). Present “pacifist” yellow and blue gatherings are quite modest and tame compared to the anti-war demos in 2003, when it is worth remembering that nobody wished for Iraq to win, and nobody called for missiles to be sent to Bagdad in order to shoot down American planes… True, the alleged purpose was to defeat terrorism, do away with the Baath regime and turn Iraq into a democracy. Like a plot with a twist too many.
Then why ?

“– This is an anti-fascist war.
– This is war. With its deep origins, its historical motives and its causes. Nationalism, the Versailles Treaty, the competition between expansionist powers.”

(Louis Mercier-Vega)

Why did Russia embark on a military venture with possible catastrophic consequences, for itself as well ? Where does its interest stand ?
Let’s do away with psychological or even pathological explanations commonly used against an opponent. However senile or mentally confused a political leader might be, he never rules on his own.
History reminds us that launching a war may look like an act of folly, but in fact, at a particular time, it appears to be the most “reasonable” option for a State. The logic and the interests of the ruling classes differ a lot from those of the common people and the proletarians.

It is unlikely that we will ever know the exact initial Russian war aims.

First, the nature and scope of the operation took nearly all observers and experts by surprise. If there was an imminent risk of an invasion, if it was being prepared (all general staffs have contingency plans with multiple alternatives), and preceded by huge manoeuvers in Belarus, it is not certain that the operation was truly chosen, and even less the trigger date : it could well have been imposed on the Russian rulers by the complex and eventually fatal dynamics of the confrontation between NATO and Russia, especially since 2014, notably :

– the rivalry between the US and Russia with regard to European energy supply ;

– the increase in the deployment of NATO troops in the region (the Baltic countries, Poland and Rumania) ;

– in 2021, the increase in arms supply to Ukraine, whose rising military capacity could enable it in some unforeseeable near future to reconquer the secessionist Donbas, or at least to successfully prevent further Russian intervention ;

– the evolution and failure of the negotiations over the status of Ukraine (neutralisation ? demilitarisation ? NATO membership ?) and of the Donbas (autonomy ? independence ?), up to the weeks before the offensive ;

– just as the US was denouncing the impending threat of a Russian invasion, Joe Biden declared on January 25 : “We have no intention of putting American forces or NATO forces in Ukraine”, which in diplomatic speech could be seen as non-committal.

– the apparent weakness and division between European countries which seem too dependent upon Russia to impose further penalties on its economy ;

– elements which up to now evade our grasp – experts mention a possible Russian policy shift between February 21 and 23 ;

– a sense of urgency : “It’s now or never !”.

The invasion was first thought about as a hypothesis, brandished as a threat in a diplomatic poker game, and most likely decided upon, then delayed, perhaps more than once : the final decision was probably taken at the last minute, after losing several weeks, which accounts for dreadful weather conditions due to muddy Rasputitsa.

Unfolding of military operations

No plan can stand its first encounter with the enemy.
(Moltke, Prussian marshall, 1800-1880)

“Well-informed” pundits were first bewildered by the fact that the ground offensive was not preceded by several hours of air bombings and ballistic and cruise missile strikes against Ukrainian barracks, airfields, anti-aircraft systems and radars. On the contrary, the US army and its European auxiliaries rarely venture on the field before bombing enemy positions and towns for weeks, months sometimes (Iraq, 1991 ; Serbia, 1999 ; Iraq, 2003 ; Mosul, 2017, etc.) What truly differentiates those armies is their respective relations to death, i.e. their soldiers’ lives.
Experts were also surprised by how daring the initial plan was – not unlike a risky roll of the dice in a wargame. Probably the aim was to force Ukraine to capitulate in a few days after a large scale heliborne operation against an airport in the Kiev suburbs, leading to tank intervention, the capture of the capital and the fall of the government. Actually, paratroopers managed to take over the airport, but they were repulsed by a counter-offensive and the operation failed. Meanwhile, in several places, columns of armoured vehicles crossed the border and penetrated the country, though with little precaution or protection, with no tactical air support and, more importantly, with no previous artillery support, which was a surprise : the Russian army usually follows the Soviet tradition of “extensive artillery use” and “free-fall bomb airstrike”, explains military analyst Michel Goya. There was also no destruction of strategic sites, no disruption of communication networks or of the electricity grid (in Serbia, 1999, NATO targeted bridges and power stations). Whatever Western media are saying, in the first two weeks Russia showed a modicum of “restraint”. Part of the reason was a will to prevent world media from giving not too negative a view of the operation, and to preserve the country’s infrastructures and heavy goods industries in the areas that Russia wished to incorporate. The main cause, however, was the desire not to alienate Russian-speaking people who the invaders hoped would welcome them hospitably, all the more so as the alleged purpose of the operation was to liberate Ukraine from a Nazi yoke.
This strategy failed. Russian intelligence had completely misunderstood the situation. The population was hostile and even improvised armed resistance, sometimes throwing makeshift petrol bombs. Besides, the invaders were met with a much more determined Ukrainian army than expected. They could not benefit from any surprise effect : weeks of manoeuvres in Belarus had of course put the Ukrainians on alert, and they were given detailed information of the forthcoming operation by US intelligence, so they could get ready for the fight by spreading soldiers and materials to limit the impact of the first Russian bombings.

