La crise sanitaire, économique et écologique que nous traversons aurait trouvé sa réponse. Que ce soit la France de Macron, l’Europe de Von der Leyen ou l’Amérique de Biden, les mêmes Plans de relance verte, les mêmes « Green New Deal » font pleuvoir des milliards d’euros et de dollars sur l’économie – une économie supposément verte et décarbonnée. La recette est la même depuis la crise des années 1930, elle est toujours gouvernée par les statistiques de l’emploi et de la croissance, mais les ingrédients seraient désormais respectueux de l’environnement.
L’invitation à ce rassemblement appelle à défendre le vivant ici et maintenant, depuis notre métropole, depuis notre région qui subira encore quelques siècles les résidus des deux premières révolutions industrielles. Nous qui avons stoppé, pour l’instant, la bétonnisation de la friche Saint-Sauveur et engendré près d’un milliard d’euros de manque-à-gagner pour la promotion immobilière locale, ne pouvons que nous réjouir de cette initiative. Et nous profitons de ce moment si précieux en temps de confinement pour vous interpeller sur les autres projets locaux qui bénéficient déjà de la manne publique, et bénéficieront peut-être de celle du prochain Conseil régional.
En ce qui nous concerne directement, le Plan de relance de l’État français fait la part belle au secteur du BTP, grand pourvoyeur d’emplois, pour qu’il entame sa conversion écologique et "basse consommation". Nous redisons que même un prétendu « éco-quartier », ne nous satisferait pas à Saint-Sauveur parce qu’il est temps d’arrêter la densification urbaine, et parce que c’est aux usagers de décider de leur ville, non à quelques promoteurs et élus reverdis opportunément.
Le Plan de relance de l’État français soutient énergiquement l’industrie automobile, un secteur très important dans notre région, pour qu’il entame sa conversion électrique. Les nuisances du pétrole seront remplacées demain par celles du nucléaire et des métaux. La première usine de batteries d’Europe, grâce aux 860 millions d’euros d’argent publique, doit voir le jour à Douvrin. Face à la propagande verte, nous rappelons notre volonté de réinventer une vie débarrassée de la bagnole, de sa gabegie de ressources, de ses embouteillages, de ses autoroutes et de ses affreux échangeurs routiers. Une nouvelle liaison routière – la LINO – qui doit d’ailleurs desservir Eurasanté et le CHU, prévoit de prendre encore sur des terres agricoles fertiles au sud-ouest de Lille et, en partie sur ce qu’on appelle les champs captants, là où l’eau de pluie réalimente la nappe phréatique. Nous devons la refuser comme nous devons refuser l’extension de l’aéroport de Lesquin, avec son objectif de doubler le nombre de passagers. Peu importe que les avions volent demain avec 1 % d’huile de friture dans le kérosène, nous devons discuter de l’utilité des transports de masse et de la grande vitesse.
Pour faire rouler ces voitures électriques et ces avions électriques, pour nous chauffer à l’électrique, pour alimenter notre vie toujours plus assistée par l’ordinateur, l’État français, EDF, et demain peut-être la Région prévoient à la fois la construction de deux réacteurs EPR à Gravelines et d’une usine éolienne géante au large de Dunkerque. Refusons le piège tendu par les énergéticiens. N’opposons pas ces deux modes de production d’énergie et demandons plutôt : pourquoi tant d’électricité ? Pour mener quel genre de vie ?
Un autre secteur supporté par le Plan de relance nous intéresse particulièrement dans la Région, c’est celui de l’agroalimentaire. Là aussi la propagande de l’innovation verte et vertueuse croit pouvoir nous rallier à ses projets. La start-up picarde Innovafeed vient de recevoir 4,5 millions d’euros pour alimenter en protéines de mouche écoresponsables l’industriel Cargill à Haubourdin. Ajoutées à ses farines animales et végétales issues de la déforestation de l’Amazonie, les protéines d’insectes permettront à l’agro-industriel de nourrir plus de porcs, de volailles et de poissons en batteries. Est-ce cela que nous voulons ?
Nous ne voulons pas d’autres carburants ou d’autres protéines pour perpétuer le mode de vie ravageur actuel. Nous souhaitons discuter les causes mêmes des dégâts écologiques et sanitaires, pas juste gérer les conséquences, ni « administrer le désastre ». Il en est de même pour l’épidémie de COVID. Qu’elle soit échappée d’une forêt ravagée ou d’un laboratoire, elle est une maladie de notre mode de développement industriel. Nous ne désirons pas plus de masques, plus de lits d’hôpital, plus de mesures de confinement, nous ne voulons pas survivre dans un monde transformé en vaste zone de quarantaine supervisée par des spécialistes en blouses blanches. Nous ne voulons pas une meilleure gestion de l’épidémie, mais plus d’épidémies du tout. Nous voulons vivre et non survivre. Pour cela, effectivement, nous pouvons refuser ici et maintenant les causes de la crise écologique et sanitaire actuelle plutôt qu’investir dans les nuisances de demain.
P.A.R.C. Saint-Sauveur et A.S.P.I, Lille, le 22 mai 2021.