Nous sommes à l’aube de la constitution d’un axe idéologique ultra-conservateur. Déjà composé de MM. Poutine (« réélu » en 2024), Xi (2023) et Erdogan (2023), il devrait inclure prochainement M. Trump (2024), et pourrait atteindre son paroxysme en 2027 si la figure de proue du Rassemblement National venait à remporter l’élection - sans parler de la possibilité non-négligeable de voir entre-temps l’AfD s’imposer en Allemagne (prochaines élections en 2025) et Mme Meloni renouvelée dans ses fonctions.
Alors que la guerre a fait son retour sur le sol européen en 2022, aucune désescalade ne semble d’actualité puisque l’accroissement des tensions est favorable au lobby militariste et à l’industrie de l’armement. Cependant, il reste impératif de contrecarrer le scénario mortifère du continuum d’ultra-conservateurs qui est en train de se profiler. En effet, même si leurs idéologies se distinguent les unes des autres, elles sont toutes porteuses d’une haine de l’autre qui nous conduira collectivement sur le chemin de la guerre mondiale.
6 jours avant de connaître une mort tragique, conséquence du revolver fascisant d’un « loup solitaire » appelé Raoul Villain qui, à 29 ans, était strictement incapable de comprendre l’intérêt supérieur de la paix, Jean Jaurès en appelait à l’union sacrée de tous les prolétaires européens : « Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et, de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar. »
Nous souscrivons à ces propos et vous invitons à relire le discours de Vaise (banlieue de Lyon). Celui-ci pourrait être prémonitoire d’une répétition malheureuse de l’histoire mondiale.
Jusqu’à présent, nous avons réussi à résister à la montée en puissance de notre extrême droite. Cependant, le retour de la guerre change la donne. La peur revient. Il faut donc commencer la lutte pour 2027 dès à présent. Unissons-nous dans cet objectif. Il est impératif que nous restions fidèle à notre idéal d’ouverture, à nos valeurs humanistes et universelles qui sont autant d’héritages qui nous distinguent des totalitarismes en tout genre.
Que dire à ceux qui « voudraient tester » l’extrême droite ? Que dire à ceux qui pensent qu’« une petite guerre » pourrait être la réponse à nos problèmes ? Quels seraient les arguments qui dépasseraient les clivages idéologiques et pourraient être écoutés par toutes les générations ?
Nous connaissons les coûts économiques des conflits : les pénuries, les dettes, la destruction des outils de production, les difficiles reconstructions mais aussi les profiteurs de guerre, le marché noir et l’enrichissement prédateur. Nous en connaissons les coûts humains : les morts, les blessés, les malades, les jeunes traumatisés, les trous dans les pyramides des âges, et les poussées réactionnaires qui en découlent.
Pourtant, la valeur de la vie humaine semble être désormais une simple variable comptable. La souffrance des familles des « héros » est aujourd’hui une image quotidienne dans les journaux. Les rétrospectives du passé ont un impact de plus en plus faible à mesure que disparaissent les derniers témoins des horreurs de 39-45. Les coûts économiques et humains constituent en eux-mêmes des argument transpartisans qui devraient suffire à convaincre tout le monde. Cependant, ils sont dépassés. Inaudibles pour des générations qui n’ont connu que l’opulence de la paix et qui regardent la guerre à 2 000 km de chez eux.
En plus de ces arguments habituels en voici un autre : la guerre a un coût environnemental.
Parler de guerre alors que nous parlons de transition écologique est d’une incohérence folle, symbole même de la duplicité de nos dirigeants actuels. Un char ne roule pas à l’énergie solaire. Un avion de chasse ne vole pas à l’hydrogène. Un porte-avion ne vogue pas à l’éolien. Un drone ne fonctionne pas sans lithium, et les balles d’AK-47 ne sont pas faites en matériaux biodégradables. La guerre, en Ukraine représente actuellement des émissions de CO2 comparables à celles de la Belgique. La guerre, est une aubaine économique pour l’extractivisme et les industries de l’armement.
Si les hommes meurent, il en va de même pour certains végétaux et certains animaux dont les territoires se trouvent au cœur des batailles. Plus le conflit dure et plus son bilan environnemental s’alourdit. La guerre est un écocide.
Rien. Strictement rien de positif n’émerge d’une guerre. La guerre dure plus longtemps que la fin des combats. Elle va au-delà des années où il pleut des ogives sur les militaires et les citoyens. Il suffit de regarder du côté de l’Irak et du Kurdistan pour s’en convaincre.
A l’heure où nous parlons, il est impératif de comprendre que vous tous, en appelant à la paix, vous luttez directement contre la construction de l’axe ultra-conservateur auquel l’extrême droite française pourrait se rallier. Prôner la paix doit devenir un impératif pour abattre l’argument central du Rassemblement national : sans la peur de la guerre, l’humain est libéré de son instinct primitif de survie qui le conduit inexorablement vers des logiques simplistes et l’empêche de réfléchir à plus long-terme. Gardez en mémoire l’appel de Jaurès : le jour où une guerre mondiale éclatera, vous, vous qui en aurez appelé à la paix, vous serez du bon côté de l’histoire.