Instead of moving forward on open land, Russian columns of tanks and supply lorries were faced with fierce guerrilla : they were prime targets, not so much for armed civilians as for small units of soldiers using fearsome anti-tank missiles (the American Javelin or the Swedish NLAW), or combat drones (Turkish Bayraktar). The army’s advance seems to have also been slowed by lack of fuel, food, maybe munitions, i.e. inadequate logistics or possibly poor preparation. This resulted in relatively low fighting spirit, especially after weeks of exhausting manoeuvres.
When a fortnight had passed with the thaw setting in and the roads becoming slushy, frontlines tended to freeze and the attackers started showing much less moderation in shelling the suburbs of besieged cities where the Ukrainian infantry army was positioning itself. The Russian air force remained rather inactive : apparently, it had few precision munitions, so it had to operate in clear sight, but the weather was bad and the sky ceiling was overcast, which forced planes to fly within range of the Ukrainian Manpads (portable ground-air missiles) and quite a few planes went down. (Until February 23, 2022, US, British and Canadian special forces had been in the country, training local soldiers in the use of those weapons : they left a few hours before the Russian offensive, but they are known to go off the books and acquire a new nationality for a while, Ukrainian in this case.) The Ukrainian military effort was soon strongly supported by NATO, which helped with equipment (supplying more and more arms and materials), training (in the country and abroad), management (Americans have been seen supervising and checking the enrolment of foreign volunteers in the Ukrainian army.) NATO assistance also includes intelligence : Western spy satellites of course, but also electronic planes or drones flying across the Ukrainian borders and the Russian coastlines, providing Kiev with real-time information that is vital in combat.
When Western media emphasised the fact that the Russians made a point of bombing schools, hospitals, maternities, kindergarten… the truth was that the invaders had trouble defeating the Ukrainian forces. It is in the nature of modern warfare to take place in urban areas, where civilians live and work. When the Ukrainian army takes an inhabited area back from the Russians, it uses the same methods as them, with nearly the same equipment (minus an air force), and roughly the same doctrine.

It soon became widespread belief that the Russians were failing or being stalemated, but this begs the question : what was the Kremlin initially aiming at ? There is a difference between political and military objectives : the latter must be broader than the former, in order to get control over territories which will serve as bargaining chips when the time comes for negotiations. Taking over the whole of Ukraine is probably not the Russian objective : occupying all the country would be too costly and too complex, whereas it would make more sense to keep Ukraine limited to its Western parts (if only to receive millions of refugees and displaced populations hostile to Russia). Annexing new provinces (the Western Dnieper border, plus part or whole of the Black Sea coast) is more likely – and this is what the Kremlin more or less openly wants. In any case, unless it risks humiliation in the eyes of the world and its own population, Russia cannot stop before it conquers a minimum of strategic positions. As French general Vincent Desportes said on March 3, 2022 :
“Putin is in the exact posture of the gambler. He made a bet, he lost it at the start. How far will he continue to bet so as not to leave with empty pockets ? That’s what it all boils down to. And the West must understand that Putin can’t walk away with empty pockets, because if he has the feeling that he risks walking away with empty pockets, he will go on betting. This is the mirage of victory that seizes all leaders who engage in a military operation.”
At the end of March, as it was clear that the Russian troops were being bogged down, to avoid dramatic failure, they drew away from the areas they had seized around Kiev and in the North of the country, and redeployed in the East. Now the official Kremlin war aim has changed to completing the conquest of the Donbas and securing a territorial continuity between that region and the Crimea, and possibly Transnistria much further west. So the Russians have revived their classical doctrine and made ample use of artillery preparation and air bombing. At the end of April, they moved on slowly and methodically. Both human and material confrontation has become merciless, the balance of forces being more or less equal on each side. Moscow has mobilised rather small numbers, about 200.000 compared to between 150.000 and 200.000 Ukrainians, but it benefits from a certain air supremacy (limited by Ukrainian ground-air missiles), and more artillery (despite strong Ukrainian fortifications). If it cannot break resistance in the Donbas, Russia will have to look for another option to avoid losing face… and a turnaround situation could happen with possible Ukrainian offensives against Transnistria or Crimea. As very few countries seem to be committed to de-escalation, the risk of a rise to extremes has now become quite real. Either in the current war, or in a later one in the same region.

