Le 15 juin 2024 s’est déroulée la 27ème Marche des Fiertés de Lille. Ce gros évènement n’est plus que l’ombre de ce qu’il est censé représenter. Les pavés sont remplacés par des remerciements à la police, la rage anti-autoritaire par la surconsommation en tout genre. On efface l’histoire des luttes pour faire une grosse fête dont la représentation LGBTQIA+ n’est qu’un marketing de plus.
S’il y a eu un peu de fun grâce à des intervenant·es extérieur·es cette année, il est légitime de se demander pourquoi ne pas s’engager dans l’organisation de la Pride, si celle qui se déroule actuellement ne nous plaît pas. Après tout, le collectif Lille Pride (CLP) se targue d’être horizontal et ouvert à qui veut y participer. D’ailleurs, chaque année, des militant·es en tout genre ont l’espoir de réussir à faire pencher l’organisation vers quelque chose de plus politique. Pourquoi est-ce que ça ne marche donc pas ?
Il faut donc s’intéresser à comment tout cela s’organise. Et relativement en amont parce que la Pride de Lille représente des mois de préparation, de réunions, de « discussions », de situation de crise auquel il faut faire face. Le collectif est généralement composé de représentant·es locaux·ales d’associations nationales (AIDES, SOS homophobie, Le Refuge, Le Planning Familial...), de représentant·es d’associations locales (Centre J’en Suis J’y Reste, En-Trans, Handiaction, Les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence…), de membres d’organisations politique (CFDT, Solidaires, OST…), de propriétaires de commerces ou établissements apparemment LGBT friendly (Le Privilège, Artchives, Le Silom…) et de bénévoles indépendant·es.
Pour faire partie du Collectif Lille Pride, il faut y adhérer par le payement d’une cotisation, on peux ensuite s’investir plus en rejoignant une ou plusieurs commissions. Mais ce n’est pas obligatoire : du moment où on paie, on est membre du CLP.
On y retrouve des têtes bien connues du milieu LGBT+ lillois qui enchaîne l’organisation année après année, et de parfait·es inconnu·es.
Le collectif fonctionne en commissions (genre logistique, animation, trésorerie, accessibilité, événementiel, bénévoles, etc...). Mais en dehors de ce semblant de structure, l’organisation reste très floue, peu transparente même pour ceux qui y participent, reposant sur de nombreuses connexions informelles. Il y est très difficile de parler politique alors que le collectif n’a que pour seule ligne d’organiser la Pride, et ce en dehors du reste. Autre problème qui tient de la forme du groupe : un collectif n’est pas tenu d’avoir des statuts, un règlement intérieur, les responsable ne sont pas visibles et tout est flou en fait.
Mais surtout, les membres de ce collectif n’ont visiblement pas les mêmes intérêts, voire s’opposent frontalement.
Prenons un exemple concret. Le 9 juin 2024, Emmanuel Macron annonce la dissolution de l’Assemblée Nationale. Il relance ainsi des élections et donne l’opportunité à l’extrême-droite de prendre plus de pouvoir encore après leur victoire aux européennes. Une réunion exceptionnelle est, difficilement, organisée par des membres militant·es du CLP pour en parler. Il est proposé de rajouter comme mot d’ordre à la Pride « Pas une voix pour l’extrême-droite », ce qui n’a rien de bien radical en soi et qui est le minimum, même d’un point de vue légaliste, pour s’assurer de ne pas perdre de droits quand on est une minorité. D’autres orgas, comme le Planning Familial, n’ont pas hésité à le mettre en avant de leur côté. Ici, la proposition est loin de faire consensus, un vote est proposé. Mais, détruisant déjà le peu de démocratie restante dans cette organisation, les commerçants menacent de retirer leurs chars si un mot d’ordre politique est donné. Le vote est serré mais perdu, ceux souhaitant faire la fête certainement incapables de se résoudre à l’idée de perdre leurs vieux DJ set montés sur camions.
Le collectif Lille Pride est donc incapable de prendre la moindre orientation politique (outre le statut-quo qu’il défend sans se l’avouer). Plus étonnant dans ce vote, la CFDT locale, syndicat qui prouve encore une fois sa capacité à trahir en votant contre ce mot d’ordre. Leurs arguments ? La Pride serait « apolitique » et devrait le rester. La même CFDT qui se permet chaque année de faire sa communication en distribuant des milliers de pitits drapô arc-en-ciel avec leur nom en gros dans une grosse opération marketing digne de n’importe quelle entreprise moisie. Bande de chiens. La CGT n’est pas en reste quand, sans consulter l’intersyndicale, elle pose une manif contre l’extrême-droite à l’autre bout de la ville, bien respectueuse des consignes que lui impose la préf et rendant impossible la convergence entre les deux, marchant sur l’investissement de leurs militant·es locaux·ales qui s’étaient engagé·es aussi dans la préparation de la Pride.
Un peu en même temps, on nous rappelle que CLP ce n’est pas qu’une sale organisation, mais c’est aussi là où évolue de sombres personnes.
Greg est bénévole dans l’organisation du Collectif Lille Pride.
