Le Sous Commandant Moisés annonce la venue d’une délégation Zapatiste en Europe pour avril 2021

Traduction par le Serpent@Plumes du communiqué de l’EZLN, publié le 5 ocotbre sur le site de liaison zapatiste : ici

Sixième partie : UNE MONTAGNE EN HAUTE MER

COMMUNIQUÉ DU COMITÉ CLANDESTIN RÉVOLUTIONNAIRE INDIGÈNE – COMMANDEMENT GÉNÉRAL DE L’ARMÉE ZAPATISTE DE LIBÉRATION NATIONALE.

MEXIQUE.

5 octobre 2020

Au Congrès National Indigène – Conseil Indigène de Gouvernement :

À la Sexta Nationale et Internationale :

Aux Réseaux de Résistance et Rébellion :

Aux personnes honnêtes qui résistent dans tous les coins de la planète :

Sœurs, frères, frœurs :

Compañeras, compañeros et compañeroas :

Les peuples originaires de racine maya et les zapatistes nous vous saluons et vous disons ce qui advient dans notre pensée commune, en accord avec ce que nous voyons, entendons et ressentons.

Premièrement.- Nous regardons et écoutons un monde malade dans sa vie sociale, fragmenté en millions de personnes éloignées les unes des autres, accrochées à leur survie individuelle, mais unies sous l’oppression d’un système prêt à tout pour étancher sa soif de profits, même lorsqu’il est clair que sa voie va à l’encontre de l’existence de la planète Terre.

L’aberration du système et sa stupide défense du « progrès » et de la « modernité » se fracasse sur une réalité criminelle : les féminicides. Le meurtre de femmes n’a ni couleur ni nationalité, il est mondial. S’il est absurde et insensé que l’on persécute, fasse disparaître, assassine quelqu’un pour la couleur de sa peau, sa race, sa culture, ses croyances ; on ne peut croire que le fait d’être une femme équivaille à une sentence de marginalisation et de mort.

Dans cette escalade prévisible (harcèlement, violence physique, mutilation et assassinat), avec l’aval d’une impunité structurelle (« elle l’a bien mérité », « elle avait des tatouages », « qu’est-ce qu’elle faisait à cet endroit à cette heure-là ? », « habillée comme ça, il fallait s’y attendre »), les meurtres de femmes n’ont aucune logique criminelle qui ne soit celle du système. Différentes strates sociales, différentes races, différents âges qui vont de la petite enfance jusqu’à la vieillesse et dans des géographies distantes les unes des autres, la seule constante est le genre. Et le système est incapable d’expliquer pourquoi tout ceci avance main dans la main avec son « développement » et son « progrès ». Dans la révoltante statistique des mortes, plus une société est « développée » plus est important le nombre de victimes dans cette authentique guerre de genre.

Et la « civilisation » semble nous dire, à nous peuples originaires : « la preuve de votre sous-développement réside dans votre faible taux de féminicides. Ayez vos méga-projets, vos trains, vos centrales thermoélectriques, vos mines, vos barrages, vos centres commerciaux, vos magasins d’électroménager – avec chaîne de télévision incluse -, et apprenez à consommer. Soyez comme nous. Pour solder la dette de cette aide progressiste, ni vos terres, ni vos eaux, ni vos cultures, ni vos dignités ne suffisent. Vous devez compléter cela avec la vie des femmes ».

Deuxièmement.- Nous regardons et écoutons la nature blessée à mort, et qui, dans son agonie, avertit l’humanité que le pire est encore à venir. Chaque catastrophe « naturelle » annonce la suivante et oublie, comme par hasard, que c’est l’action d’un système humain qui l’a provoquée.

La mort et la destruction ne sont maintenant plus des choses éloignées, arrêtées aux frontières, respectant les douanes et les conventions internationales. La destruction, dans n’importe quel recoin du monde, se répercute sur toute la planète.

[...]

Sixièmement.- Nous avons donc décidé ceci :

Qu’il est à nouveau temps que les cœurs dansent, et que ce ne soit ni sur la musique ni dans les pas de la complainte et de la résignation.

Qu’en diverses délégations zapatistes, hommes, femmes et autres de la couleur de notre terre, nous sortirons pour parcourir le monde, nous cheminerons ou naviguerons jusqu’à des terres, des mers et des ciels lointains, cherchant non pas la différence, ni la supériorité, ni l’humiliation, et moins encore le pardon et la peine. Nous irons chercher ce qui nous rend égaux.

Non seulement l’humanité qui anime nos peaux différentes, nos manières différentes, nos langues et couleurs diverses. Mais aussi, et surtout, le rêve commun que nous partageons, en tant qu’espèce, depuis que, dans cette Afrique qui sembla lointaine, nous avons envoyé marcher à genoux la première femme : la recherche de la liberté qui anima ce premier pas… et qui continue à avancer.

Que la première destination de ce voyage planétaire sera le continent européen.

Que nous naviguerons jusqu’aux terres européennes. Que nous partirons et lèverons l’ancre, depuis les terres mexicaines, au mois d’avril de l’année 2021.

Que, après avoir parcouru divers recoins de l’Europe d’en-bas et à gauche, nous arriverons à Madrid, la capitale espagnole, le 13 août 2021 – 500 ans après la supposée conquête de ce qui est aujourd’hui le Mexique. Et que, immédiatement après, nous continuerons notre chemin.

Que nous parlerons au peuple espagnol. Non pour menacer, reprocher, insulter ou exiger. Non pour lui réclamer qu’il nous demande pardon. Ni pour les servir ni pour nous servir.

[...]

Nous invitons qui a pour vocation, volonté et horizon, les arts et les sciences à accompagner, à distance, nos traversées en bateaux et à pieds. Et qu’ainsi, ils et elles nous aident à défendre qu’en elles, sciences et arts, réside la possibilité non seulement de la survie de l’humanité, mais aussi d’un monde nouveau.

En résumé : nous partons pour l’Europe au mois d’avril de l’année 2021. La date et l’heure ? Nous ne savons pas… encore.

- * -

Compañeras, compañeros, compañeroas :

Soeurs, frères et frœurs :

Ceci est notre volonté :

Face aux puissants trains, nos canoës.

Face aux centrales thermoélectriques, les petites lueurs dont les femmes zapatistes ont donné la garde aux femmes qui luttent dans le monde entier.

Face aux mus et aux frontières, notre navigation collective.

Face au grand capital, un champ en commun.

Face à la destruction de la planète, une montagne naviguant au petit matin.

Nous sommes zapatistes, porteurs et porteuses du virus de la résistance et de la révolte. Comme tels, nous irons sur les cinq continents.

C’est tout… pour l’instant.

Depuis les montagnes du Sud-est Mexicain.

Au nom des femmes, des hommes et des autres zapatistes.

Sous-commandant Insurgé Moisés.

Mexique, octobre 2020.

P.S.- Oui, il s’agit de la sixième partie et, tout comme le voyage, ça continuera en sens inverse. C’est à dire que suivra la cinquième partie, après, la quatrième, puis la troisième, ça se poursuivra avec la deuxième et finira avec la première.


publié le 11 octobre 2020

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