The people self-organise

As we have seen, Russia expected a warm welcome in the Russian-speaking areas in the East and North, but hardly received it. In the early days, the mobilisation of the Ukrainian population has been much commented upon, by bourgeois as well as by radical media. However, it appears we are witnessing two different things.

First, there has been basic material solidarity in order to react to the disaster : helping and assisting refugees that fled from combat zones (they’ve just arrived from the nearest town and are now sitting on our doorstep, so let’s do something), giving first-aid to injured people, rescuing others buried under the rubble, etc. People organise as they can, in coordination with public safety services, local authorities, an NGO, or simply between neighbours. This has been interpreted as the emergence of proletarian self-organisation which could lead to emancipation if it developed and spread. Such a view seems to us an exaggeration : these actions express minimal mutual help gestures that are rather common among human beings.

Secondly, there is a mobilisation which we can call martial, war-related, because its objective is to fight back against the Russian offensive. There again self-organisation takes place, particularly wherever public services are deficient or overwhelmed. Artists create a workshop that manufactures petrol bombs. Restaurant personnel organise a canteen to supply soldiers with ration packs. A factory converts to making anti-tank obstacles. Women gather to weave camouflage nets. Retirees fill in sandbags. Locals erect a barricade. Etc.

What strikes people unfamiliar with war (i.e. people like us) is to see civilians queuing to don a uniform and join the territorial defence (TD), the part of the Ukrainian army made of reservists and volunteers. Dozens of thousands of assault rifles have been handed over to the population, and prison inmates have been set free in exchange for their taking part in the fighting. Very soon, however, it’s the arms and the equipment that are lacking, not the volunteers. In the beginning, those who enlisted had to provide for most of their personal equipment, and pay for it, in military stores (fatigues, strappings, helmet, bullet-proof vest, etc.). As for the others, mainly those put on a waiting list, unless they have military experience, the government first and foremost asks them to get back to work – another and in fact essential form of resistance.
It is easy to realise that the tactical value of such units is indeed very limited. The TD’s real role is to relieve properly trained soldiers of the most thankless and time-consuming tasks : keeping watch over bridges and depots behind the lines, patrolling the towns, imposing a curfew and fighting looters. This opens the way to abuses and excesses. Checkpoints and identity controls multiply under the authority of your neighbour, your shop-keeper or your work-mate. Citizens keep a watchful eye, denounce suspicious characters and hunt down suspects (spies, saboteurs, pro-Russians ?), who are arrested and transferred nobody really knows where to be interrogated. As the law courts no longer function, TD usually resorts to summary justice, particularly regarding thieves and looters (those who are not shot on the spot are tied to a post in the street, their trousers pulled down to the ankles in the icy cold).

More significant to us are civilian initiatives to block roadways and traffic routes, to stop columns of tanks by non-violent action, as happened before in Iran (1979), Peking (1989) and Slovenia (1990). Still, once again, this does not express an outright rejection of war, a somewhat naïve pacifism, but rather a deep-seated nationalism : people are not seen waving peace flags, just the Ukrainian banner. The present crisis probably enables us to witness the completion of a Ukrainian nation, the end of a long process that began with the independence in 1991 : whatever languages they speak, a population suddenly becomes conscious of its past and present specificity, cultural and maybe religious as well (the Orthodox church that depended on Moscow is now asserting its independence). Beyond class differences, a national reality is dawning… although in historical terms these specific features can be described as superficial, and created out of nothingness for the occasion, as happened when Yugoslavia broke up in the 1990s. Some people find this quite moving, and it does not appear to bother a certain number of Western humanists and social-democrats usually intensely sensitive to anything that smacks of national feelings. An excellent illustration was to be found in the French film-maker Mathieu Kassovitz telling a reporter that the Ukrainians, whom he says he knows quite well, are “ultra-nationalist in the good sense : they’re proud of their country and want to protect it absolutely”. The same goes for some French far-left activists who generally regard the mere presence of the three-colour flag in a demo as a sign of proto-fascism. Indeed some Ukrainian anarcho-syndicalists are already promoting a “creative and liberating nationalism”.

