[Semaine 1] Du pain pour Calais - Dunkerque

Pendant 2 mois, une trentaine de boulanger·es du réseau de l’Internationale Boulangère Mobilisée (l’IBM) vont se relayer pour faire du pain à Calais - Dunkerque pour les exilé·es.

Pour commencer, l’équipe de boulange a posé le four à Dunkerque. Chronique de cette première semaine.

Une journée sur la jungle ça donne quoi ?

La remorque est attelée, le pain fraîchement cuit est chargé, les bidons d’eau sont plein, nous sommes prêtes pour la distribution sur la "jungle" ! On fait quelques bornes pour aller s’installer au "carré". C’est un peu la place du village, comme dise les bénévoles d’Help4Dunkerque (H4D). Pour y accéder on franchie des grilles installées par Total (les personnes exilées sont installées sur le terrain de la multinaltionale), on roule sur un chemin plein de flaques et de boue. Une fois installée, les personnes qui vivent sur la jungle se mettent plus ou moins en ligne pour avoir de quoi manger et boire. La plus part du temps ils n’ont pas mangé depuis le midi de la veille. "One Tchaï one Tchaï ! Three Sugar !" on sert des boissons chaudes sucrées en continu !

Les premiers jours tu ne captes pas tout ce qui se joue sur la jungle : les hiérarchies, l’organisation de la mafia, etc. En tant qu’asso c’est super important d’être uniquement à l’écoute et de ne jamais s’imposer. On file du bois et à manger à tout le monde sans distinction.
Pendant qu’on sert des boissons chaudes et des tartines, une autre partie de l’équipe assure une permanence douche avec un camion-douche aménagé exprès pour. Il y a aussi l’asso Roots qui met à disposition des cuves à eau et des barnums sous lesquels on trouve des tables avec pleeeeeein de mutliprises pour recharger les téléphones. Et une asso de médecins réalise tout type de soin.
A 12h c’est la désertion, c’est parce que le repas est servi un peu plus loin par l’asso Soutenons Aidons Luttons Agissons pour les Migrants (SALAM).

Ah et là, camion vert en vue ! C’est la livraison de bois qui arrive. L’équipe bois essaye de passer 3 fois par jour à tous les endroits où il y a des campements. L’objectif : permettre à un maximum de personne de pouvoir se chauffer en continue la journée et le soir. L’équipe passe d’entreprise en entreprise pour récupérer des palettes pour ensuite les découper et les livrer. Une fois il y a eu un couac. Les accords avec les entreprises étant principalement oraux, un responsable hostile à l’accueil des personnes exilé·es en a profité pour accuser H4D de vol, la police s’est frottée les mains. Toutes les occasions sont bonnes pour mettre des bâtons dans les roues. Dépôt de plainte à gérer, passage au commissariat pendant plusieurs heures, bref encore du temps perdu pour les responsables de l’asso qui ont bien d’autres choses à faire.
En fin d’après-midi, l’équipe qui était restée au hangar arrive pour installer le "free shop" : pantalons, chaussettes, pulls, etc. difficile de satisfaire tout le monde !

Parfois le programme de la journée est bousculé, c’est l’heurre des terribles évacuations. Pour éviter toutes installations pérennes, il y a des évacuations de campement toutes les semaines. Les CRS pilotent l’opération et des entreprises privées sont chargées de "tout nettoyer" (c’est à dire arracher, déchirer et jeter les tentes, enlever tout ce qu’il y a sur les campements, et labourer les terrains pour les rendre impraticables). En parallèle il y a l’Afeji (une asso mandatée par l’Etat) qui met en place des "mises à l’abri", c’est une façon toute nulle de justifier les expulsions. Les personnes sont en effet emmenées la plupart du temps dans des gymnases où elles se retrouvent juste à l’abri mais sans nourriture et sans couverture. Elles sont ensuite remises dehors quelques jours ou semaines plus tard.
Après 7h passées au carré, on serre nos derniers tchaï, on plie les stands, et on retourne au hangar.
Aïe ... Difficile de partir et de laisser dans le froid, parfois la pluie, et souvent le vent, toutes les personnes avec qui on a passé la journée.

Une semaine à Dunkerque c’est...

Un rythme effrené
Des engagements humains de dingue
La boule au ventre face aux violences
De la colère, beaucoup de colère
De l’attachement
Du pain fait avec amour
Des danses afghanes
Des points d’équipe
Du rire et des pleurs
Une soirée pizza
Une évacuation sous nos yeux
Des tonnes de vêtements triés
Des nuits en camion
Un sentiment d’impuissance
Des contrôles d’identité
De la débrouille
Des distributions
Du tchaï du tchaï du tchaï
Des maraudes
Du vent et de la pluie
Du soutien
Des récits de vie
Une pleine lune
Des victoires
Des traversées échouées

Des boulanger·es de l’IBM


publié le 14 janvier 2023

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