Le premier épisode, intitulé « La grande croisade », retrace l’histoire de ce courant qui se définit par quatre piliers fondamentaux : la conversion personnelle, la lecture assidu de la bible, la reconnaissance de la mort expiatoire de Jésus et l’élan missionnaire.
Issu des tendances les plus conservatrices des différentes chapelles protestantes à l’origine de la colonisation de l’Amérique du nord, le courant se structure véritablement en 1942, avec la naissance de la National Association of Evangelicals et le rôle central qu’a joué le pasteur William Billy Graham Jr. alias Billy Graham.
Personnage charismatique, il participe à réinvestir les communautés chrétiennes dans les affaires publiques, au travers de grandes campagnes de prêches (nommées « croisades »), partout dans le monde. Ces « croisades » prennent rapidement un tournant politique dans le contexte de la guerre froide, pour promouvoir le « réveil chrétien » du « monde libre » face à la menace communiste.
À partir de là, le documentaire décrypte le rôle de cet homme et les débats dans son Église dans le contexte des années 1960 et 1970, où les États-Unis sont traversées par les luttes contre la ségrégation et la guerre du Vietnam. Après deux décennies de tergiversation, à l’issue d’une conférence réunissant 2 700 évangéliques, la déclaration de Lausanne en 1974 [1] consacre la victoire du fondamentalisme et de la droite au sein du mouvement.
Par la suite, une grande partie de l’Église évangélique s’immiscera de plus en plus profondément dans l’activisme politique, mobilisant pour les grandes causes réactionnaires : le mouvement anti-avortement, contre l’égalité des droits pour les minorités sexuelles, la remise en cause des théories scientifiques par le créationnisme, le nationalisme forcené et la famille traditionnelle…
Partout dans le monde, les Églises évangéliques promeuvent une vision rigoriste de la foi et portent la volonté d’imposer un pouvoir théologique global. Leurs leaders pèsent de tout leur poids pour soutenir les dirigeants les plus réactionnaires de l’Occident, Trump et Bolsonaro en étant des exemples emblématiques.
L’évangélisme joue aussi un rôle central dans le développement de la colonisation israélienne, dans une volonté messianique de déclencher l’apocalypse.
Riche et puissant, fort aujourd’hui d’environ 660 millions de fidèles et se développant à grande vitesse dans toutes les parties du monde, le courant évangélique est à prendre au sérieux . Si celui-ci n’est pas uniforme – le documentaire interroge aussi des repentis et des opposants à la ligne majoritaire droitière, il n’en reste pas moins un acteur de poids, largement sous-estimé en France, dans la propagation des thèses réactionnaires.
Hugues (UCL Fougères)
* Les évangéliques à la conquête du monde, de Thomas Johnson, France/États-Unis, 2023, 3 épisodes de 53 minutes.
NOTES
[1] Manifeste fondateur de l’unité évangélique, adopté à la majorité des délégués lors du premier congrès mondial pour l’évangélisation du monde à Lausanne en juillet 1974.
[2] Les trois épisodes sont disponibles sur Arte.tv jusqu’au 28 septembre 2024.
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