That feeling is logically in tune with the support given by the population to their army, an ardent and longstanding support, combined with virile attitudes that seem slightly out of place in Western Europe, but which “naturally” explain the will to take up arms to defend one’s country. At the same time, “training, maintaining and arming Ukraine, plus the IMF’s requirements regarding its loans to the [Ukrainian] State, also structurally cause the dismantling of hospitals, under-investment in schools, lower old age pensions and no wage rise in the public sector” (Letter from Ukraine). It bears repeating that defending one’s country is defending the interests of one’s “own” bourgeoisie against a rival one.

There’s a limit to what the extolment of soil, blood and democracy can achieve, though. From the early days of the invasion, compulsory military service was introduced, which made it possible to conscript all males from 18 to 60, plus the ban on leaving the country : not every Ukrainian seems to be keen to be in the army or the TD. There are draft-evaders and deserters, which explains why there are border controls in the spots where refugees are leaving the country. Others prudently become part of their local TD, far from the front, to avoid being forcibly incorporated into a combat unit. Sadly for them, thanks to NATO, the army is now supplied with dozens of thousands of helmets and bullet-proof vests, so it can equip more recruits (and TD members) and send them to the much-feared Eastern front… which mechanically results in a growing number of war resisters, and even probably the first protests against compulsory military service, in Khust, in the west of the country.

Nevertheless, after a few rather hesitant weeks, the government has quickly regained control, mainly, let’s face it, thanks to support from its citizens : they did not self-organise against the State or because it had gone absent, but to avoid its crumbling under the battering of the Russians. This was a fairly “normal” reaction in a country with a strong national unity feeling, reinforced by ad hoc propaganda. Which once more confirms that self-organisation is not revolutionary in itself.

What is to be done… under the bombing ?

We experience neither the life of the Ukrainians, nor the situation of anarchists or communists living in Ukraine. We do not know what must be done there, we cannot pass judgement on their activity, because, whatever we think, we do not know how we would react in their place. With historical hindsight, it may seem easy to assess a situation because we know how it unfolded and ended. But it is truly impossible to know what “internationalist” stand we would have taken in August 1914 or June 1940. That said, should our Ukrainian comrades be immune from criticism just because they are the ones involved ? What they do is of course their own concern ; but the way they understand and justify their activity, their discourse which is echoed abroad by other groups, that at the very least warrants discussion.
The reactions of Ukrainian radical activists appear quite diverse, even sometimes contradictory. A few antimilitarist and pacifist comrades maintain “revolutionary defeatism” positions, but asserting them in their country looks as risky as in Russia, while others commit themselves to helping refugees and the wounded.
Outside Ukraine, it certainly came as a surprise to hear that Ukrainian anarchists had enrolled in the army or the TD. It appears that a few groups took the opportunity of arms distributions to organise combat units. A pamphlet mentions the creation of “two squads”, and about twenty activists are pictured wearing army gear and holding Kalashnikovs between a black flag with an A surrounded by a circle : the caption cautiously says that these units “probably have a certain degree of autonomy” within the TD, which is to be read as a sure degree of subordination. In fact, after a short chaotic period, the army obviously tried to control groups of armed civilians, particularly if they openly expressed a political ideology clearly incompatible with State rule. Anarchist or antifa military units probably comprise no more than a few dozen local fighters (plus perhaps a similar number of people from the West) in war zones where two giant armies meet, made of hundreds of thousands of men. (“Men” sounds an old-fashioned synonym for “soldiers”, but both armies show little concern for recent Western evolutions regarding gender. With possible rare exceptions in the TD, fighters are male, whereas those that flee the combat zones are women, children and elderly people.) Let’s bear in mind that the (in)famous Azov battalion – only one military branch of the Ukrainian far-right among many – is a permanent TD unit, made of several thousand fighters, with its own armoured vehicles and tanks (most of them destroyed during the siege of Mariupol).
The first videos of locals ambushing and defeating Russian convoys created the illusion that if the Ukrainian State was collapsing, the Russian army was going to be challenged by a vast popular guerrilla made of autonomous groups each acting in its own area : groups certainly mostly patriotic, but in the middle of which anarchists might finally manage to play an influential role…
This is forgetting that an armed resistance can only be successful if it is structured, disciplined, as well as financed and supported by other States (unless the invader or occupier is beset from within by desertions and mutinies – which is not the Russian army’s case).
What happened was that, after a few days of fighting with spectacular acts of techno-guerrilla by small units of professional soldiers (specifically trained by Americans), encounters very quickly took on a more classic form : a confrontation between large heavily armed units, in which coordination, movement, artillery duels and ammunition and fuel supplies play a vital role. What became of the anarchist “squads” in such a maelstrom ? It is unlikely that it helped them obtain more autonomy. So why choose to enrol ? In several texts, Ukrainian anarchists and radicals explain their wish to “weigh in on” the course of the events, to be ready “just in case…”, to avoid being cut off from the rest of society :
If we stay away from conflicts between States, we stay away from real politics. This is one of the most important social conflicts taking place in our region today. If we isolate ourselves from this conflict, we isolate ourselves from the current social process. So we have to be part of it one way or another.” (Entretien…)