Greg s’inquiète lui aussi pour ces nouvelles élections à venir. Il veut faire part de son avis et fait donc une petite vidéo Tik-Tok (entre d’autres du même acabit). Il s’y présente comme membre de CLP et enchaîne sur des propos ouvertement d’extrême-droite, se moquant des LGBT antifa. Le screen ci-joint nous indique à grand coup de drapeau français que notre ami Greg a ses raisons de s’opposer au mot d’ordre proposé pour la Pride. On le retrouvera d’ailleurs le jour de la Pride à la gestion du village associatif et de la sécurité (bizarre lol). C’est lui qui ira menacer d’envoyer la police sur les militant·es d’OST qui s’étaient ramené·es avec un drapeau palestinien.
Bien sûr, ça choque des gens du collectif Lille Pride. Une discussion est faîte à ce sujet, on soulève la question de l’éjecter ou d’au moins le sanctionner. Mais le flou de l’organisation ne fournit pas de réponse à ce sujet. On se doute que l’indisponibilité des compte-rendus de réunion, due à de l’incompétence et du manque de communication, aide bien à l’entre soi qui règne entre ces anciens rois de l’orga. Et on imagine que ce type est toujours dans les cercles gays lillois évidemment.
Il est consternant de se dire que des gens d’extrême droite peuvent en venir à organiser une Pride aujourd’hui. Parce que le problème n’est pas seulement que cet enfoiré y ait sa place, mais que le mode d’organisation puisse lui donner du pouvoir. Parce si le CLP fait au moins semblant de réagir contre Greg, c’est parce qu’il a ouvert trop grand sa gueule. Combien d’autres fachos qui s’en vantent moins peuvent s’y cacher ? Et si ça ne s’était pas su ?
Alors non seulement la Pride ne peut pas être apolitique mais son organisation ne peut pas l’être non plus. Déjà parce que l’apolitisme n’existe pas. Choisir de suivre les recommandations légales, de faire confiance à la police, d’engager des vigiles, d’organiser des soirées payantes, de faire une fête plutôt qu’une manif, ce sont des choix politiques, et qui ne vont pas dans l’intérêt des personnes queer.
Parce que finalement, en dehors de ses moments chocs, le collectif Lille Pride ce sont des mois de réunions où une majorité de mecs cis blancs (liste non exhaustive) imposent leur avis de merde. La politique de la respectabilité est de mise au CLP : il faudrait être respectables pour être respectés et donc masquer notre minorité pour être accepté·e... comme si le soft-power changeait à la racine les discriminations. Les nouvelleaux queers qui tentent d’y participer finissent par partir en masse parce que l’ambiance est volontairement insupportable afin que ceux qui ont le réseau, les connaissances, le pouvoir le conserve.
Le collectif Lille Pride, c’est en interne des propos transphobes, racistes, classistes. C’est énormément de validisme alors que la commission accessibilité est infantilisée dans ses demandes et accusée de vouloir faire capoter la Pride, mais aussi dans la critique perpétuelle des réunions en visio alors que des personnes qui s’y investissent beaucoup ne peuvent pas se déplacer, l’utilisation de moyen de communication inaccessibles comme whatsapp. Ce sont des réjouissances quand la préfecture annonce l’usage de drone au-dessus de Lille. Ce sont une suite horrible de pratiques d’assimilation des luttes par le capitalisme.
Aujourd’hui, CLP cherche à devenir une association « pour mieux dialoguer avec la mairie ». On peut être sûr que le confusionnisme interne va s’amplifier pour accentuer cet autoritarisme. Et ça commence déjà avec la création d’Inter Lille Pride qui veut s’emparer du Mois des Fiertés de 2025 « pour faire de la Pride de Lille un événement encore plus inclusif et représentatif de la diversité de notre communauté. »* Il ne faut rien en attendre.
*inclusivité ne comprenant pas les personnes trop queers, trop pauvres, trop handicapé·es, les prostitué·es, les immigré·es, les hors normes finalement et trop de gauche aussi, mais qui est représentatif en y incluant homonationalistes et autres fachos =)
Ce texte pour leur faire un grand doigt d’honneur et informer ceux qui auraient envie d’organiser une Pride digne de ce nom de pas aller là-bas. C’est possible de faire ça bien sans eux, comme c’était le cas en 2021 quand la mairie de Lille avait annulé la Pride et que ça s’était fait quand même, plus revendicatrice et sans chars. On vous encourage à plutôt vous rapprocher de celleux qui organisent des Prides Radicales et qui subissent une répression policière ignoble. Et le cas échéant, ou les deux en même temps, de rejoindre les évènements qui sont encore un tant soit peu militants comme l’Existransinter (dernière en 2022 à Lille), le TDOR (chaque année), la Pride des Luttes (dernière en 2023 à Lille).
Nik votre Pride Capitaliste, célébrons la Rage Queer toustes ensembles et toute l’année !
Écrit par L’Anarc-En-Ciel
publié le 1 octobre 2024 dans le numéro 1 "La Pride est morte, vive la Pride"
https://lille.indymedia.org/spip.php?article36734
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