Nous sommes un volcan qui bouillonne [tract]

Tract diffusé dans la manif caennaise du 2 octobre 2025.

Le miroir aux illusions

Le 10 septembre appelait, enfin, une réaction contre le pouvoir qui nous piétine avec zèle depuis des années. La mobilisation n’a malheureusement été qu’en demi-teinte. Depuis, il semble que les vieilles forces d’encadrement politiques et syndicales aient repris la main. Une journée de grève par ci, une fausse menace sans rapport de force au gouvernement par là.
La stratégie de la défaite et de la pacification bat à plein régime.

L’Intersyndicale a mené en 2023 le mouvement contre la réforme des retraites dans les choux, en refusant de s’affronter au pouvoir à travers des actions, en s’en remettant au Parlement et en posant quelques jours de grève parsemés. Elle avait déjà montré son vrai visage lors des Gilets jaunes, au mieux en restant à l’écart, au pire en dénonçant cette lutte légitime. De fait, et malgré certains et certaines syndiqués de base, les bureaucraties syndicales sont depuis longtemps tombées dans la cogestion du capitalisme aux côtés du patronat et du pouvoir, plutôt que dans la lutte contre l’exploitation. L’ultimatum posé après la journée du 18 septembre avait tout du foutage du gueule.

La gauche, quant à elle, se pose comme seul débouché légitime de la lutte sociale. Faut-il rappeler que nous n’obtiendrons rien par les urnes, mais seulement ce que nous arracherons dans la rue ? A chaque fois qu’il y a eu un rapport de force favorable, c’est par la grève active et généralisée, avec des occupations, des blocages, des sabotages, etc. ça a été le cas en juin 36 (contre un gouvernement de gauche) ou en 68 par exemple.

Il faut souffrir d’amnésie pour ne pas se souvenir de ce qu’est la gauche de gouvernement, celle du tournant de la rigueur (déjà !) sous Mitterrand et de la rétention et la privation de libertés des immigré-es dès 81, celle plus récemment de la charge de gardes-mobiles laissant Rémi Fraisse sur le carreau à Sivens en 2014, des grenades assourdissantes et des véhicules blindés à l’assaut de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes en 2012, des interdictions de manifester lors de la contestation de la loi Travail en 2016, du viol de Théo par des flics en 2017… Sans oublier la loi sur l’extension du droit de faire usage de son arme à feu pour la police, ce qui a engendré une augmentation rapide du nombre de personnes tuées par des policiers.

Il est toujours bon de rappeler que Macron a été ministre dans ce gouvernement de gauche, avant de venir ’’sauver’’ la France, par deux fois, de la menace de l’extrême-droite. A chaque fois, de nombreuses organisations de gauche et d’extrême-gauche (même libertaires) ont donc poussé à aller voter contre Marine Le Pen pour l’élire. Dans le choix entre la peste et le choléra, la gauche est devenue experte.

On pourra toujours venir nous baratiner avec la ’’vraie gauche’’, soi-disant radicale, qui ressemble au mieux à la vieille sociale-démocratie. Merci, mais non merci. Elle a déjà sévi, par exemple en Grèce avec Syriza, présentée comme le débouché politique d’une intense révolte. Il lui aura fallu quelques mois pour se plier aux exigences du capital et mener avec zèle des politiques d’austérité imposées par le FMI et l’Union Européenne. La presse ne s’y était pas trompée, la qualifiant alors rapidement de parti de centre-gauche. Un recentrement très rapide.

Il y en a eu des exemples de la gauche, même soi-disant radicale, au pouvoir : outre celui de Syriza, on se remémorera avec intérêt le bilan de Podemos en Espagne ou de l’Unité de gauche au Chili – et pourquoi pas de la flambée de gouvernements de gauche en Amérique Latine au début des années 2000 (Morales en Bolivie, Correa en Equateur, Lula au Brésil, etc.). Que le miroir aux illusions fonctionne encore reste une énigme…

Faire rupture : la révolution sociale !