This text and similar ones wish to explain the necessity of defending “society”, of course not defending the State, and when some anarchists admit they have suspended the anti-State fight, they say it is only for a while, until the time comes to resume fighting after the war. First let’s win the war, then we’ll go back to revolutionary action… We’ve heard that before. It seems no lessons have been drawn from the Russian or Spanish civil wars. Some people justify joining the anti-Russian effort by referring to the wars that preceded the Paris Commune or the 1905 and 1917 Russian revolutions, or even the alleged role of the Afghan conflict in the demise of the USSR. Whatever, for the unfolding of a war, and above all its after-effects, to cause a revolution, it is necessary for a revolutionary situation to be maturing. There’s no determinism here. Moreover, nothing proves that actively participating in the conflict, let alone joining one army against another, can contribute to this maturation.
“Historically, the overwhelming majority of proletarians, on the occasion of each warlike conflict, aligned themselves with their national capital and the imperialist front which they were a part of (in the era of imperialism, all national capital is potentially imperialist, just as any war is by definition imperialist). It is only when the conflict has dragged on – beyond the expectations of the very governments that promoted it – to the point of having a heavy impact on living and working conditions, that they opposed it more or less vigorously [..]” (Lato Cattivo)
We hardly need point out that the history of humankind abounds in wars which in nearly all cases have had catastrophic consequences for the proletarians.
Could widespread discontent or proletarian rebellion cause the Russian army and then the regime to crumble ? At the beginning of the invasion, the troops’ low morale led some observers to believe that the winds of mutiny were blowing over the campaigning Russian army, which was not the case. The retreat from Kiev proceeded in orderly fashion, and the Donbas offensive in April proves that the wavering and mistakes of the early weeks have been remedied.
Pacifist protests have certainly been taking place in several Russian cities, but a large part of public opinion (even in some opposition parties) supports the invasion. As we know, foreign war is generally a good way of rallying the citizens around the government and distracting them from social evils under a propaganda shower (as did the Libya war in 2011). In that situation, economic sanctions impoverish the population, but also often shore up national feelings and thus the regime (e.g. in Cuba, Iraq, etc.). All the same, if the war dragged on to the point of weakening the government and a people’s revolt was brewing, and if repression proved ineffective, the ruling class would try and divert discontent towards a political alternative : either a more extreme policy (Kremlin hawks bemoan the lack of assertiveness in the running of the war), or a more democratic regime (though without going as far as replacing Putin by the West’s favourite Alexei Navalny).
A popular revolt in Ukraine seems even more unlikely. As explained before, citizens are self-organising on the basis of a national feeling. This is consolidating the State, just as the government is more legitimate thanks to its management of the crisis. A large popular momentum that strengthens a sense of national belonging is by nature inter-classist and counter-revolutionary.
It is difficult to foresee how much the war will promote a more democratic Ukraine (that is, more scope for parliament and local institutions). Until now, we have seen a real militarisation of society, media censorship, a ban on left-wing opposition, and a hunt after draft-dodgers. Nationalist and reactionary forces have the wind in their sails – not a novelty in Ukraine. If Anatole France was still here, he might sum up the situation as he did exactly a century ago :
“You think you are dying for your country ; you’re dying for the industrialists.” (He also wrote : “A people living under the perpetual menace of war and invasion is very easy to govern.”)
Knowing that the part played by anarchists and radicals in the conflict is not a large one, the reader might ask why we devote so many lines to this question.
First, the importance of a subject does not lie in the number of people involved.
Second, many media, including mainstream bourgeois ones, and of course social media, mention these commitments. Those radical activists that act in support of the Ukrainian army are very vocal about their involvement, and their message apparently strikes a responsive chord in France and other countries. In a near future, it is not impossible that the figure of the anarchist fighter in Ukraine becomes a reference for political radicalism, on par with the Kurdish soldier in Rojava. Needless to say, another deplorable source of confusion.

