Ceci est la traduction d’une lettre de la camarade Maja, incarcérée en Hongrie. Malgré une décision contraire de la cour constitutionelle, Maja avait été extradée pour Budapest il y a plus d’un an par l’État allemand.
Elle fait partie des nombreuses personnes poursuivies par le Régime de Orban pour avoir menée des actions antifascistes contre le jour de l’honneur en février 2023.
Liberté pour toustes les antifas !
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Une tentative de parler - Maja à propos de l’acte d’accusation
Chers ami·es, compagnonn·es, camarades, famille et soutiens,
j’ai décidé de vous écrire et d’écrire à toustes celeux qui sont intéress·ées par un mot de ma part.
Aujourd’hui, nous sommes le 30 décembre 2024. Je pensais qu’aujourd’hui, après six mois, un examen de ma détention aurait lieu. Celui-ci devait réunir le parquet, mon avocat et moi-même devant un tribunal hongrois afin de débattre de la nécessité (ou non) de me placer en détention provisoire. Cela fait bientôt 13 mois que j’ai été arrêté à Berlin et, quelques jours après mon premier « anniversaire » de détention, le parquet hongrois a dû envoyer son acte d’accusation contre moi au tribunal compétent, sans juger nécessaire de m’en informer. Il y décrit les faits reprochés, énumère ses « preuves » et dresse, en gros, un portrait spécifique de moi et des co-accusés. Cette image nous décrit comme un groupe de voyous brutaux, poussés par la haine, qui se promènent dans les rues en poursuivant les gens au hasard. Le ministère public m’accuse d’être un danger pour la société et conclut qu’il faut me condamner à 14 ans de prison ferme, sans possibilité de libération conditionnelle. A condition que je plaide coupable dans tous les points d’accusation. Dans la foulée, elle demande que je reste en détention provisoire, au moins jusqu’au premier jugement. Le tribunal compétent dispose maintenant d’un délai confortable de trois ans pour ce faire et n’est en aucun cas obligé de se dépêcher. Il y a quelques jours, mon avocat a reçu cet acte d’accusation, ainsi que la décision d’un tribunal qui, en notre absence, a décidé de m’incarcérer pour une durée indéterminée. L’examen de la détention proprement dite a donc été annulé et il ne nous reste que la possibilité de faire appel par écrit auprès de la prochaine instance.
Je suis assise là, je ne peux que secouer la tête, regarder avec stupéfaction, rire et me mettre en colère, alors que le sentiment d’impuissance et d’anxiété commence à me couper l’herbe sous le pied. Ce ne sont pas les accusations absurdes et contraires à la réalité formulées par le ministère public ou ses exigences destructrices. C’est plutôt la manière dont ils s’arrogent le droit de me voler ma vie. Par l’absurde, je me console en pensant que c’était à prévoir. Que même si la Hongrie se pare du grand mot « État de droit », ce n’est qu’un label, un parmi tant d’autres. Ici, peu de gens ont des droits, du moins pas tous les mêmes. C’est l’Etat qui détient le pouvoir et le droit doit servir ses acteurs plus que la « justice ». Cette manœuvre tout à fait « légale » du ministère public me montre qu’ils ne voulaient pas prendre le risque qu’un juge entende un mot de ma part. Le risque serait trop grand que l’isolement, conçu en dessous de la dignité humaine, prenne fin.
Maintenant que je n’ai plus le droit de parler au tribunal, j’ai décidé de le faire ici, ce qui aurait dû être fait depuis longtemps. Je tiens à m’excuser pour le fait que cela m’ait semblé aussi rare que possible, car tant de personnes ont déjà vu la nécessité et ont courageusement pris la parole, parlé, écrit, planifié et organisé, manifesté, fait des dons et réchauffé des mains tremblantes, se sont tenues les unes les autres au cours des deux dernières années. Par tant de voies différentes, votre solidarité m’a atteint ces dernières années et m’a enrichi de force, de courage et de confiance. Il me semble une fois de plus que je n’ai que trop rarement mis des mots sur la Gratitude que je ressens pour cela. Grâce à vous, les utopies restent colorées, tenues dans des mains tendres dont la volonté ne se brise pas. Je veux que vous sachiez que cela fonctionne, chaque mot, chaque pensée, chaque combat politique dont j’entends parler et qui ose ne pas se taire, se rebelle toujours au lieu de s’échouer dans la mer du bien-être.
Même si la Hongrie continue à m’emprisonner dans la simple volonté de me juger, de me punir et de me dissuader, tandis que le gouvernement fédéral hoche timidement la tête en tenant la main d’Orban, même si l’isolement me broie la tête, que le manque de soleil me fait pâlir et que la nostalgie d’une conversation familière et d’une seule étreinte m’arrache au sommeil la nuit, je reste là, je reste à vos côtés. Osons toujours ne pas nous taire, même si les mois et les années menacent parfois d’anéantir tout espoir et toute confiance en nos propres forces. Nous ne pouvons pas nous décourager, ce serait fatal. Trop de choses sont en jeu, trop de choses ont déjà dérapé par rapport à ce qui a été conquis et appris autrefois. Si mon petit mot vous a encouragé, peut-être avec un sourire familier, un regard encourageant et attentionné que vous offrez à quelqu’un, il ne me reste plus qu’à vous remercier de l’avoir lu et écouté. A presto mi faro vivo !
Avec des pensées solidaires, Maja
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