Le centre culturel Gérard Philipe, salle de spectacles qui dépend de la mairie de Calais, a accueilli le samedi 1er juin la soirée d’inauguration de la 7ème édition du "Tyrant Fest", un festival de métal, pour une soirée "Tyrant Realoading". Le petit hic, c’est que la tête d’affiche de cette soirée présentée comme exceptionnelle est le groupe norvégien de black métal Taake, dont le chanteur, Ørjan Stedjeberg (plus connu sous son nom de scène, Hoest), seul membre permanent du groupe, est réputé depuis des années pour son racisme, son islamophobie, son fascisme et son attirance pour les symboles nazis.
Par exemple, le 20 mars 2007, Hoest s’est produit au club Turock d’Essen (allemagne), arborant une croix gammée peinte sur la poitrine. Le concert a été joué jusqu’à la fin. A la suite de cela, toutes les représentations du groupe dans des festivals en allemagne ont été annulées par les organisateurs. Hoest a alors fait une déclaration dans laquelle il réfutait être un nazi mais aussi qualifié le propriétaire du club de "untermensch" ("sous homme", un terme utilisé par les nazis pour désigner les personnes de "races inférieures") et lui a adressé : "tu peux aller sucer un musulman !".
Hoest ne fait pas mystère de son islamophobie crasse : dans la chanson "Orkan" (2011), il chante "au diable Mahomet et les musulmans". En 2013, lors d’un concert à Glasgow, il portait une croix de fer (symbole de l’allemagne nazie) et un t-shirt avec un croissant et une étoile (symbole de l’Islam) barrés.
Cette exhibition publique répétée ne laisse aucun doute sur l’idéologie de gros facho que lui et son groupe qui cautionne, cherchent à répendre, qui n’a rien d’une simple "provocation" comme il voudrait le faire croire. C’est la raison pour laquelle des concerts et des tournées entières de Taake ont été annulées à plusieurs reprises, en europe, aux états-unis et en australie. Mais pas à Calais !
D’abord interrogée en janvier 2024 par le journal local Nord Littoral, l’équipe du centre culturel Gérard Philipe avait répondu que ces faits étaient datés, que le chanteur s’était depuis repenti et avait d’ailleurs indiqué qu’il ne s’agissait que de simples provocations. De plus, la salle de spectacle affirmait fièrement que la publication Facebook annonçant la performance du groupe avait suscité pas moins de 100 likes ! Comment, alors, envisager que la programmation de ce groupe soit une mauvaise idée ?
En mai, un courrier avait été adressé à la salle de spectacle par un groupe de personnes indignées que ce concert soit maintenu malgré la parfaite connaissance par le centre Gérard Philipe des agissements et de l’idéologie du chanteur. Ce courrier avait fait la une du Nord Littoral le 27 mai, qui titrait "« Programmer le groupe Taake, c’est cautionner et répandre les idéologies nazies » : des voix s’élèvent pour demander l’annulation de Taake à Calais", et faisait état de la lâcheté si ce n’est la complicité des gérants de la salle, qui n’avaient pas souhaité répondre. Idem pour les responsables de la culture à la mairie, chacun.e se renvoyant la balle.
La semaine précédant le concert, des tags ont fleuri sur la salle de spectacle, dénonçant cette programmation islamophobe et néonazie, et suggérant qu’une annulation était encore possible.
Malgré cela, la mairie de Calais et la salle de spectacle Gérard Philipe ont bel et bien maintenu le concert. Le jour J, le samedi 1er juin, aux alentours de 20H, un groupe de 3 personnes a souhaité glisser des tracts rappelant les faits sous les pare-brises des voitures garées sur le parking de la salle de spectacle. Devant ladite salle étaient postés 2 véhicules de flics, prêts, on l’imagine, à faire taire toute forme de contestation contre le groupe qui commençait alors son concert. Alors que les 3 entamaient leur tractage, un des flics, bon chien de garde, a foncé sur l’un d’eux afin de s’enquérir de son action. Un autre tracteur, venu s’assurer que tout allait bien, a été également pris à partie. S’en est suivi un contrôle d’identité bien qu’aucune base légale de ce dernier n’ait pu être justifiée par les flics, lesquels menaçaient de conduire les personnes au commissariat si iels n’obtempéraient pas à donner leur identité. Une fois les identités données, les personnes ont été forcées de quitter les lieux, les tracts n’ont pas été rendus. Tracter sur la voie publique est pourtant une activité parfaitement légale et pour le moins inoffensive, mais la mairie de Calais et les flics ont préféré laisser libre champ aux néo-nazis avec une réaction totalement disproportionnée, intimidante et dissuasive. Et s’offir un fichage de militant.e.s gratos.
Le mutisme de la salle Gérard Philipe, tout juste bons à appeler les flics pour les protéger, la complaisance de la ville de Calais, le harcèlement des personnes portant des voix contestataires contre cette programmation scandaleuse : voici un épisode banal dans la ville la plus fliquée de france, dans un pays où on déroule le tapis rouge aux idéologies identitaires, le tout dans un climat d’islamophobie généralisé. Rappelons que le harcèlement policier est quotidien à Calais, que ce soit celui qui chasse, frappe et enferme les personnes migrantes bloquées à la frontière franco-britannique, celui qui réprime les jeunes de quartiers populaires comme celui du Beau-Marais où se trouve la salle Gérard Philipe, ou encore celui qui fait veut faire taire les voix de celleux qui tentent de lutter contre ce système de merde.
Mais la semaine dernière a vu éclore un florilège de tags sur les murs de Calais, mettant en panique la brigade anti-tags de Calais. Ils dénoncent la complicité de Carrefour et de McDonald’s avec l’état génocidaire d’israel, ou encore celle des boîtes de BTP Vinci, Spie Batignolles et Eiffage avec l’état français dans les constructions de CRA et de prisons*. Ils demandent la libération d’Ibrahima Bah ("Free Ibrahima Bah"), jeune homme condamné et foutu en taule au Royaume-Uni parce qu’accusé d’avoir été le capitaine d’un petit bateau dont le naufrage a fait 4 morts et 5 disparus en décembre 2022**. Et bien sûr, ils alertent contre la programmation de néonazis de Gérard Philipe. Les murs n’ont pas dit leur dernier mot !
* "Ravalement de façades contre les boites collabo des taules à Calais" <https://lille.indymedia.org/spip.ph...>
** "Jury convicts Ibrahima Bah : statement from Captain Support UK" (article en anglais) <https://calaismigrantsolidarity.wor...>
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