What is to be done… outside Ukraine ?

Above all, do not let yourself be carried away by the immediate aspect of events, by propaganda, by the ease of simplification. There are times when we have no control over the course of things. Better to know it and not hide our helplessness with gesticulation or, worse, embark on a boat that is not ours.” (Louis Mercier-Vega)

At the risk of appearing negative, let’s admit there is little that can be done concretely. The most classic stand, the most in tune with the seasoned principles of revolutionary defeatism, at least for those who think the proletarians have no country, would be to fight here against our own bourgeoisie. This would make sense in cobelligerent countries like France, Germany, Britain or the US. Such a revolutionary internationalist position is now being held by a variety of anarchists, ultra-leftists, libertarian communists or even some Trotskyites, but it is by no means certain that it is shared by a majority of activists or people involved in “social struggles”. We are well aware of the present state of class struggle in France (and elsewhere), and how it breeds a feeling of powerlessness, despair and disorientation. Actually, it seems the bleaker the situation is, the more pressing the need to act becomes : people want to be effective, to “impact” the real world… whereas in fact perhaps the revolutionary movement has never had so little impact upon events. This explains the appeal of faraway struggles and the pressure to take sides, which implies compromises and brings about either a bad conscience, or the moral obligation to help “those who do something”, whatever it is.
(In the last French presidential elections, when some radicals called for a vote for a left-wing candidate, somebody reacted with a biting Twitter comment which could be applied to quite a few political realignments on the Ukraine issue : “Those guys think their calling for such a vote is a break with their usual activism, whereas it’s a mere culmination of it.” Biting indeed.)
So what to do ? Asking for NATO to supply arms, as some libertarians did in the case of Rojava, does not make much sense : arms are being delivered in abundance, and billions of dollars are being credited. Likewise, asking for French soldiers to be sent to the battlefield, as some humanists would have it, as well as enforcing a no-fly zone, would be tantamount to declaring war on Russia.
A belief in Good battling with Evil (in an even cruder way than in J.R.R. Tolkien’s novels) logically results in the necessity of having strong good armies capable of defending democracy and “our values”, which in the real world means NATO. This goes with asking for significant defence budgets and a powerful innovative military-industrial complex that can outperform its Russian and Chinese rivals. Whoever wills the end must also will the means.
(Talking of values, compared to sexist racist homophobic Russia, NATO can easily pass off as LGBT-friendly. Let the allies speak for themselves : “NATO is committed to diversity. Organisation policy strictly forbids discrimination based on sexual orientation, as well as sex, race or ethnic origin, religion, nationality, disability, or age. NATO was also a world leader in recognising same-sex marriage. The organisation extended equal spousal benefits to same-sex couples in July 2002, at a time when only one country in the world – the Netherlands – recognised same-sex marriage.” Regarding women’s rights, though, Ukrainian woman refugees in Poland realise that this country has recently tightened what was already a near total ban on abortion.)
The 1914 “Sacred Union” (rich with religious undertones) was centred on fatherland (or motherland) and national pride : the 2022 consensus emphasises democracy and the common good. Rather than nationalists (nationalism has a bad name these days), it is best to present Ukrainians patriots as freedom fighters. As happened in the 1999 Kosovo war, this rationale has even permeated the most radical activist milieus (though a tiny minority sides with Moscow on the basis of a simplistic anti-Americanism).
