Calais, Grande-Synthe : chiffrer les violences d’État faites aux exilés

Tentes lacérées, expulsions systématiques, personnes migrantes en errance… Ces images nous parviennent, presque quotidiennement, du nord de la France. Des réalités que le collectif d’associations Human Rights Observers chiffre et objective, dans son rapport annuel publié ce 15 avril sur les « violences d’Etat à la frontière franco-britannique » en 2020.

« Tous les deux jours, nous devons détruire nos maisons ». C’est ainsi qu’un exilé résume ses conditions de vie à Calais, dans un témoignage recueilli par l’organisme inter-associatif Human Rights Observers dans son rapport annuel. Rien que sur l’année 2020, 1058 expulsions de lieux de vie informels ont eu lieu à Calais (967) et à Grande-Synthe (91). Ces chiffres ont pu être établis par les observateurs de HRO, collectif d’associations né en 2017 à la suite de la destruction de la « jungle » de Calais. Ces observateurs sont présents sur le terrain, a minima en binôme, lors des expulsions sur les deux communes. Ils recensent ainsi, méthodiquement, les pratiques policières. HRO a ainsi couvert presque 90 % des expulsions à Calais, et 68 % à Grande-Synthe.

« Chaque expulsion contraint les personnes qui habitaient les lieux à retourner une fois de plus à l’errance, impactant nécessairement l’accès à l’eau, l’accès à la nourriture, l’accès aux soins et à toute prise en charge spécifique aux besoins de chacune » écrivent les associations dans le rapport. Le but affiché est toujours le même : éviter les points de fixation. Or, les lieux de vie détruits se recréent aussitôt, ici, ou plus loin.

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Entraves à l’observation

Enfin, le rapport recense 191 tentatives d’intimidation, en 2020, contre des observateurs. Ces entraves passent par des verbalisations : au moins 30 amendes pour non-respect du deuxième confinement ont été distribuées. En outre, lors des expulsions, les forces de l’ordre forment systématiquement un périmètre au sein duquel les personnes tierces ne peuvent entrer. Cette méthode constitue, selon les associations, « une entrave délibérée aux tentatives de documentation et participe à l’invisibilisation des violences perpétrées à la frontière ».

Dans un rapport publié le 11 février 2021, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme dénonçait ces périmètres de sécurité, ayant « pour effet d’entraver l’observation par des tiers du déroulement des démantèlements ». La synthèse et les chiffres de HRO, s’ils permettent d’objectiver la situation, restent en deçà de la réalité, notamment du fait de ces entraves.

Contre la politique menée actuellement, la CNDH recommande « l’implantation de petites unités de vie, le long du littoral, permettant aux personnes exilées de trouver un lieu sécurisé et un temps de répit propice à une réflexion sur leur projet migratoire ». Mais le préfet du Nord Michel Lalande a défendu de nouveau le 12 janvier 2021, dans un communiqué, les pratiques de lutte contre les points de fixation. Il confirme « son opposition résolue à organiser un et a fortiori plusieurs points d’accueil fixe à proximité du littoral ».


publié le 16 avril 2021

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