Nous ne mendions pas. Nous prenons.
Nous vous observons dans les rues, marchant d’un air tendu ou détendu et entendu. Nous nous voyons dans les bus, trams et métros, sur nos lieux de survie, de travail ou d’étude, portant des keffiehs, des kippas, des drapeaux ou d’autres symboles de nos fantasmes d’identité et de notre position. Nous constatons des centaines de milliers de personnes comme nous, dans les miroirs noirs et vitreux de nos vies, éclairés à la fois par des spectacles de mort et des spectacles de refus.
Aujourd’hui, cette date de 2023 est celle d’une des sectes/religions qui a colonisé nos imaginaires et notre réalité par la violence, alors que le voile d’illusion est de plus en plus fin et transparent, les mort-e-s de l’histoire nous chuchotent, nous parlent.
Nous, les auteurices, ne sommes pas israéliens, pas palestinien-ne-s, pas ukrainien-ne-s, pas russes, pas soudanais-es, pas yéménites, pas népalais-es... Nous écrivons ceci pour les anarchistes, les libertaires, les révolutionnaires. Vous vous reconnaitrez au fur et à mesure de votre lecture. Nous écrivons aussi pour les anarchistes en devenir, les adjacent-e-s, et pour toustes ceux et celles qui sont intéressé-e-s.
L’horreur des guerres et génocides est profonde, inéluctable et complexe. Nous, anarchistes et proches de l’anarchie, comprenons l’histoire, le contexte des apartheids, les chiffres, l’hypocrisie, l’exceptionnalisme, la cruauté, la torture, les propagandes, les causes, les idéologies...... Nous ne sanglotons plus. Nous perdons plus que le sommeil, nos ami-e-s et nos familles.
Certains se sentent utiles ou impuissant-e-s, alors ils/elles entreprennent des tâches relativement et subjectivement effrayantes et chronophages disponibles dans le répertoire actuel de la "conscientisation" ou de la "résistance". Ces tâches sont moches ou belles, futiles et compréhensibles : pétitions, cagnottes, marches, manifestations, éducation populaire, "construction de mouvements", "prise de parole" à l’école ou au travail, tribunes, article et déclarations, actions directes violentes ou non.
Vous contentez-vous vraiment de ce qui est bien, bon, morale et compréhensible ? La posture de droiture morale de la "prise de position" est-elle véritablement tout ce dont vous avez besoin pour vivre en liberté, en paix avec autrui, avec les autres ?
Les discours, les poèmes, les lettres ouvertes et les déclarations ? Faites-les rapidement et ne vous laissez pas épuiser, car les mots dérivent, flottent et se dissolvent, tout comme ce texte. Profitez de leur effet éphémère pendant qu’ils durent, mais sachez que les expressions qui durent sont d’un type plus concret.
Il est inutile de se répéter les un-e-s aux autres, et peut-être à quiconque, ce que nous comprenons déjà. Anarchistes et autres, ne perdez pas votre temps à organiser des formations, pétitions, webinaires. Quelqu’un-e d’autre écrira les pétitions, fera les mèmes, écrira les funestes et ridicules tweets. Laissez aux modéré-e-s, aux sociaux-démocrates, aux libéraux, aux nationalistes, aux étatistes les illusions de mendier auprès de l’État. Des centaines de milliers de personnes ou des millions rempliront inévitablement le rôle éternel de ceux et celles qui rampent et s’inclinent pour des miettes, pour des concessions, pour une mort vivante, une mort lente et une vie résignée, au lieu d’une vie pleine et extatique. Ils se filmeront en train de célébrer danser ces vains rituels.
Accepter sans se révolter, une chose pénible, désagréable, pensée comme inévitable n’est définitivement pas de l’anarchie, mais pas du tout ! Réveillez vous !
Quels sont ces divers mouvements dits sociaux qui défilent et supplient ? Du théâtre de masse. De la figuration. C’est bien et compréhensible, mais ne le sousestimez ou ne le surestimez pas.
- Je n’ai basé notre cause sur rien - Souvenez vous de l’unique Max Stirner...