Some have chosen to financially support the anarchists and antifas fighting in the ranks of the Ukrainian army : when they organise concerts and solidarity events, they usually tone down the military aspect of the question and, probably slightly embarrassed, they bend the words to make them fit their present policy. The same activist mag which in 2016 denounced the creation in France of a National Reservists’ Guard, now approves of the one that exists in Ukraine. Rather than “army” and “soldiers”, we are told about “resistance” and “armed volunteers”, or “militias”, which is evocative of 1936 Spain (though in 2022 Ukraine, the war opposes two nationalist contestants). Despite its heavy presence in the Kiev army, the importance of the far-right is played down. When in France for instance far-right Marine Le Pen and Eric Zemmour are commonly accused of being fascists, the Azov battalion benefits from more leniency, despite a much more extremist ideology… which its leaders say only belongs to the past. Actually, there are very few countries in the world where a far-right organisation has its own legitimate military units within the national army.
In the West, Ukrainian texts are being translated and circulated, often with a degree of uneasiness or tolerance, even with the same condescending manner used for the Syrian Kurds – except this time there is no illusion whatsoever about social change now happening in Ukraine.
Here again, our point of view can be distorted by the obvious fact that people choose to take up arms and risk their lives, while “armchair theorists” analyse what these people are doing. Besides, those who stand for social emancipation are not immune from the seductiveness of weapons and uniforms, or from the prestige of the guy who’s handled an assault rifle. Though this is of course criticised when it comes from the far-right, it can also be found among radicals, from the Spanish civil war to Nicaragua to Rojava…
Supporting army deserters is a classic revolutionary activity in war times : organising networks to cross borders, obtaining false IDs, sheltering fugitives… which is more possible in bordering countries. In France nowadays, people march with banners or initiate events to support “Russian resisters, draft-dodgers and deserters”, yet nothing seems to be done regarding their Ukrainian equivalents though there are more and more of them. The situation might change but for the time being, it reminds us that during the war in Syria, Kurds that evaded compulsory military service in the YPG were conveniently ignored by far-left public opinion when many of them were seeking refuge in European cities. (France no longer has military conscription, only a professional army, but there are about 2.000 deserters every year who put an end to their enlistment by fleeing or living outside the law. Some end up in court. Nobody cares. That could change in future.)
Once again, we do not wish to criticise the way some people react to the bombing of their town or country : only, if need be, the way they interpret what they are trying to do in Ukraine and the way their discourse is interpreted outside Ukraine.
It is a well-known strong tendency in activist circles to perceive “potentials” everywhere, especially in faraway exotic places, often to the point of distorting reality. But beyond that reflex, the spectres haunting the Ukrainian question, more bewitchingly and perhaps more openly than in other “theatres of operation”, are nothing but militarism, nationalism and Sacred Union – all morbid variations on inter-classism. As history sadly proves, if circumstances allow, even the most accomplished activists with a deeply-acquired radical doctrine can let themselves be carried away by these ideologies.
As for us, we are not being bombed, no fighting is taking place down the street and we do not risk being killed every minute. Therefore we have no excuse for woolly thinking. We can benefit from a relatively comfortable position to think back and assess the current events. Indeed it would be a mistake not to, because this situation may not last as long as people believe.