Aujourd’hui, nous retrouvons les vieilles revendications déconnectées de la réalité de la guerre sociale en cours menée par les classes dirigeantes. On demande de revenir au bon vieil Etat social, celui de grand-papa et grande-maman. Sauf que c’en est fini (et c’est peut-être pas plus mal). Pourquoi exiger des hausses de salaire, qui seront de toute façon rendues caduques au bout de quelques mois par les effets de l’inflation ? A quoi bon taxer les riches si on maintient en même temps un système basé sur l’exploitation et les inégalités ? A qui ça peut parler de revendiquer « sauver les services publics », à une époque où des tas de gens en sont déjà privés depuis bien longtemps ? Il est heureux de renouer avec une critique de la manière dont les riches tirent leur richesse de notre propre travail et dont l’Etat les soutient, il nous semble beaucoup plus hasardeux d’en rester aux vieilles revendications citoyennes demandant tout au plus quelques miettes.
Quant à défendre l’Etat redistributeur et social, c’est participer à renforcer le poison. L’Etat n’a historiquement toujours été que l’expression d’un rapport de force en faveur des classes dominantes. Ses concessions n’adviennent que sous les coups de butoir des révolté-e-s. Ou parce que le capital a conjoncturellement intérêt à développer un Etat social et des infrastructures techniques et scientifiques à même de soutenir son propre développement. Les hauts fonctionnaires d’Etat et les principaux dirigeants d’entreprise ont fréquenté les mêmes écoles, passent d’un secteur à l’autre en permanence, partagent les mêmes intérêts.

C’est la définition même de l’Etat moderne.
L’Etat est une mafia qui a réussi.

Face à l’accélération des attaques du pouvoir dans tous les domaines, nous allons de plus en plus vers une dystopie, condamnée à vivre sous contrôle technologique dans un monde dévasté. Nous pouvons essayer de construire une autre perspective : celle de la révolution sociale. Les pragmatistes pourront bien rétorquer que nous ne sommes pas dans une situation révolutionnaire et qu’il faut faire preuve de réalisme – et donc faire front avec celles et ceux qui veulent que quelque chose change pour que rien ne change. Ouvrir une telle situation est justement la tâche qu’il faut désormais accomplir. Le mouvement, s’il veut construire une réelle perspective émancipatrice, n’a pas d’autre choix qu’assumer son autonomie et sa dynamique confrontationnelle avec le système dans lequel nous sommes enfermé-es. Peut-être en étant minoritaire, pour l’instant, mais en essayant de construire quelque chose de nouveau qui pourrait devenir une force à la hauteur des enjeux immenses des années à venir. Si les révolutions ne se déterminent pas à l’avance, il faut des efforts intenses et beaucoup de préparation préalables pour qu’elles trouvent leur chemin.

Et si on s’y mettait ?

Avec pour perspective d’en finir avec le salariat et le travail, c’est-à-dire avec le fait de mettre à disposition notre corps pour des activités dont nous n’avons pas choisi les finalités au profit d’autrui, avec pour conséquence tant de souffrances et une dépossession du sens de notre vie ; d’en finir avec la propriété privée, c’est-à-dire avec le fait que des personnes puissent posséder plus de terres qu’elles ne peuvent elles-mêmes utiliser, des logements qu’elles n’habitent pas mais louent à d’autres, des moyens de production qu’elles n’utilisent pas mais confient au travail de salariés leur vendant leur force de travail ; d’en finir avec l’argent, ce bout de papier fabriqué par un procédé industriel qui maintient dans la misère la plus grande partie des gens ; d’en finir avec la société industrielle et ses ravages, nous condamnant d’ores et déjà à vivre dans un monde pollué, radioactif et de plus en plus désertique ; d’en finir avec le patriarcat et le racisme, et tout ce qui vient entraver la maîtrise de notre vie et de notre propre corps, l’appropriation des finalités de nos activités, le contrôle de nos gestes et de nos décisions.

Grève, blocage et sabotage !
Vive la révolution sociale !
Vive l’anarchie !

Des anarchistes


publié le 8 octobre 2025

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