Communiqué : Coup de filet des petits poissons sur Bernard Arnault
Dans la grisaille de l’hiver, samedi 7 janvier, des petits poissons se sont rassemblés. Vers 14h30, alors que les activités commerciales lilloises battent leur plein, nous sommes une cinquantaine à perturber l’ordinaire des affaires bourgeoises du Vieux-Lille.
À peine arrivé.es, c’est un tintamarre qui débute au son de nos percussions. L’incompréhension gagne les commerçant.es de la rue et les passant.es s’amusent. Une banderole est déployée « Serrez-vous la ceinture… mais elle coûte 500€ » devant la boutique Louis Vuitton, rue des chats bossus. Un portique de vêtements estampillés pour l’occasion « LVMH » est dressé face à la boutique de luxe.
« Les riches, les riches, les riches ! Les tunes, les tunes, les tunes ! Bernard, Bernard, Bernard ! » est scandé vers la boutique comme pour répondre aux rengaines médiatiques sur le « capitaine d’industrie ». « Mangeons Bernard… avant qu’il nous mange ! ».
« C’est qui le chef ? », demandent des policiers municipaux qui arrivent au bout d’une trentaine de minutes. Nous ne sommes qu’un banc de petits poissons organisant une procession devant l’ancien restaurant de poiscaille « L’huîtrière », ancien haut-lieu des requins du capitalisme nordiste. Ce lieu est devenu en avril 2022 la boutique du groupe LVMH. Son amiral, Bernard Arnault, est né à Roubaix et a fait sa fortune sur les restes du textile des Hauts-de-France.
L’armée des tracteurs diffuse notre visuel spécialement créé pour l’occasion :
Le public dans sa large majorité soutient l’action, on nous encourage. Un passant mécontent de nous voir balance son refrain macroniste : « Vous n’avez qu’à travailler si vous voulez vous offrir ce qu’il y a dedans ». Certaines lui rétorquent : « Nous, on veut des slips à 900€ pour tous, ’faut que le monsieur il partage un petit peu pour y arriver ». La veille, le magazine Challenges nous révélait que Bernard était devenu première fortune mondiale avec 196,5 milliards de dollars. 196 500 000 000 $ !
À 15h, quelques poissons-clowns font leur apparition. Une ambition : remettre de l’ordre. « Vous pouvez y aller, on prend le relais », glissent-ils aux flics municipaux, perplexes. La fête dure encore quelques dizaines de minutes, avant que des renforts n’arrivent pour partager le spectacle. On file, nageant vers la Grand-Place dans la fluidité de la foule en banc désorganisé.
Passage express devant le magasin de cosmétiques Séphora, également propriété de Bernard. Rapidement, les flics nous retrouvent, faut dire que nous n’avons pas cherché la discrétion. L’un d’eux vient s’ajouter à leur parade nonchalante : un genre d’agent de sécurisation de la voie publique, mi-motard, mi-flic de renseignement. Il est décoré par les poissons-clowns comme il se doit.
Retour devant Louis Vuitton pour une petite photo de classe. Une dame avec un long-manteau et bien propre sur elle lâche : « Je vois pas pourquoi vous faites ça, les gens qui vont dans cette boutique viennent chercher du rêve - ils ont envie de rêver - ils s’achètent un petit porte-clef souvenir et ils sont contents ». À croire que les petits poissons coalisés pour l’occasion n’ont pas de rêves ni de satisfaction.
Qui sait où se retrouvera ce banc une prochaine fois ?
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