[mouette enragée] P&O Ferries licencie 800 marins sans préavis

La société de transport maritime P&O vient de licencier 800 marins anglais sans préavis afin de les remplacer par de la main-d’œuvre à bas coût nous informe la mouette enragée de boulogne

P&O est une société de transport maritime anglaise crée au début du XIX° siècle et qui aujourd’hui appartient au groupe international DP World(1). Son président et directeur général le Sultan Ahmed bin Sulayem, prétexte la perte de 100 millions de livres sterling lors de l’année écoulée pour justifier le plan de licenciement qu’il vient de dérouler.

l’argent va à l’argent

Des deux côtés de la Manche, le scénario est immuable. Dans un premier temps, une entreprise engloutit des sommes d’argent public versées sans contrôle puis dans un second temps, elle licencie tout ou partie de sa main d’oeuvre afin de « préparer l’entreprise à la croissance »(2). Interrogé sur cette pratique, le président du parti conservateur actuellement au pouvoir, Oliver Dowden, a répondu : « Nous devons examiner tout cela – je pense qu’il est un peu prématuré pour commencer à en tirer des conclusions… »

Le « nouveau modèle » qu’envisage Ahmed bin Sulayem repose sur la réduction de 50 % des coûts d’équipage. Afin de le mettre en oeuvre, les avocats du groupe compteraient faire jouer une close particulière : appliquer la loi de Jersey. S’ils parviennent à leurs fins, les marins perdraient les maigres protections qu’offre encore le droit du travail anglais. Dans l’immédiat, il s’agit au plus vite de faire reprendre la mer aux navires. Une seule journée d’immobilisation représente un manque à gagner d’environ un million de livres sterling pour l’entreprise. Le temps n’étant que de l’argent, du moins sous le régime de l’accumulation capitaliste, le patron ne s’est pas embarrassé de protocole. Il a licencié sur le champ et sans préavis 800 marins, comptant leur verser une indemnité de dédommagement afin de tourner la page sans délai.

des patrons voyous ? des méthodes de brigand ?

A P&O, les licenciements touchent le personnel de bord exerçant sur les liaisons entre Douvres et Calais, Hull et Rotterdam, Cairnryan et Larne et Liverpool et Dublin. Le groupe DP World a décidé de les remplacer par des employés d’entreprises sous contrat de moindre qualité. Certains d’entre eux ont même été informés qu’ils pouvaient d’ores et déjà postuler à de nouveaux postes par le biais de ces entreprises.

Une partie des marins de P&O ont été licenciés par une réunion Zoom préenregistrée. D’autres qui travaillaient ont été avertis en personne à bord du navire. Selon la direction, « les équipages qui étaient en congé ont été avertis personnellement : ils ont été appelés individuellement par téléphone, ainsi que par e-mail et par SMS. Nous avons proposé des indemnités de licenciement plus élevées aux personnes concernées afin de les indemniser correctement et rapidement pour le manque d’avertissement et de consultation. Les changements que nous avons apportés nous mettent en conformité avec les pratiques standard du secteur ».

Chez les syndicalistes et certains politiciens ou parfois mêmes des salariés, on a pris l’habitude de taxer les patrons de voyous lorsqu’ils agissent selon leurs intérêts propres. Le capitalisme n’a pourtant jamais été une affaire de morale ; encore moins une épreuve sportive réglée par la notion de fair-play …

Dès l’affaire rendue publique, la plupart des membres du syndicat RMT ont organisé un sit-in à bord des ferries. La direction du syndicat aurait exigé que « ses membres soient protégés et que le secrétaire d’État intervienne pour sauver les marins britanniques de la file d’attente du chômage. » Peine perdue puisque sur le port de Douvres, les équipes de sécurité de l’entreprise sont montées à bord pour évacuer manu militari les occupants. Le patron a présenté une toute autre interprétation des faits : « Les équipes qui ont escorté les marins hors de nos navires ont fait preuve d’un professionnalisme total en gérant cette tâche difficile avec toute la sensibilité requise.Contrairement aux rumeurs, aucun de nos employés ne portait de cagoule et on ne leur a pas demandé d’utiliser des menottes ou la force. » Quoi qu’il en soit, les marins se sont retrouvés à quai(3)…

Là encore, le patronat ne connait que le rapport de force et lorsqu’il sait ne rien devoir craindre des travailleurs, il agit à sa guise avec l’assurance d’avoir l’artifice du droit pour lui.

un début de résistance ?

Il y a eu plusieurs réactions immédiates. Devant le port de Liverpool, plus de 200 manifestants se sont rassemblés et les chauffeurs de camions qui travaillent sur place ont klaxonné en signe de soutien. A Douvres, d’anciens employés de P&O et des membres du syndicat RMT ont bloqué la route menant au port entravant un temps l’embarquement des centaines de camions en attente sur le terminal. La police est intervenue immédiatement pour dégager la voie.

Enfin, le syndicat Rail, Maritime and Transport (RMT) réclame un boycott public et commercial généralisé de la société P&O Ferries jusqu’à ce que les emplois soient rétablis… Et il paraît bien peu probable que le gouvernement soutienne la nationalisation de l’entreprise réclamée par certains(4)A suivre, donc.

Boulogne-sur-mer, le 20/03/2022


  1. P&O a longtemps assuré les traversées Transmanche depuis Boulogne-sur-mer qu’elle a quittée au début des années 90 pour se recentrer sur le port de Calais.
  2. P&O a bénéficié de versements d’argent public au titre du soutient à l’activité lors de la pandémie de Covid.
  3. Nous n’avons pas trouvé d’information précise concernant la manière dont s’est déroulée l’expulsion des marins hors de navires. Ont-ils résisté ou non ?
  4. La nationalisation d’une industrie n’a jamais été la garantie de conditions d’exploitation moins féroces pour les travailleurs concernés.

publié le 23 mars 2022

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