So war is back ?

“War’s back” : the implicit is that this is only happening in Europe.
But did war ever leave ? The difference is that in 2022 it strikes at the centre of Europe instead of its periphery, as happened in the 1990s in the ex-Yugoslavia, until NATO’s offensive against Serbia in 1999. It is certain today that these wars benefited the European Union (EU) and NATO, which both integrated new members. Sarajevo may be closer to Paris than Kiev, but Serbia never challenged the domination of the US and of the EU over Europe, which is exactly what Russia is doing today. Unlike the fate of Bosnia three decades ago, what is at stake in Ukraine is crucial because that country lies at the heart of a Europe that is one of the world’s leading industrial, commercial and financial powerhouses. It is crucial as a place of conflict between some of the hegemons of the planet, including major nuclear powers, and it mobilises vast mechanical and human resources, with already huge economic consequences. If anything is back, it is high intensity war.
At the time of writing, the most likely and most “reasonable” outcome is that Russia completes its conquest of the Donbas oblasts, with an end to the hostilities, the opening of negotiations and a peace agreement that might legitimise one way or another the linkage of those areas with the Russian Federation. If such a border adjustment could have been negotiated in 2021 without going to war, it would have been beneficial both to Russia and Ukraine. A conflict that drags on would be harmful to everyone, most of all to Russia which has no interest in being bogged down in Ukraine as it was in Afghanistan. Everyone… except the country which will decide how the situation evolves : the US. Will it grant Russia a meagre victory by letting the war continue for a few more months, or decide to fight till the last Ukrainian ?
Meanwhile, arms supplies to Kiev, which were sizable before the invasion, have now developed into millions of tons of steel and billions of dollars. And there’s more to come. A trend that had already been strong for several years is now amplifying. Military budgets are growing in EU and NATO countries which are competing to place orders for tanks, war planes, etc., from the American military industry. In the current war, up to now, the US is the real victor. While the arms sector of the Old Continent is outperformed by US competitors, the plans for European Defence are being finally shelved in favour of a revived NATO. Many countries are now openly choosing to bow to Washington. This deliberate (and very costly) submission could only be interrupted by the emergence of a new military power in Europe – which is highly unlikely as one of the roles of NATO is precisely to prevent it. As its first Secretary General, Lord Ismay, once explained, NATO was created to “keep the Soviet Union out, the Americans in, and the Germans down.” One of the unforeseen effects of the Ukrainian war, however, is the remilitarisation of Germany, which has just announced a supplementary military budget of 100 billion euros for 2022 (added to defence expenditures of about 50 billion, compared to 40 billion in France). For the moment, this will be spent on “made in the US” arms. Still, we may be in for some surprises.
Western governments may be tempted to help Russia wear itself out in Ukraine, but this could lead marginally involved countries into an uncontrollable escalation, with the risk of the conflict spreading to the point of forcing NATO – therefore the US – into direct intervention. This could happen in the case of a Russian blockade of the Suwalki gap (the corridor that separates Kaliningrad from Belarus), or if a hard-pressed Russia invaded the Baltic States. This would not necessarily lead to nuclear war, but the US could be the one bogged down, in Europe, an unadvisable situation in case a Third World War was to take place in the Pacific : huge weapon shipments to Ukraine are detrimental to those reserved for Taiwan, and the 7.000 anti-tank Javelin missiles sent to Ukraine represent one third of all American stock. The question is how far – and possibly too far – a State can go.
Apart from the casualties in the field (which never bother the capitalist class too much), the main collateral damage of the affair is the fact that Russia is breaking with Europe and moving towards Asia, notably China. Is this an issue ? The illusion of an understanding and possibly an alliance between the European Union and the Russian Federation has come to an end, and with it the dream of a more democratic Russia. Blocs are appearing and crystallising. Despite its trail of horrors, the Ukrainian war might be no more than a skirmish heralding much larger conflicts in the short or medium term.
In the meantime, those who take the rap, as usual, are the proletarians : worsening of the crisis, fierce world competition, increased exploitation, inflation, rising military budgets therefore more taxes and less social services (health, education), etc. Local rebellions there will be, in France particularly, but nothing that now appears able to shatter capitalist order or put an end to inter-State tensions. In the event of France or its army being more directly involved in high intensity warfare (similar to what Ukraine is going through), we can assume that government and media will tell us that it’s all for the purpose of defending justice, Law and democracy, just as in 1914 ! Then, if we wish to remain consistent with ourselves, what shall we do ?
In 1940, when what is now called the Second World War was unfolding, Otto Rühle answered : “No matter to which side the proletariat offers itself, it will be among the defeated. Therefore it must not side with the democracies, nor with the totalitarians.”

Tristan Leoni, May 8, 2022.

Note : This is a slightly modified translation of

Adieu la vie, adieu l’amour… Ukraine, guerre et auto-organisation.

Also by Tristan Leoni : Manu militari ? Radiographie critique de l’armée, Le Monde à l’envers, 2020 (in French).

References

The title is borrowed from a line (“Adieu la vie, adieu l’amour”) of the Chanson de Craonne, a famous anti-militarist song written in the French trenches during WW I.

Otto Rühle, Which Side To Take ?, Living Marxism, Autumn 1940.

“The daily press fabricates more myths…” : Marx to Kugelmann, July 27, 1871.

Louis Mercier-Vega (1914-1977), Belgian syndicalist and anarchist, fought with the Durruti Column. Quote from La Chevauchée anonyme, Éditions Noir, 1978 (Fr.).

“Creative and liberating nationalism” : quote from Perrine Poupin, « L’irruption de la Russie en Ukraine Entretien avec un volontaire de la défense territoriale de Kiev », Mouvements, March 29, 2022 (Fr.).

Letter from Ukraine (Fr.) : tousdehors.net.

On anarchist autonomy (Fr.) : Entre deux feux. Recueil provisoire de textes d’anarchistes d’Ukraine, de la Russie et de la Biélorussie à propos de la guerre en cours, March 13, 2022.

Il Lato Cattivo, Ukraine ‘Du moins, si l’on veut être matérialiste’ (Fr.) :

LGBTQ-friendly Nato.

On « third camp internationalists » (« those who refuse to support any imperialist side”) in France 1940-1952 :


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