Ce que nous avons vu et vécu hier soir, mardi 7 mai, devrait nous enrager. 88 personnes ont été interpellées pour avoir posé quelques tentes dans un amphithéâtre et s’être réunies aux alentours de la Sorbonne, où avait lieu une occupation contre le génocide en cours en Palestine. Une fois l’amphithéâtre occupé et les impératifs pratiques remplis, se succèdent certaines discussions qui alternent entre pacification de l’occupation en cours et justification des violences de l’administration. Des propos tous plus lunaires les uns que les autres sont balancés à la volée ("Vigiles, ouvriers de la sécurité", par exemple). entre ces positions opportunistes et électoralistes, certaines voix divergentes se font entendre : "On est pas là pour faire avancer la carrière d’un fils de chien".
En plus de limiter le champ des possibles dans notre réponse collective face à la présence policière à un attentisme stérile, cette pacification de l’occupation sert une volonté d’assagir les protestations, de donner un visage "respectable" à la contestation, d’une jeunesse qui se tient sage et du côté de la vertu. Comble de cette soirée, nous apprenons que ces mêmes personnes osent flouter le visage des keufs sur l’une de leurs vidéos. Le pacifisme est un fléau.
La réaction immédiate de la plupart des organisations de gauche fut d’appeler à un rassemblement pacifique le lendemain, devant l’Hôtel de Ville de Paris, loin de toute possibilité d’intervention hors-slogan, afin de demander calmement la levée des gardes à vue et l’arrêt de toute poursuite.
Cet ensemble de réflexes légalistes (demande de cessez-le-feu, demande de libération des camarades), même effectués par des personnes sincères dans leurs luttes, déplace les coordonnées du rapport de force dans les mains de nos oppresseurs. La non-violence s’arrête précisément là où un génocide commence. Il semble y avoir une inconséquence dans le discours exigeant des orgas de gauche qui, dans leurs revendications et leurs pratiques héritées d’une idéologie pacifiste, prône le gentil citoyennisme et les postures pseudo-sacrificielles comme seul horizon stratégique viable, nuit et dessert nos objectifs. Ces derniers sont de mettre fin au génocide en cours et donc de détruire les institutions et les pouvoirs qui l’ont rendu possible et quais acceptable dans la majorité de l’opinion.
L’année dernière, dans un campus universitaire du Nord de Paris, une tentative d’occupation avait donné lieu à 29 interpellations violentes. La réaction a été un envahissement suffisamment insistant pour obtenir de la présidence la libération immédiate sans poursuites de 28 interpellé.es. Si cela a pu être fait dans le contexte du mouvement des retraites, cela peut être fait dans le contexte d’un mouvement contre un génocide.
Si nous voulons réellement défendre les occupations, imiter avec panache nos vaillant.es camarades américain.es, il faut dire que le pacifisme nous met en danger et ne nous protège pas. Car le pacifisme découle d’une vision contre-révolutionnaire de la lutte qui consiste à attendre de la part de ceux qui autorisent les massacres et la répression. Pire, la patience du pacifisme nous contraint à livrer le peu de force qui se trouve de notre côté à l’ennemi. Le pacifisme freine notre capacité à nous organiser et à gagner parce qu’il permet au discours de l’adversaire de pénétrer dans nos luttes et de prévenir toute montée en intensité. Il est flagrant de voir que la répression policière, tout à fait normale (et non signe de la dérive de l’état de droit en état autoritaire) dans n’importe quel contexte de désordre, émeuve sans susciter le moindre désir de rendre coup pour coup.
Non. Une nouvelle fois, il faudra tranquillement se pointer aux comicos avec drapeaux et slogans, faire des courbettes devant la justice – simple auxiliaire de la police militarisée –, recommencer sans tirer de conclusions et éventuellement piétiner la volonté de certain·es de ne plus, précisément, rentrer dans ce vaste simulacre.
Nous croyons qu’un génocide, le meurtre d’un ado sous les coups de la police, une quelconque attaque de l’État contre le mouvement (expulsions, garde-à-vue, mutilation…) doit nécessairement amener à prendre des risques. Les causes de la domination ne vont pas chuter en un jour mais elles n’ont jamais eu un avenir aussi radieux qu’aujourd’hui, où le pacifisme fait son retour. Celui-ci n’instaure aucun rapport de force. Au contraire, il continue de s’en tenir au niveau de confrontation que l’ennemi impose et, conséquence désastreuse, nous pousse à nous retirer dans nos vies privées, loin de la chaleur d’une université, d’un ministère ou d’un rectorat en flammes.
Que vive le peuple palestinien et nik le rectorat et sa porcherie !
Comité préoccupé du Quartier Latin
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