Qu’en est-il des journaflics, des blooms, des diantdiant-e-s censuré-e-s, des sales profs et enseignant-e-s maton-ne-s qui risquent de perdre leur emploi salarié ? Résistez à la séduction du drame individuel élevé sur le piédestal de l’action collective. C’est le travail des certain-e-s radicaux qui ont accepté de vivre une époque non radicale, de pseudo-révolutionnaires professionnel-le-s qui transforment leurs problèmes personnels en campagne.
On se fout des dieux, on se fiche des nations !
C’est bien et compréhensible pour certains - mais anarchistes, s’il vous plaît, ne gaspillez pas beaucoup de votre souffle, de votre énergie à discuter avec vos ennemi-es et à essayer de prouver au monde que vous aviez et avez raison.
Gardez votre énergie, votre élan, votre souffle pour vous.
Action directe ? À quel point est-elle directe ? Combien de temps dure-t-elle ? L’effet n’est-il qu’une nouvelle bavure colorée sur le réseau de miroirs noirs, plus une amende ou une inculpation ? Nous entendons des slogans scandés pendant que vous, le militant de la solidarité, êtes emmené. C’est une bonne chose que vous fassiez la chose effrayante et significative - quelle qu’elle soit pour vous, ou vous, ou vous. C’est bien et compréhensible. Mais est-ce bien cela ? Votre but est-il simplement de fermer une petite partie de l’infrastructure du génocide pendant quelques heures, d’inspirer d’autres personnes et de faire réfléchir les gens ?
Toutes les actions directes ne donnent pas les résultats escomptés.
Quoi que vous fassiez en surface, il est peut-être temps de le faire en sous-sol. Quoi que vous fassiez avec le plus grand soin et dans le plus grand secret, c’est peut-être le moment de vous améliorer encore.
A cerclé
Il n’est plus temps de se contenter d’inverser les rôles et postures, même si c’est bien et compréhensible pour certain-e-s : remplacer l’inertie par l’action, le silence par la parole.
Faire un pas décisif hors du monde de la mort, des théâtres ennuyeux du refus, de la répression, d’une nouvelle protestation, puis d’une nouvelle mort. Ce monde est tracé, décidé, dirigé par les État-nations et leur fidèle ami : la société existante. À l’intérieur de ce monde, les morts, viols, blessé-e-s persisteront certainement, presque comme si - semble-t-il de manière absurde - ils étaient alimentés par notre résignation faite de chagrin, nos marches funèbres.
Si ce n’est déjà fait, il est temps pour nous de quitter ce monde, entièrement. Lorsque nous sortons, même immobiles, nous ne marchons pas.
Il nous faut courir sur les sentiers de la vie, il nous faut cercler le A d’anarchie.
C’est un vieil adage que peu de gens suivent : Vivez comme si vous étiez déjà libres.
..... soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres ! a écrit La Boétie vers 1574 ; quand on vous expliquait plus haut que les écrits en font pas tout .....
Nous n’allons pas être prescriptifs, sauf sur ce point : notre et votre existence entière devrait changer. L’horreur quotidienne et permanente nous y oblige. Si vous avez hésité, le moment est venu de transformer radicalement le moi, la façon dont nous nous y rapportons et la façon dont nous nous rapportons aux autres. Quel que soit le nombre de règles sociales stupides dont vous vous êtes déjà débarrassé, préparez-vous à en jeter encore plus. Il ne s’agit pas seulement d’un effort quantitatif : vous devrez affronter les vaches sacrées, les idoles de votre soumission, vos plus grandes peurs, les obstacles les plus redoutables.
Autogestion de la vie
Ce n’est qu’en vivant libres et égaux que nous pourrons jamais concrétiser notre désir de vivre libres avec toustes les habitant-e-s de la terre qui se fichent du nom du gang qui contrôle leur environnement, qui veulent voir périr ou tomber tous les états/nations/gouvernements. Ensemble, littéralement ou symboliquement, nous voulons partager tout : la nourriture, les histoires qui se racontent, la musique, la beauté, danser et chanter des chansons, nous prélasser dans la chaleur du soleil et nous émerveiller devant la profondeur étoilée du ciel nocturne non pollué.
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